« Il n’y a pas de recette miracle. Un projet interdisciplinaire peut ne pas fonctionner et cela ne sert à rien de s’acharner», le franc parler de Sébastien Clerc, professeur en ZEP depuis 10 ans, fait écho pour les professeurs du Lycée Liberté. Dans le cadre des séminaires proposés par l'Université de tous les savoirs au lycée , il répondait aux questions de ces professeurs, tous confrontés aux mêmes problématiques de mise en œuvre de projets interdisciplinaires. La spécialisation par discipline de l’enseignement a cloisonné les savoirs, « les élèves s’éloignent de plus en plus d’une démarche réelle de la connaissance et ne font pas les liens nécessaires entre les disciplines », décrypte Yves Michaud. Relancée dans les filières professionnelles via les PPCP (Projet Professionnel à Caractère Professionnel), l’approche pluridisciplinaire vise à recréer ce lien entre les savoirs et à susciter l’intérêt des élèves pour faciliter l’apprentissage. Le risque ? « Tomber dans la pédagogie du vague et perdre de vue les objectifs pédagogiques du programme », résume Yves Michaud.
Prendre en compte les suggestions des élèves
Sébastien Clerc, apporte son éclairage du terrain. Professeur dans un lycée professionnel, il est un habitué des projets interdisciplinaires. « Le plus important est de ne pas imposer un projet aux élèves. Il est certes préférable de leur formuler des propositions mais il faut rester ouvert, écouter leurs suggestions. » Parmi les nombreux exemples qu’il cite, un projet sur l’élaboration d’un outil de prévention contre le Sida en partenariat avec un lycée du Burkina Fasso. Mené sur une année, le projet a mobilisé l’infirmière de l’établissement et l’enseignant de biologie sur la définition d’un virus, la notion de vaccin etc. et le professeur de français pour la rédaction de sketchs et des correspondances avec l’autre classe. Les liens paraissent pourtant évidents, il suffisait d’y penser.
Parmi les premiers freins à l’élaboration de projets pluridisciplinaires innovants, Sébastien Clerc évoque la mauvaise connaissance des programmes des autres disciplines. « La collaboration du professeur de dessin ne doit pas se limiter à la réalisation des décors et celle de l’enseignant de français à la correction des fautes d’orthographe », ironise Sébastien Clerc. C’est pourtant une des conséquences directes de cette absence de communication interdisciplinaire.
Donner du temps pour en gagner
« Comment motiver les élèves ? », interroge un professeur. « C’est une question d’alchimie entre les professeurs et les élèves », répond Sébastien Clerc. Responsabiliser les élèves, leur laisser une certaine liberté, « vous serez surpris des résultats ». La question du temps consacré aux projets pluridisciplinaires est aussi au centre des préoccupations des enseignants. « Vous gagnerez souvent plus de temps et d’énergie en étant plus investi dans la vie de vos élèves », poursuit-il. Tenir le programme, créer une cohésion de groupe … trouver le juste milieu n’est pas toujours aisé dans des emplois du temps déjà surchargés.
Yves Michaud propose une grille d’analyse pour distinguer les différents types de projets interdisciplinaires et adapter ses ambitions : les projets de motivation qui répondent à des objectifs de fédération d’un groupe, les projets de sensibilisation qui mettent en évidence la nécessite de mobiliser différents types de connaissances pour atteindre un objectif et les projets de collaboration, qui impliquent une maîtrise préalable des connaissances disciplinaires. « Les projets les plus intéressants, mais les plus difficiles à mettre en œuvre étant ceux de sensibilisation », ajoute Yves Michaud. Il est midi, la séance se termine sur ces mots de Sébastien Clerc : « Ne vous laissez pas dépasser, les élèves ont besoin de professeurs en forme ! »
