Véronique Giardina (directrice déléguée à la communication de l’ESCEM) : «Une marque ne se décrète pas, elle se travaille dans la durée»

Propos recueillis par Virginie Plaut Publié le
Véronique Giardina (directrice déléguée à la communication de l’ESCEM) : «Une marque ne se décrète pas, elle se travaille dans la durée»
Véronique Giardina // © 
Véronique Giardina est directrice déléguée à la communication de l’école de management ESCEM et membre de l’ARCES (Association des responsables de communication de l’enseignement supérieur). Auteur d’une thèse professionnelle sur «la marque dans les business schools», elle revient sur ses recherches, à la veille de la conférence EducPros du 9 février 2012 intitulée «Comment améliorer son image de marque ?».

Le concept de «marque» est-il le même pour un établissement d’enseignement que pour une entreprise ?
Il y a de grandes similitudes. Il ne faut pas oublier qu’on parle désormais d’«entreprises éducatives». Nous avons des logiques économiques, des objectifs de rentabilité, au moins en ce qui concerne les écoles. C’est d’autant plus vrai pour les écoles de management, avec la réforme des chambres de commerce et d’industrie [CCI]. Nous sommes plus que jamais à la recherche de financements. Les établissements d’enseignement supérieur sont également dans un environnement de forte concurrence, sur le plan national mais aussi international.

En revanche, contrairement aux entreprises traditionnelles qui sont sur un marché beaucoup plus ouvert et qui proposent des produits grand public, les écoles et les universités se positionnent sur un marché plus segmenté, plus cadré. Voire plus fermé. Nous sommes dans ce que David Lodge appelle «un tout petit monde». L’actualité des uns fait les discussions des autres. Les initiatives prises ici sont commentées là-bas. Chacun s’observe, analyse ses pairs. On prend modèle, on prend le contrepied, c’est selon… L’affectif est très fort. À l’intérieur même des institutions mais aussi à l’extérieur. Nous en avons la preuve régulièrement avec les déchaînements de passions sur les forums.

Pourquoi est-il important pour un établissement d’enseignement de devenir/développer sa marque ?
Pour demeurer attractif ! Nous sommes dans une «bataille mondiale de la connaissance». Il faut se distinguer, apparaître dans les classements nationaux – de plus en plus nombreux d’ailleurs –, mais aussi, si possible, mondiaux. Avant, lorsqu’on habitait à Lyon, on faisait ses études à Lyon. Maintenant, avec l’ouverture des frontières et l’avènement des nouvelles technologies, il faut exister bien au-delà de son rayon géographique. Et tout cela passe évidemment par l’image de marque. À l’ARCES, ce sont des préoccupations communes à tous. Nous avons d’ailleurs été l’un des premiers réseaux à proposer un grand colloque sur le sujet de la marque, en 2008.

Les établissements ont-ils pris conscience de l’importance de la marque ?
Oui, ils en ont bien conscience. Cependant, un certain nombre d’entre eux confondent politique de marque et politique de communication. Une marque n’est pas qu’un nom commercial. Elle renvoie à des critères bien précis. Tout d’abord, une marque s’inscrit dans le temps : elle implique une histoire, qui ne naît pas du jour au lendemain. Elle renvoie aussi à un espace, à une communauté, à la fois d’ailleurs interne [étudiants, professeurs, anciens…] et externe [le «consommateur», les futurs étudiants, les partenaires, les donateurs…]. Elle suppose également une «promesse de marque», un «contrat de marque» ou «style de vie» : quand on choisit HEC ou l’ESSEC, deux grandes écoles de commerce, au-delà de la qualité des études, on n’attend pas la même chose, par exemple ; on sait qu’on sera dans des univers différents. Une marque doit aussi «donner du sens», c’est-à-dire proposer des manières de voir/dire/faire qui entrent en résonance avec notre «cible». Enfin, pour exister, la marque doit se doter de signes distinctifs [visuels, textuels, sonores…]. Il est fréquent que les établissements éducatifs ne prennent en compte que la dernière des cinq caractéristiques. Cela ne suffit pas.

Quelles sont les bonnes pratiques dans ce domaine ?
La première des choses est d’être conscient qu’une marque ne se décrète pas, mais se travaille dans la durée. C’est pour cela qu’il faut s’interroger sur son histoire et sur ce qu’on veut raconter, c’est indispensable. Ensuite, il faut y consacrer un budget conséquent. Cela ne s’improvise pas. C’est comme dans le football : selon que l’on dispose d’un budget de 15 millions ou de 100 millions d’euros, on ne pourra pas se battre avec les mêmes armes. Si on manque d’argent, il sera plus difficile de faire venir des professeurs très renommés ou d’avoir des plans médias développés.

Il est également important de prendre en compte ses communautés et plus particulièrement celle des diplômés. Il est déterminant de pouvoir s’appuyer sur ses anciens, car ils permettent de renvoyer une image valorisante de l’école. Par exemple, lorsqu’un décideur ou entrepreneur est interrogé et qu’il se présente comme «ancien de …», c’est un point très important pour l’établissement en question. Les écoles d’ingénieurs ne travaillent en général pas assez cet aspect. Quant aux universités, c’est plus difficile pour elles. Les professeurs sont également un très bon vecteur de valorisation.

Enfin, je prêche un peu pour ma paroisse, mais il faut que les directions d’écoles et présidences d’université intègrent les services de communication dans leurs réflexions et qu’elles ne les considèrent pas comme de simples services supports. Ils ont une vraie vision stratégique.



VIIe Conférence du fundraising dans le supérieur et la recherche

La marque de l’établissement sera l’un des thèmes de fond de la VII sup>e Conférence de fundraising pour l’enseignement supérieur et la recherche de l’Association française des fundraisers (AFF). Les 8 et 9 février 2012, des séances plénières, ateliers, masters class, tables rondes sont proposés aux responsables du fundraising, à la Cité internationale universitaire de Paris. 400 acteurs de ce secteur y sont attendus.

Propos recueillis par Virginie Plaut | Publié le