Comment favoriser la mobilité internationale des étudiants handicapés ?

Florence Pagneux Publié le
Comment favoriser la mobilité internationale des étudiants handicapés ?
Le statut international de l'étudiant en situation de handicap pourrait faciliter la mobilité internationale de ce public. // © 
Alors que de plus en plus de jeunes en situation de handicap poursuivent leurs études dans des établissements d’enseignement supérieur, partir à l’étranger pendant leur cursus relève encore du parcours du combattant. La Conférence des grandes écoles, la FÉDÉEH et Hanploi CED ont élaboré un statut international de l’étudiant en situation de handicap. Objectifs : faciliter leurs démarches et réduire le coût du séjour.

Lorsqu’il était étudiant ingénieur à CPE Lyon, Joachim Verot est parti deux mois dans le laboratoire de recherche d’une université britannique. Un choix contraint par son handicap, qui l’oblige à se déplacer dans un fauteuil électrique pesant 120 kilos. "C’était plus simple de choisir un pays pas trop lointain et un campus ayant des locaux d’enseignement et des logements étudiants adaptés, souligne-t-il. Idéalement, j’aurais aimé faire un stage en entreprise aux États-Unis..."

C’est précisément pour lutter contre cette auto-censure et offrir des chances égales à tous que trois associations, la CGE (Conférence des grandes écoles), la FÉDÉEH (Fédération étudiante pour une dynamique études et emploi avec un handicap) et Hanploi CED ont planché pendant dix-huit mois pour créer le SIESH (statut international d’étudiant en situation de handicap).

"Dans nos cursus grandes écoles, la mobilité internationale est un passage obligé, expose Anne-Lucie Wack, présidente de la CGE. Nous accueillons de plus en plus d’étudiants en situation de handicap, nous nous devons de leur permettre également cette mobilité. D’autant que la France a pris du retard par rapport à d’autres pays."


"Un défi majeur" à relever
Le premier article de la charte "pour une dynamique toujours plus inclusive dans les grandes écoles", signée le 11 février 2019, s’intitule : "accompagner la mobilité internationale des étudiants, un défi majeur".
Les référents handicap des grandes écoles auront ainsi pour mission d’accompagner l’étudiant dans ses démarches administratives ou ses échanges avec l’établissement d’accueil.
La première charte handicap de la CGE avait été signée en 2018.

Pour l’heure, les étudiants porteurs d'un handicap représentent 1,08 % du public des grandes écoles et 1,4 % des étudiants à l’université, tous niveaux confondus.

Prise de conscience

Difficile de mesurer, parmi eux, qui part réellement à l’étranger au cours de son cursus. "C’est vraiment à géométrie variable, constate Fabien Gaulué, secrétaire général de la FÉDÉEH. Soit les étudiants bénéficient de l’expertise du responsable de la mission handicap ou du service de mobilité internationale, soit ils se débrouillent par eux-mêmes. Ce qui est certain, c’est qu’il y a une prise de conscience dans les établissements d’enseignement supérieur qu'il reste encore des progrès à faire."

Le SIESH a donc été imaginé pour résoudre plusieurs difficultés. La première concerne les soins médicaux prodigués dans le pays d’accueil. "Beaucoup de handicaps nécessitent un suivi médical régulier, rappelle Eva Souchet, de l’association Hanploi CED. Les étudiants ont souvent du mal à trouver un spécialiste sur place et à se faire rembourser ces soins". Ce qui renchérit notablement le coût du séjour.

Une étudiante américaine n’a pas pu suivre de cours en France avec son perroquet, considéré chez elle comme animal de support émotionnel.
(E. Souchet)

Autre obstacle : l’accès à des services adaptés dans le pays hôte. "Certaines aides ne sont pas ouvertes aux non-résidents, poursuit-elle. Résultat, ce sont souvent les parents qui recrutent un accompagnant en France avant le départ".

L’aide animale, comme un chien guide d’aveugle, n’a pas non plus le même statut d’un pays à l’autre. "Une étudiante américaine n’a pas pu suivre de cours en France avec son perroquet, considéré chez elle comme animal de support émotionnel, car notre pays ne reconnaît pas cette compensation du handicap psychique." Enfin, les cartes de stationnement ou d’invalidité ne sont pas toujours valables d'une nation à l’autre.

Pour en sortir, les initiateurs du SIESH préconisent, en premier lieu, la présence d’un référent handicap dans chaque ambassade ou consulat.

Un tiers payant universel

Ce statut pourrait ensuite se matérialiser par une carte (type carte Vitale), contenant des informations sur l’établissement d’origine de l’étudiant, ainsi que son traitement et suivi thérapeutique, sous la forme d’une ordonnance numérique facilement compréhensible.

Dès son trajet en avion, l’étudiant n’aurait plus à payer un supplément bagage pour transporter sa valise médicale. Une fois sur place, il devrait pouvoir identifier facilement les transports et services adaptés à son handicap.

La mise à jour de cette carte serait faite par les autorités médicales du pays d’origine, et devrait intégrer un service de tiers payant universel, afin de limiter le coût des soins prodigués lors du séjour.

Le 11 février dernier, ce statut a été présenté à plusieurs membres du gouvernement, à l’occasion de la signature de la deuxième charte handicap entre le ministère de l’Enseignement supérieur et la CGE.

Si aucun calendrier n’a été annoncé pour sa mise en œuvre, un "pilotage interministériel" a été promis sur ce sujet aux associations. "Nous avons constaté un intérêt du gouvernement, et c’est déjà une première étape", salue Eva Souchet.

Soutien politique

Par ailleurs, une convention, signée ce même jour entre la CGE et la mission Handicap Assurance (créée par la Fédération française des assurances), prévoit d’accorder des bourses de mobilité internationale pour les étudiants des grandes écoles en situation de handicap (30.000 euros par an).

"On a un vrai soutien politique, se réjouit la présidente de la CGE. Les entreprises aussi se mobilisent. Nous avons bon espoir que les choses avancent." Même optimisme du côté de la FÉDÉEH : "la France a une carte à jouer en se positionnant de manière exemplaire sur ce sujet", note Fabien Galué.

Avec le recul, Joachim Verot ne regrette en rien son expérience en Grande-Bretagne. "C’est une grande fierté pour moi d’être parti à l’étranger", confie-t-il. En revanche, il se serait bien passé du stress préalable au départ : "La recherche du meilleur lieu d’accueil a pris du temps et a été très fatigante. Mes résultats en ont pâti cette année-là."

Le SIESH devrait permettre d’atténuer ces angoisses tout en favorisant une mobilité internationale choisie.


Un guide pour préparer sa mobilité

Un guide de l’accompagnement de l’étudiant handicapé a été réalisé en 2012 par la CPU, qui a signé une charte Université Handicap la même année avec le ministère de l’Enseignement supérieur.
Ce dernier a édité deux guides en 2016 et 2018, l’un consacré à l’évaluation des besoins et l’autre sur la collaboration entre service de santé et service handicap.
Par ailleurs, l’association Droit au savoir récapitule sur son site toutes les aides dont peuvent bénéficier les étudiants en situation de handicap pour leur séjour Erasmus+.

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