Yves Durand (député PS du Nord) : "La formation permettra de rendre le métier d'enseignant plus attractif"

Propos recueillis par Isabelle Maradan Publié le
A moins d’un mois de la remise du rapport issu de la concertation pour la refondation de l’école au ministre de l’Education nationale, fin septembre 2012, Yves Durand, député PS du Nord et président du groupe de travail consacré à la formation, aux missions et à l’évaluation des personnels de l’Education nationale, revient pour EducPros sur les orientations qui font consensus.

Entre 60 et 80 membres du groupe de travail "des personnels formés et reconnus" se sont réunis deux fois par semaine depuis mi-juillet, avec une interruption d’un mois cet été, dans le cadre de la concertation sur la refondation de l'école. A quelques séances du rapport final, quels sont les points qui font consensus au sein de ce groupe que vous présidez ?

Il y a consensus sur des principes généraux comme la nécessaire professionnalisation des enseignants et la nécessité de mettre en place de véritables écoles du professorat et de l’éducation, formant à tous les métiers de l’éducation.
Au-delà du consensus sur la place du concours, par exemple, dont je ne peux pas parler par respect pour le travail des membres du groupe, puisqu’il reste des séances de travail et que le rapport n’est pas réalisé, ce que je peux assurer c’est qu’il y a une conscience partagée par tout le monde que nous avons là une chance extraordinaire de refondation de l’école. Et que cette refondation est une nécessité. L’Ecole a en partie été détruite par le mépris de l'institution et des enseignants. Chacun prend conscience de cela et même si les problèmes ne sont pas similaires aujourd’hui, l’exigence est la même qu’au moment du plan Langevin-Wallon [projet de réforme de l’école figurant dans le programme du gouvernement du Conseil national de la Résistance en 1944].

La crise des vocations pour le métier d’enseignant est une problématique importante à laquelle votre groupe de travail devait se consacrer.  Quelles solutions émergent de la concertation pour rendre le métier plus attractif ?

On ne peut pas faire cinq ans d’études, et réussir un concours de très haut niveau pour se retrouver sans armure devant des élèves !

Pour rendre le métier plus attractif, le plus important, c’est la formation ! C’est d’ailleurs le point sur lequel nous avons passé le plus de temps au sein du groupe de travail.
Il n’y a pas un problème de vocation. Les jeunes veulent être enseignants mais on ne leur en donne pas la possibilité. L’absence de formation est l’élément qui les a le plus détourné du métier ces dernières années. Plus encore que la question de la rémunération. On ne peut pas faire cinq ans d’études, d’efforts, et réussir un concours de très haut niveau pour se retrouver sans armure devant des élèves !
Par ailleurs, en allongeant la durée d’études, on a écarté les jeunes de milieux modestes. La masterisation [recrutement des enseignants au niveau master, NDLR] n’est pas remise en cause, mais grâce au pré-recrutement et aux bourses, nous allons aider les jeunes de familles modestes qui souhaitent devenir enseignants mais ne peuvent pas payer des études longues. Il faut une formation professionnalisante avec un pré-recrutement. Ceux qui se destinent à l’enseignement vont apprendre ce métier.

Le changement dans la formation des enseignants, sera-t-il vraiment observable dès la rentrée 2013, date à laquelle les Espé (Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation) doivent ouvrir ?

Une partie de la loi s’appliquera dès la rentrée 2013. Quant à la création des Espé, qui seront au sein des universités mais auront une identité propre, cela ne peut pas figurer dans le cadre de la loi. Comme la place du concours et les contenus de formation, qui pourront figurer dans un décret.
Le problème des maquettes de formation sera étudié dans le cadre des universités et les ministères de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur devront se mettre d’accord, comme sur la question du rapport Espé-universités.
Un premier signe a déjà été envoyé avec la création de 6.000 emplois d’avenir enseignants dès 2013. On a anticipé sur le vote de la loi. C’est un message fort.

Avez-vous vu les lignes et oppositions classiques bouger pendant la concertation ?  

Au départ, courant juillet, nous avons entendu un certain nombre de positions qui étaient un rappel des positions classiques que nous connaissons de la part des syndicats, des parents d’élèves et des associations pédagogiques. Puis, fin juillet et lors de la reprise des travaux en août, par la discussion, les membres sont sortis des discours.  

En quoi cette concertation pour la refondation de l’école se distingue-t-elle du grand débat national sur l’avenir de l’école piloté par Claude Thélot en 2004 ?

Le débat Thélot était, avant tout, un état des lieux avec des préconisations pour une réforme de l’école. Là, nous poursuivons une toute autre ambition. Ce n’est pas une réforme de plus. Il s’agit d’une concertation qui a vocation à être l’acte premier de la refondation de l’école. Elle sera le socle de la loi. Elle permettra de dégager une ambition à partir de laquelle le ministre bâtira sa loi donnant les grandes orientations qui devront guider cette refondation. Ensuite, des circulaires préciseront ces orientations. Et la concertation continuera après la loi.

Propos recueillis par Isabelle Maradan | Publié le