Décryptage

Les départs à l'étranger repartent exceptionnellement à la hausse chez les étudiants

Par Pauline Bluteau, publié le 20 février 2023
Durée de lecture : 
6 min

À l'arrêt depuis deux ans en raison de la pandémie, les départs à l'étranger ont bel et bien repris pour les étudiants depuis 2022. Mais cet élan pourrait ne pas durer.

L'étude de l'INJEP (Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire) est formelle : les mobilités internationales sont de retour. Les 18-30 ans ont beaucoup plus voyagé en 2022 qu'avant la crise sanitaire, en particulier dans le cadre de leurs études.

Rien d'étonnant à cela : pour cause de pandémie de Covid-19, la moitié des départs à l'étranger avaient dû être annulés en 2020-2021 au sein des universités et grandes écoles. L'année 2022 a donc plutôt été vécue comme une année de rattrapage par les étudiants.

Des mobilités chamboulées

Comme beaucoup d'autres étudiants, Daniel a mis deux ans à préparer son départ à l'étranger. Depuis 2019, cet étudiant en droit préparait un diplôme universitaire anglais-chinois à l'université Paris-Saclay. Un diplôme qui lui offrait justement la possibilité de s'expatrier un an à l'étranger.

Daniel envisage son départ pour la Chine, mais la crise sanitaire met un coup d'arrêt. "C'était la panique, je tentais de voir s'il n'y avait pas des moyens d'obtenir un visa, mais c'était trop compliqué. Les étudiants étaient rapatriés, ça ne s'est pas fait. Je me suis alors dit que dès que ça se relâcherait, je partirai. Ca faisait partie de mon parcours", raconte-t-il.

Mais son projet n'a jamais pu aboutir. La Chine a maintenu ses frontières fermées jusqu'en janvier 2023. L'étudiant a donc privilégié une mobilité Erasmus… en Italie, à Florence. Sa mobilité a duré un an, pendant toute l'année scolaire 2021-2022. "Pour moi, l'Italie n'apportait pas une plus-value énorme dans mon parcours. Au début, j'étais très frustré et finalement, ça reste une belle surprise", constate-t-il avec un peu de recul.

Des études à l'étranger davantage centrées sur l'Europe

Comme Daniel, la plupart des étudiants ont pu reprogrammer leur mobilité à partir de 2022. Selon l'INJEP, ils n'étaient plus que 27% à avoir renoncé à un départ à l'étranger en 2022 : la majorité des pays ayant rouvert leurs frontières.

"Ce n'est pas une explosion mirobolante, mais la reprise des mobilités est extrêmement forte. On s'attendait à une reprise, mais pas à ce point", s'enquit Joaquim Timoteo, chef de mission études et recherches à l'INJEP.

Un constat partagé par l'agence Erasmus +. Beaucoup d'étudiants ont d'ailleurs privilégié un départ en Europe, en particulier vers les pays frontaliers et l'Espagne. Des destinations qui facilitent les rapatriements d'urgence comme cela a été le cas au cours de la crise sanitaire.

La crise économique, un frein pour les étudiants

Pour autant, comme le confirme l'INJEP, l'année 2022 devrait bel et bien rester "une année exceptionnelle de rattrapage des mobilités". Car deux ans après la crise sanitaire, d'autres freins sont apparus. Au niveau des établissements, plusieurs partenariats ont pris fin, empêchant les étudiants de partir.

Les confinements ont également fait apparaître des tensions au sein des familles (+ 8 points entre 2020 et 2022) et des difficultés financières (+ 6 points). "La crise économique a un impact sur les mobilités puisque les premiers soutiens des jeunes sont les parents", ajoute Joaquim Timoteo.

L'organisation de leur séjour à l'étranger décourage les étudiants, ces derniers s'inquiétant notamment de ne pas trouver un logement une fois sur place.

Autre obstacle : le contexte géopolitique. La guerre en Ukraine et le sentiment d'insécurité risquent aussi de freiner quelques départs à l'étranger.

Les étudiants plus hésitants à faire une mobilité internationale

De manière générale, depuis la crise sanitaire, les étudiants semblent plus hésitants à l'idée d'effectuer une mobilité à l'étranger. Seul un tiers des jeunes de 18 à 30 ans envisage un séjour international dans les cinq prochaines années (baisse de 8 points par rapport à 2021).

"La situation n'est pas tout à fait revenue à la normale : la jeunesse a des séquelles en termes de bien-être et la crise sanitaire a provoqué beaucoup de remises en question, parfois des réorientations, ce qui a un impact sur les mobilités et donc des renoncements qui persistent", précise ainsi le rapport de l'INJEP.

"Tout le monde a un intérêt à étudier à l'étranger"

La directrice de l'agence Erasmus+ France, Nelly Fesseau, reste, quant à elle, plus optimiste sur les souhaits de mobilité des étudiants. "La reprise va se poursuivre parce que tout le monde a un intérêt à étudier à l'étranger : pour l'apprentissage de la langue, les compétences acquises, le CV, le réseau… "

Encore faut-il que les étudiants soient informés des programmes de mobilité, des dispositifs d'aides financières et qu'ils puissent en bénéficier avant d'arriver dans les études supérieures.

"Les mobilités doivent être intégrées dans les parcours scolaires. Plus ils réalisent un départ à l'étranger tôt, plus ils auront envie de s'y confronter. Les universités européennes sont une avancée majeure en ce sens", confirme Nelly Fesseau.

Pour l'INJEP, la question de la reconnaissance de la mobilité pendant la scolarité est également un enjeu pour encourager les départs.