Sir Ken Robinson : "Il y a toujours un espoir que le système éducatif de masse joue son rôle d’ascenseur social"

Virginie Bertereau et Mathilde Courtin Publié le
Sir Ken Robinson : "Il y a toujours un espoir que le système éducatif de masse joue son rôle d’ascenseur social"
Ken Robinson à l'Etudiant - 12 décembre 2013 © Ludovic Ismael // © 
À l’occasion du 25e Salon des Grandes écoles qui s’est tenu du 13 au 15 décembre 2013 à Paris, Sir Ken Robinson était l’invité d’EducPros pour une rencontre-débat sur l’innovation. L’universitaire anglais, co-auteur de L’Élément (Éditions Playbac, 2013), mondialement connu pour ses conférences, nous a accordé un entretien, dans lequel il revient sur son parcours, sa vision de l'éducation et la manière dont les élèves sont évalués à travers, par exemple, les tests Pisa.

On a beaucoup parlé des tests Pisa, qui mettent l’accent sur les compétences en mathématiques, sciences et lecture. Qu’en pensez-vous ?

Je n’ai rien dit qui allait à l’encontre des mathématiques, de la science ou de la lecture. C’est très important, je le dis dans mon livre. Mais pour le moment, les tests de l’OCDE n’accordent pas d’importance à la pratique de la musique, de la danse, de la peinture, etc. Pourtant, ces domaines-là sont très importants pour le développement individuel et la culture.

J’ajoute que ces tests mettent une certaine pression sur les élèves de 15 ans qui les passent. Cela devient une compétition. Le système doit permettre de poser un diagnostic, quelque chose qui pousse les politiciens à s’interroger sur ce qu’ils peuvent changer.

Que pensez-vous en particulier du système français et de son principal problème, soulevé par l’OCDE : les inégalités sociales ?

C’est un très gros problème. En France, comme dans beaucoup de pays. Aux Etats-Unis, il y a un grand débat aujourd’hui sur la pauvreté et la réussite, l’accomplissement personnel. Certes, la population en situation de grande pauvreté diminue. Mais l’écart entre le nombre de riches et le nombre de pauvres augmente toujours. Et même si être pauvre ne veut pas dire qu’on ne peut pas évoluer, cela peut tout de même affecter l’accès à l’éducation, les opportunités et la motivation des gens.

Il y a toujours un espoir que le système éducatif de masse joue son rôle d’ascenseur social. Cela peut arriver. Prenons mon propre exemple. Je ne ferais pas ce que je fais maintenant si je n’avais pas eu l’éducation que j’ai eue. J’ai grandi à Liverpool, en Angleterre, où il y avait beaucoup de chômage après la Seconde guerre mondiale. Mon père a connu lui-même une longue période d’inactivité. Je suis le premier de ma famille à être allé à l’université. L’éducation a toujours été pour nous une issue de secours. Pour moi, l’éducation a quatre buts : économique (elle donne les compétences nécessaires pour trouver du travail), culturel (elle donne le background nécessaire pour comprendre le monde), social (elle permet de s’intégrer dans la société) et personnel : elle permet de découvrir son talent.

Pour moi, l’éducation a quatre buts : économique, culturel, social et personnel : elle permet de découvrir son talent

Dans votre livre, L’Élément, vous prenez beaucoup pour exemples des personnalités aux talents artistiques, comme Paul McCartney ou Paulo Coelho. Mais tout le monde ne peut pas devenir chanteur, danseur ou écrivain… Nous avons également besoin de banquiers ou de bouchers.

Effectivement, on me demande souvent : "qui va nettoyer les immeubles ?", "qui va conduire les bus ?", "qui va être secrétaire ?". Mais certaines personnes aiment vraiment cela. Je ne dis pas que nous devons tous aimer faire cela. Je connais des gens qui détestent faire ce qu’ils font. Je ne dis pas qu’il faut gagner sa vie avec ce qu’on aime faire. Je dis simplement que tout le monde a le droit de découvrir ses talents.

Comment trouver son "élément", le point de rencontre entre son talent et sa passion ?

En lisant mon prochain livre !

Vous-même, avez-vous trouvé votre élément ?

Oui, le mien est de communiquer, connecter les gens.

Seriez-vous intéressé par la politique, vous qui avez travaillé avec plusieurs gouvernements sur les systèmes éducatifs d'Europe, d'Asie et des États-Unis. C’est un peu de la communication ?

Non, c’est de la manipulation ! Nous avons besoin des politiciens. Mais la politique implique trop de compromis. Là encore, certains aiment cela, d’autres non. Moi, cela ne m’est jamais apparu. Peut-être un jour…

Virginie Bertereau et Mathilde Courtin | Publié le