Et si c'était la modification de trop ? Malgré des changements apportés en CMP (commission mixte paritaire), la version finale du projet de loi sur l'orientation et la réussite des étudiants ne passe pas. La Fage, l'un des principaux soutiens de la réforme, jette l'éponge. Alors que l'Unef fait partie des principaux opposants à la réforme, le gouvernement perd un allié de taille chez les étudiants. Du moins, temporairement.
"Une ligne rouge a été franchie"
Pour la Fage, "une ligne rouge a été franchie" quand a été inscrit dans le projet de loi final un lien entre l'insertion professionnelle et la modification des capacités d'accueil. "Notre crainte est que le recteur sabre dans ces capacités d'accueil. Le précédent introduit par le Sénat est trop important pour que nous soutenions encore le texte", expose Jimmy Losfeld, président de l'organisation étudiante. "Pour nous, une seule et unique chose doit guider l'ouverture ou la fermeture de places : la demande étudiante." La Fage souhaite être reçue par la ministre de l'Enseignement supérieur pour obtenir des "garanties financières et juridiques". "Si nous parvenons à un accord, alors, nous verrons..."
Ces garanties sont également demandées par le Sgen-CFDT, qui se veut néanmoins plus optimiste. "Nous sommes assez confiants. Cette mesure nous semble irréalisable. Un recteur ne peut pas, selon la version finale du projet de loi, baisser les capacités d'accueil en faisant un lien avec les taux d'insertion professionnelle", juge Franck Loureiro, cosecrétaire général du Sgen-CFDT. Le syndicat attend néanmoins un texte d'application qui détaille concrètement sous quelles conditions le recteur fixera les capacités d'accueil. "Si c'est le cas, notre soutien à la réforme sera maintenu."
Sauver le texte issu de la CMP
La défection de la Fage tombe très mal pour le gouvernement, alors que le projet de loi finit sa course au Parlement. Le Sénat a définitivement adopté le texte jeudi 15 février par 250 voix pour et 93 contre, tout comme l'Assemblée nationale avec 49 pour et 13 contre. Frédérique Vidal a profité de la séance publique pour tenter de rassembler : "Rien dans le texte n'autorise une politique malthusienne des capacités d'accueil ou ne fait le lien entre insertion professionnelle et capacités d’accueil", insiste la ministre. Et d'argumenter : "Ce critère ne fonctionnerait pas. C'est pour cela que nous avons choisi d'y inscrire le terme de "perspectives professionnelles" qui suppose de réfléchir sur le long terme et l'émergence de nouveaux besoins et de nouvelles filières. Cela n'a rien à voir avec des taux d'insertion constatés."
Ce sont les recteurs qui fixeront les capacités d'accueil. Aucun mouvement à la baisse ne pourra être accepté.
(F. Vidal)
Lors du passage en CMP, députés et sénateurs se sont en effet accordés sur une version intermédiaire, qui apporte quelques nuances au texte initialement voté par le Sénat : la modification des capacités d’accueil ne dépendra plus des taux de réussite et d’insertion professionnelle mais tiendra compte des perspectives d’insertion professionnelle et de l’évolution des projets de formation exprimés par les candidats ainsi que du projet de formation et de recherche de l’établissement.
Pas de baisse des capacités d'accueil
Frédérique Vidal a souhaité aussi garantir qu'il n'y aurait aucune baisse des capacités d'accueil. "Ce sont les recteurs qui fixeront les capacités d'accueil. Aucun mouvement à la baisse ne pourra être accepté. J'en suis le garant", a-t-elle insisté.
La ministre a également tenu à rassurer sur les parcours adaptés : "Le 'Oui, si' est la traduction de l'engagement des établissements au service de la réussite des étudiants. Je serai attentive à ce que tous les bacheliers puissent bénéficier de cet accompagnement. Les enseignants-chercheurs sont partout à pied d'œuvre pour préparer de vrais parcours adaptés." Une affirmation optimiste, alors que la plupart des acteurs le reconnaissent : ces dispositifs d’accompagnement ne pourront être correctement installés à la rentrée 2018.
Un recours devant le Conseil constitutionnel
Il aura fallu attendre la dernière séance à l'Assemblée nationale pour que les débats s'animent. "Vos arguments sont douteux et erronés. Ils traduisent une faiblesse qui tranche avec l'importance de ce texte [...]", a commenté la députée Sabine Rubin (LFI, Seine-Saint-Denis).
Les trois groupes d'opposition (Nouvelle Gauche, La France insoumise, Gauche démocrate et républicaine) ont prévu de déposer avant le 23 février 2018 un recours devant le Conseil constitutionnel sur le projet de loi. La promulgation du texte serait ainsi suspendue à la décision de l'institution, qui a un mois pour examiner la requête. Sauf si le gouvernement ramène ce délai à huit jours, arguant d'un "cas d'urgence".