Le rapport 2007 de l'IGAENR (inspection générale de l'administration française de l'éducation nationale et de la recherche) portait sur l'amélioration du dispositif d'évaluation à l'université. Dix ans plus tard cette préoccupation persiste. Les formes traditionnelles d'évaluation autour de questions à choix multiples, questions de cours ou d'études de cas limités dans le temps, fortement critiquées par les acteurs, sont toujours d'actualité.
La problématique de l'évaluation
Avec le concept d'apprentissage inversé emprunté aux Américains, certaines évaluations sont menées sous forme de projet. Dans la peau d'un étudiant, nous avons nous-mêmes pu expérimenter une forme d'auto-évaluation de l'apprenant conditionnée par l'appréciation de l'enseignant.
Il s'avère que malgré la diversité de choix du processus de validation et les efforts consentis par les acteurs, le modèle actuel d'évaluation inhibe toujours l'engagement des apprenants en formation. En effet, l'enseignant-formateur demeure le seul décisionnaire sur les critères d'évaluation ou le système de notation. De plus, il peut arriver que ses émotions influent sur son jugement ainsi que sur les résultats de l'apprenant.
En conséquence, les apprenants même adultes développent une phobie d'examens peu représentatifs de la situation réelle. De plus, le jugement de valeur de l'enseignant sur les performances de l'apprenant est parfois biaisé. L'expérience vécue se répercute sur tout l'apprentissage de ce dernier et impacte sur son engagement à long terme.
Certaines modalités cognitives ou affectives dont l'enseignant n'a pas connaissance peuvent justifier les résultats d'un apprenant à un moment donné. Face à une incohérence entre le système d'évaluation de l'enseignant et les résultats de l'apprenant, la conclusion d'une inaptitude ressort généralement.
Vers une nouvelle forme d'évaluation : l'évaluation multipoints de vue
À titre contributif dans cette longue réflexion, nous nous sommes immergés dans la liste non exhaustive de pratiques existantes. Ce qui nous amène à nous attarder sur des formes d'évaluation qui permettent à la fois :
- d'atteindre les objectifs pédagogiques,
- de considérer l'expertise de l'encadreur dans le jugement des performances de ses apprenants,
- de donner un droit de décision à l'apprenant sur les éléments qui lui importent.
En nous inspirant du modèle des quatre niveaux d'évaluation de formation de Kirkpatrick, nous avons multiplié les types d'évaluation de l'apprenant au sens d'Alain Tricot. Nous avons également reconsidéré le nombre d'évaluateurs tout en conservant la notation sur 20 dénoncée récemment par François Stéphan. Cette démarche se justifie par le fait que le système éducatif dans lequel nous évoluons considère encore le barème sur 20 comme un indicateur de performance pertinent.
La forme d'évaluation multipoints de vue consiste donc à obtenir une note finale sur 20 suite à une somme d'évaluations sur 5. Jusqu'ici rien de nouveau !
L'originalité intervient lorsque nous appliquons les pouvoirs du design dans ces théories. Il en découle quatre catégories d'examinateurs pour une seule validation de formation. L'attribution des rôles incombe au formateur principal.
Ce modèle intègre deux évaluateurs experts dont un qui a peu ou pas d'affinités avec les apprenants et un autre qui en possède de très fortes. De plus, notre dispositif d'apprentissage étant hybride, un des évaluateurs est chargé de mesurer la performance globale (cohérence entre implication à distance et en présentiel) sur 5. Et l'autre apprécie la participation physique en respectant une autre notation sur 5.
De toute évidence, étant le seul juge, le formateur principal peut facilement modifier la note finale. C'est pour cette raison que nous associons un autre intervenant interne ou externe au système éducatif. Ainsi, dans une dynamique expérimentale de nouvelles formes d'engagement des apprenants, le formateur n'aurait a priori aucun intérêt à "tricher".
Le système éducatif dans lequel nous évoluons considère encore le barème sur 20 comme un indicateur de performance pertinent.
L'examen en présentiel est mené sous forme d'exposé construit autour de la thématique de formation. Par contre l'axe de développement de cette thématique est libre. La liberté de choix permet à l'apprenant de se concentrer sur les éléments de formation qui correspondent à ses besoins.
Les exigences des exposés rentrent dans une dynamique professionnelle. Nous y voyons une opportunité de s'exercer sur des aspects tels que la prise de parole en public, la présentation orale, la gestion du stress et d'autres freins psychologiques que rencontrent généralement les professionnels en situation de travail.
La participation en ligne quant à elle, consiste à développer chez l'apprenant une autonomie dans sa recherche d'information et une culture d'esprit communautaire. Elle permet aussi de l'accompagner dans sa démarche d'apprentissage en dehors de l'espace de cours. Dans notre cas, le volet de la formation à distance vient approfondir celle en présentiel et favorise le suivi individuel comme collectif.
Ajouté aux deux précédents éléments, chaque apprenant du groupe évalue ses collègues de manière individuelle et anonyme. Les notes cumulées sont attribuées sur la base d'observation des interventions lors de l'apprentissage et constituent une troisième notation sur 5. Nous reconnaissons que l'implémentation de cette dimension de l'évaluation est facilitée avec un petit groupe car tous les apprenants se connaissent plus ou moins. Il est assez aisé d'y apporter un tel jugement.
Le dernier aspect de notre dispositif est l'auto-évaluation de l'apprenant suivant une grille de progression au début et à la fin de la formation. La dernière grille est notée sur cinq et la première sert de référent. Comme un engagement formel, la grille de progression fournit un indicateur de mesure des compétences importantes pour l'apprenant. Celui-ci se retrouve donc davantage impliqué dans son apprentissage.