Face au tout anglais, l'enseignement des langues menacé ?

Morgane Taquet Publié le
Face au tout anglais, l'enseignement des langues menacé ?
Cours de langue // © 
Prédominance de l'anglais, manque de moyens... La diversité des formations linguistiques dans l'enseignement supérieur est remise en cause et le continuum enseignement secondaire-enseignement supérieur n'est pas assuré. C'est le cri d'alarme lancé par Jean-Marc Delagneau, maître de conférences en linguistique allemande et président de l'Association des professeurs de langues vivantes, à la veille du salon Expolangues, qui se tient du 5 au 7 février 2015 à Paris.

undefinedQuel est l'état de l'enseignement des langues vivantes dans le supérieur ?

Nous assistons à deux tendances. La première est bien connue : la diminution globale des moyens, couplée à l'autonomie des établissements, aboutit à une raréfaction de l'offre de formation. C'est vrai pour beaucoup de disciplines, et particulièrement pour les langues. En effet, celles-ci sont confrontées à une deuxième tendance qui veut que les futurs diplômés soient opérationnels rapidement et tournés vers les gisements d'emploi. C'est l'avènement du tout anglais et d'une vision simplificatrice de l'apport des langues qui ne tient pas compte de la valeur ajoutée de l’approche universitaire (civilisation, langues de spécialité). Dans ce contexte, les langues souffrent beaucoup dans le supérieur et la diversité est menacée ici ou là.

L'enseignement de certaines langues a-t-il d'ores et déjà disparu ?

Puisque chaque établissement peut décider de maintenir ou non une formation, on peut assister à la suppression de filières, ou au remplacement d'une langue par une autre. Quid alors de ceux qui ont commencé une langue dans le secondaire et qui ne peuvent pas la continuer dans le supérieur faute d'enseignement ouvert ? Le continuum secondaire-supérieur n'est pas respecté. L'offre devient de plus en plus disparate sur le territoire, dans un contexte de régionalisation croissante de l'enseignement supérieur. Prenons l'exemple des masters enseignement : il n'existe pas de certification obligatoire en langues pour les futurs professeurs des écoles. À chaque université de décider quelle formation, et surtout quelle validation, l'étudiant va suivre en langues vivantes étrangères ou régionales.

Alors que les établissements sont autonomes, comment répondre aux problématiques que vous évoquez ?

Nous souhaitons la mise en place d'un cadrage national qui assure que chaque formation intègre au minimum deux langues vivantes. En outre, le ministère doit vérifier au moment des habilitations de diplômes si les maquettes incluent un volume horaire suffisant de langues. Si on ne fait rien, les langues risquent bien de se réduire à peau de chagrin : seul l'anglais sera enseigné, et par qui, enseignants de langues ou enseignants d’autres disciplines ?

Le salon Expolangues se tient du 5 au 7 février, porte de Versailles à Paris. Avec un slogan : "Osez le monde !"
Morgane Taquet | Publié le