Coopération France-Chine : le point de vue d’un universitaire chinois

Propos recueillis par Fabienne Guimont, à Shanghai Publié le
Coopération France-Chine : le point de vue d’un universitaire chinois
Renbiao Zhang // © 
Comment nouer des relations de coopération entre établissements français et chinois ? Un séminaire de recherche organisé entre l’INSA de Lyon et le département d’urbanisme et de génie civil de l’université de Tongji s’est déroulé pendant deux jours dans cet établissement shanghaien en août 2010. Un événement dans le cadre de la semaine thématique sur la ville postcarbone pilotée par l’université de Lyon (cf. interview de Michel Lussault ) à l’Exposition universelle de Shanghai. Deux jours d’échanges entre enseignants et experts français et chinois travaillant dans des domaines analogues du développement urbain durable avec, en arrière-plan, un possible partenariat. Des doubles diplômes sont en projet : de quoi faire vivre la convention signée entre les deux établissements depuis 2009. Si les universités chinoises sont de plus en plus ouvertes aux coopérations internationales, les actions concrètes se font parfois attendre.Rencontre avec le professeur Zhang Renbiao, coorganisateur de ce séminaire, qui a participé à la création du Centre franco-chinois de management et d’ingénierie avec ParisTech , pour comprendre l’approche chinoise de ces coopérations. Le Pr Renbiao est vice-secrétaire général de la Société de l'enseignement supérieur de Shanghai et docteur à l'École de science politique et des relations internationales.

Comment envisagez-vous les échanges de coopération avec des établissements étrangers ?
Une des priorités de l’université est de promouvoir les échanges internationaux entre universités car ils permettent de dépasser les frontières davantage qu’avec les hommes politiques ou les hommes d’affaires. L’université de Tongji a des coopérations scientifiques de longue date. Ce sont d’abord des échanges académiques entre disciplines similaires, mais cela ne suffit pas. L’objectif ultime est de promouvoir des échanges entre différentes civilisations, au-delà des échanges techniques que tout le monde peut organiser sans rencontrer de forts obstacles. Pour cela, les universités doivent davantage mettre l’accent sur la valeur culturelle de leurs coopérations. Sur le Tibet par exemple, sans me faire le porte-parole du gouvernement chinois, je pense qu’il manque une communication, un échange d’opinions. Mis à part les malentendus politiques, économiques, ce sont surtout des malentendus culturels.

Les Européens ont tendance à lire les mouvements d’indépendance en Chine à l’aulne de leur histoire de l’Empire romain et des mouvements d’indépendance des États-nations par exemple. Les Français sont attachés aux droits de l’homme, aux grandes valeurs de la démocratie, mais leur attitude vis-à-vis du Tibet a suscité beaucoup de mécontentement chez les jeunes Chinois.

« Une bonne coopération doit montrer ce que vous faites bien, mais doit éviter de donner des leçons »

Tout comme l’incident par rapport à la flamme olympique à Paris. Si cela n’a pas eu d’impact sur la coopération universitaire, cela influence l’image de la France auprès des jeunes Chinois. J’ai vécu assez longtemps en Europe et je peux comprendre, mais pas forcément les jeunes parmi lesquels il y a une émergence de nationalisme. Les images qu’ils se font d’un pays sont importantes pour savoir où ils vont faire leurs études. Une bonne coopération doit montrer ce que vous faites bien, mais doit éviter de donner des leçons, mal perçues par les jeunes Chinois.

Qu’entendez-vous par obstacles culturels ?
Derrière les échanges techniques, il y a toujours quelque chose de culturel ou de politique qui bloque entre les deux parties. Par exemple, quand les experts français ont avancé l’idée de changer radicalement de développement dans la perspective de la ville postcarbone, en Chine, c’est impossible à accepter pour le moment où on n’en est pas à ce niveau de réflexion.

« Derrière les échanges techniques, il y a toujours quelque chose de culturel ou de politique qui bloque entre les deux parties »

Si en Occident, où les voitures sont très répandues, on pense les abandonner, dire aux Chinois d’abandonner le rêve du plaisir de conduire un jour reste très difficile. Réduire sa consommation énergétique avec des voitures propres, d’accord, mais abandonner la voiture est impossible.

Que faut-il faire selon vous pour renforcer ces échanges ?
Les véritables échanges entre universités ne se réalisent pas sur le plan administratif, mais par des actions concrètes menées entre étudiants ou entre professeurs. Il faut renforcer leur confiance réciproque. Par ailleurs, le problème de langue reste un obstacle. La France doit davantage investir en Chine pour l’enseignement du français. Il y a une dizaine d’années, alors qu’on établissait la coopération entre l’université de Tongji et ParisTech, on m’a demandé pourquoi les étudiants chinois partaient davantage en Allemagne qu’en France. Les étudiants chinois ne préfèrent pas plus l’Allemagne à la France, mais son gouvernement a investi beaucoup plus dans l’enseignement de l’allemand à Tongji où des cours sont dispensés gratuitement. J’ai proposé à ParisTech une démarche similaire pour des cours de français. L’Alliance française n’a pas fait suffisamment sur ce point. J’ai toujours insisté pour que la coopération de l’université de Tongji ne se limite pas à l’Allemagne, pays le plus influent ici. Elle doit s’ouvrir à la France et aux autres pays européens. La culture française exerce une grande influence à Shanghai – j’ai moi-même grandi à la concession française de Shanghai – et les Français doivent profiter de cet avantage.

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