Fuite au bac S : "On fait comme si tout le monde avait fraudé" (Frédéric Rolin, spécialiste en droit administratif)

Propos recueillis par Isabelle Maradan Publié le
Fuite au bac S : "On fait comme si tout le monde avait fraudé" (Frédéric Rolin, spécialiste en droit administratif)
Frédérique Rolin // © 
Le ministre de l’Education nationale a annoncé que seuls trois des quatre exercices de l’épreuve de mathématiques de la série S seraient notés. Frédéric Rolin, professeur de droit public à l'Université de Paris Ouest La Défense et avocat spécialiste en droit administratif estime que la neutralisation de l’exercice diffusé sur Internet est une sur-réaction. Interview.

La neutralisation de l’exercice de mathématiques de la série S diffusé avant l’épreuve sur Internet est-elle légale ?

Ce n’est pas un problème de neutraliser un exercice. Cela a déjà eu lieu dans d’autres cas. Lorsqu’il y avait une erreur d’énoncé notamment. Mais la difficulté est double ici. D’abord parce qu’il y a un doute sur le fait qu’il n’y ait qu’une feuille de l’épreuve qui ait fuitée. Ensuite, et c’est plus fondamental encore, le fait qu’on ait trouvé un élément sur Internet induit que des candidats ont pu frauder, mais ce n’est pas parce que des gens ont peut être fraudé qu’on doit neutraliser l’exercice pour la France entière.

On peut se demander s’il n’y a pas eu une sur-réaction et une réponse hypertrophiée. On fait comme si tout le monde avait fraudé et on applique l’égalité par les fraudeurs. Or, quand on a des fraudeurs, on recherche et on sanctionne les fraudeurs.

Le bac de la série S peut-il être annulé si le juge administratif est saisi ?

Il y aura sans doute un recours en annulation qui peut être le fait d’un élève majeur, d’un parent d’élève, d’une association d’enseignant… Le tribunal administratif doit être saisi dans les deux mois qui suivent la proclamation des résultats de l’examen.

Mais je pense qu’il y a 80 % de chance que l’examen ne soit pas annulé pour autant. Parce que le juge administratif ferait la balance des intérêts généraux. Or, l’intérêt général n’est pas de faire repasser le bac ou même une seule épreuve à des milliers de jeunes. Pas plus que d’obérer les orientations postbac d’environ 160 000 élèves de série S.

Reste donc 20% de chance que l’examen puisse être annulé…

Mais dans ce cas, le Parlement déciderait de valider les résultats annulés par le tribunal administratif. C’est la technique des lois de validation. Il s’agit d’une technique très classique que l’on trouve pour un tas d’examens. Il ne m’étonnerait pas non plus que le Parlement soit saisi d’un projet de loi de validation anticipée.

Recours devant les juridictions administratives

Des parents ont saisi le tribunal administratif de Paris, vendredi 24 juin 2011, contre la décision de Luc Chatel de ne pas noter l'exercice du bac S qui a fuité avant l'épreuve. Ils avaient auparavant tenté de saisir le Conseil d'Etat, qui s'était déclaré incompétent.

La requête devant le tribunal administratif parisien sera examinée le 30 juin.

Un lycéen de La Rochelle a également saisi, jeudi 23 juin 2011, le tribunal administratif de Poitiers.

Propos recueillis par Isabelle Maradan | Publié le