Congrès APHEC : un bilan mitigé de la réforme de la prépa économique et commerciale

Camille Jourdan Publié le
Congrès APHEC : un bilan mitigé de la réforme de la prépa économique et commerciale
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Le 10 juin, Grenoble école de management accueillait le Congrès des 50 ans de l’APHEC (association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales). Au cœur des débats : le bilan de la réforme du bac, et ses conséquences sur les CPGE.

"Peut-on faire un bilan après une seule année de fonctionnement ?" C’est la question qu’a posée Alain Joyeux, président de l’APHEC, en ouverture d’une table ronde consacrée aux réformes subies par les classes préparatoires à la suite de la réforme du baccalauréat. À la rentrée 2021, les CPGE ont perdu 1.000 étudiants. Un "choc", a reconnu Alain Joyeux. Le président a cependant noté que cette baisse des effectifs n’était pas nouvelle : les classes prépas souffrent selon lui d’un manque d’attractivité depuis environ dix ans.

Ces deux dernières années, marquées par les réformes mais aussi par la crise sanitaire, semblent aussi avoir conduit à une baisse du niveau des élèves. Selon un sondage réalisé par l’APHEC, 41,6% des professeurs jugent ce niveau "insuffisant". "Leur scolarité a été très perturbée", justifie Alain Joyeux. Pour pallier le retard de certains, "les colles ont été plus utilisées que les années précédentes pour accompagner les élèves sur des points méthodologiques, car certains étudiants ont eu plus de mal à s’adapter au rythme et à fournir les efforts qu’on attendait d’eux."

La spécialité maths requise pour entrer en prépa EC

Les classes prépas économiques et commerciales ont pourtant tenté elles aussi de s’adapter à la réforme Blanquer. Les deux parcours ECE (option économie) et ECS (option scientifique), ont fusionné pour devenir ECG (voie générale), et offrir quatre possibilités : mathématiques approfondies ; mathématiques appliquées ; histoire, géographie et géopolitique du monde contemporain (HGG) ; ou économie, sociologie et histoire du monde contemporain (ESH).

Selon un sondage, 41,6% des professeurs jugent le niveau des élèves de prépas "insuffisants".

Le recrutement a lui aussi été revu : pour intégrer une CPGE EC, l’option ou la spécialité mathématiques en terminale est désormais requise. "Mais les lycéens en sont-ils suffisamment informés ?", s’interroge Véronique Bonnet. La vice-présidente de l’APHEC constate également des choix de doublettes d’options stratégiques, pour obtenir un bon classement sur Parcoursup, qui poussent certains élèves à choisir des spécialités jugées "moins difficiles" que les maths. Dans ce contexte, une communication auprès des lycéens, dès la seconde, s’impose, selon Alain Joyeux.

Rénovation des épreuves : ça passe plus ou moins bien

Dans le sillon de la réforme, les concours aussi ont été toilettés, rappelle Stéphane Civelli, délégué général d’Ecricome, lors de la table ronde : "Nous avons anticipé les sujets de concours avec les écoles membres dès 2020. Une phase de concertation a été menée en deux temps avec l’APHEC. Les sujets de mathématiques mis en ligne ont suscité peu de remarques, et les autres épreuves n’ont pas subi d’évolution fondamentale", a précisé le délégué général d’Ecricome.

Il faut éviter de fragiliser la filière en engageant des réformes trop rapides. (A. Joyeux)

Côté BCE, la modification de l’épreuve de langues vivantes ELVI semble moins bien acceptée : 'Les professeurs ne comprennent pas pourquoi ce concours, qui correspondait aux programmes, a été révisé', souligne Christine Pires. La vice-présidente de l’APHEC relève ainsi l’importance "d’adosser les concours aux programmes de l’Éducation nationale, et non l’inverse." "Nous préparons nos étudiants à l’aveugle, car il nous manque des éléments très pratiques", regrette l’enseignante.

Christian Chenel, président de la BCE, a cependant rappelé les modalités de révision de cette épreuve : mise en place d’un groupe de travail durant plus d’un an, mise en ligne de sujets zéro, détails sur le site de la BCE… "Nous prendrons en compte les évolutions des programmes des CPGE, a-t-il assuré, mais ce sont les écoles qui décident des évolutions des concours. Or, au-delà de la maîtrise des connaissances, elles souhaitent mettre l’accent sur la maîtrise de la langue, l’expression personnelle, et veulent intégrer les questions sociétales comme l’éthique ou le développement durable." Christine Pires a toutefois remarqué que les questions transmises aux conceptrices de HEC étaient restées sans réponse.

Des inquiétudes sur l'avenir de la filière

Malgré ces doutes – près de 90% des répondants du sondage de l’APHEC sont inquiets quant à l’avenir de la filière EC – , l’association n’appelle pas à "une réforme de la réforme". "Il faut éviter de fragiliser la filière en engageant des réformes trop rapides", défend Alain Joyeux. Si les effectifs continuent de baisser, "il sera difficile de défendre un statu quo", admet-il cependant, craignant la fermeture de classes.

Quoi qu’il en soit, le président de l’APHEC ne croit pas au "bricolage" : l’annonce d’Emmanuel Macron sur la réintroduction des mathématiques dans le tronc commun des lycéens ne changera rien à l’attractivité des CPGE, ni au niveau des élèves, maintient-il. "S’il y a une réforme, il faut impérativement qu’elle se fasse à l’échelle de la filière, avec les grandes écoles."

Camille Jourdan | Publié le