Daniel Filâtre (président de l’université Toulouse-Le Mirail) : « À travers le chantier de reconstruction, nous visons une refondation de l’université »

Propos recueillis par Mathieu Oui Publié le
Daniel Filâtre (président de l’université Toulouse-Le Mirail) : « À travers le chantier de reconstruction, nous visons une refondation de l’université »
Daniel Filatre // © 
Élu en mars 2006, Daniel Filâtre termine son mandat de président de l’université de Toulouse-Le Mirail en mars 2012 et ne se représentera pas. Rénovation des bâtiments existants, nouvelles constructions comme l’UFR de langues ou de restaurants universitaires, le président mise sur un des plus importants chantiers universitaires national pour relancer l’attractivité de son établissement.

« Le parvis situé entre la sortie du métro et l’entrée du campus est un lieu assez tragique où passent chaque jour entre 10.000 et 12.000 étudiants »

Quelles sont les caractéristiques de la reconstruction du campus du Mirail ?
C’est l’un des plus gros chantiers universitaires en cours dans le pays. C’est surtout un projet immobilier global, intégrant tous les espaces publics ainsi que les frontières urbaines. Par exemple, actuellement, le parvis situé entre la sortie du métro et l’entrée du campus est un lieu assez tragique où passent chaque jour entre 10.000 et 12.000 étudiants. On ne peut pas investir autant pour reconstruire le campus et avoir un tel no man’s land en guise de zone d’accueil. Cet espace urbain sera entièrement repris par la Ville de Toulouse. Autre exemple, au nord du campus, la zone sportive sera réhabilitée, avec des terrains de sport de très haut niveau, partagés entre l’université et la Ville.

Face à un chantier d’une telle ampleur, quelles sont les principales difficultés de gestion ?
Parmi les problèmes qui se posent, il faut faire preuve d’anticipation sur les usages universitaires. Que sera, en 2020, l’usage d’une université comme la nôtre ? Nous avons par exemple beaucoup hésité sur le nombre d’amphis à construire. Finalement, chaque composante a fixé le nombre de salles pour accueillir des petits groupes de moins de trente étudiants. C’est un pari que l’on fait sur l’évolution des pratiques pédagogiques, mais qui exige aussi une certaine flexibilité. Dans deux ans sera inauguré le nouveau bâtiment de langues, avec un équipement très haut de gamme d’ordinateurs à disposition des étudiants.

Le bâtiment doit répondre à différentes fonctions : l’accueil, le travail en groupe, l’accès aux ressources multimédias et documentaires. Cela nécessite une organisation spécifique de l’espace. Avec les architectes, nous avons pensé aux cheminements de l’étudiant dans le bâtiment pour lui donner envie de rester sur place, avec des espaces différents selon que l’on souhaite travailler en petits groupes ou rencontrer son enseignant…


« Que sera, en 2020, l’usage d’une université comme la nôtre ? »


Une autre difficulté consiste à construire sur un site occupé. C’est une opération à tiroirs, qui nécessite l’appui de professionnels. Enfin, une difficulté d’ordre plus technique est celle de la coordination de la maîtrise d’ouvrage. Car nous sommes quatre maîtres d’ouvrage : le conseil régional, qui supervise l’essentiel du chantier, l’université à travers le PPP (partenariat public-privé), la mairie de Toulouse pour le parvis du métro, et enfin le conseil général pour le bâtiment de l’université ouverte qui regroupera la formation continue et la formation à distance.



« Le Mirail est une université de masse avec une tradition d’excellence dans la recherche, mais avec aussi une position critique et réactive »


Après les grèves que l’université a connues ces dernières années, ce chantier va-t-il lui permettre de trouver un nouveau souffle ?
C’est vrai que l’université a perdu de son attractivité ces dernières années. Depuis 2002, nous avons perdu globalement 5.000 étudiants. À travers la reconstruction, il s’agit donc d’une refondation de l’université. Cette baisse d’attractivité a plusieurs raisons. Les grèves étudiantes de 2009 ont eu un impact. Ces mouvements ont certainement inquiété les familles. Le Mirail est une université de masse avec une tradition d’excellence dans la recherche, mais avec aussi une position critique et réactive. Mais, parmi les raisons de la désaffection, il y a d’autres éléments comme la baisse du nombre de bacheliers littéraires ou le mauvais état du campus. On pourrait également évoquer la baisse du nombre de postes aux concours de l’enseignement car notre université préparait beaucoup aux concours de lettres et sciences humaines avec des résultats excellents. Nous devons désormais investir d’autres secteurs d’activité. Mais on sent un fort intérêt des chefs d’entreprise qui voient d’un très bon œil cette reconstruction du campus.


 

« Chaque année, sur les quelque 10.000 nouveaux entrants, un petit quart seulement sont des jeunes bacheliers »


Êtes-vous malgré tout optimiste pour l’avenir du Mirail ?
L’université compte beaucoup dans la région : elle n’est pas un repoussoir. Depuis deux ans, nous constatons d’ailleurs une remontée des flux d’étudiants. On observe à la fois une déperdition et une attractivité surprenantes. Chaque année, sur les quelque 10.000 nouveaux entrants, un petit quart seulement sont des jeunes bacheliers, des primo-entrants. En revanche, 42% des inscriptions sont des réorientations et 33% des reprises d’études. Cela me semble bien correspondre aux missions d’avenir de l’université vue comme un lieu d’accès aux savoirs. Ce n’est plus seulement un établissement où de jeunes bacheliers viennent pour obtenir un diplôme, mais un lieu ouvert à d’autres parcours. On peut s’inscrire pour obtenir quelques UE avant de bifurquer vers une autre formation. Nous avons aussi 3.000 étudiants en enseignement à distance, pratique qui se développe. J’aime bien cette idée d’université ouverte.

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