Sciences po de région : le dilemme de la sélection des candidats en première année

Éléonore de Vaumas Publié le
Sciences po de région : le dilemme de la sélection des candidats en première année
Les modalités de recrutement des instituts d'études politiques ont fait l'objet de nombreuses discussions au sein des établissements. // ©  Alexis Chezière/ SCIENCES PO LYON
Entre ceux qui maintiennent leurs épreuves écrites et ceux qui profitent de l'intégration sur Parcoursup pour renouveler intégralement leur mode de sélection en première année, les 9 Sciences po de région ont fait leur choix. Au risque de créer de la confusion pour les futurs candidats.

Côté pile, les inconditionnels du concours écrit, côté face, les partisans d’un abandon de ce type d’épreuves. Alors que Sciences po Paris et Bordeaux se sont saisi de l’entrée sur Parcoursup en 2020 comme d’une occasion de revoir complètement leurs modalités de recrutement postbac, le Réseau Scpo, regroupant 7 Sciences po de région (Saint-Germain-en-Laye, Lille, Lyon, Strasbourg, Toulouse, Aix-en-Provence et Rennes), ainsi que Grenoble, quant à eux, ont annoncé leur intention de maintenir un concours commun avec ses trois épreuves écrites.

Une décision qui n’a pas manqué de faire débat parmi les instituts membres. "Nous avons longuement débattu", confirme Céline Braconnier, directrice de Sciences po Saint-Germain-en-Laye et présidente du Réseau Scpo. Et pour cela, nous nous sommes appuyé sur l’analyse de travaux de sciences sociales qui n'ont pas permis de trancher en faveur d’un modèle de recrutement plutôt que l’autre, certains insistant fortement sur les effets de sélection sociale des dossiers et des oraux, et d’autres indiquant que les écrits ne représentent pas la panacée. Il est donc apparu que le choix que nous avions fait il y a dix ans était le bon et qu’il fallait persévérer dans cette voie, en essayant de diversifier encore les recrutements."

Saut dans l'inconnu

De son côté, l’institut de Grenoble, absorbé par les ajustements nécessaires à l’intégration sur Parcoursup, a préféré remettre la question d’une éventuelle transformation de son accès en première année à l’année prochaine. "Nous allons organiser un temps d’échange collectif avec l’ensemble des enseignants-chercheurs de l’établissement dès la rentrée prochaine à cet effet, signale Jean-Charles Froment, son directeur, en insistant sur le fait qu'il n'est pas opposé à la mise en place d’oraux dans les années à venir. Ce mode de sélection pose toutefois souci, notamment parce qu’il introduit des critères d’évaluation des candidatures qui ne sont plus les mêmes que pour les épreuves écrites. D’autre part, en s’attachant à des éléments de type essai ou lettre de motivation, comme cela est proposé dans le cadre de la construction d’un algorithme sur la base d’un dossier, on risque de voir se développer des marchés parallèles qui proposeront des modèles clés en main contre lesquels nous cherchons à lutter”, ménage-t-il.

2020 sera donc une année test pour nous. (J.-C. Froment)

Le gros chambardement aura en revanche bien lieu à Sciences po Bordeaux. "Nous voulions de toutes manières impérativement modifier nos épreuves d’entrée avec le nouveau bac. Le passage sur la plateforme a été un accélérateur. Nous sommes d’ailleurs les seuls à l’intégrer complètement dès 2020, contrairement aux autres établissements qui l’utiliseront comme un simple portail jusqu’en 2021", précise Jean Petaux, directeur de la communication de l’institution.

Dès l’année prochaine, un premier tri des candidatures sera donc réalisé par l’algorithme (sur la base des notes de première et du premier trimestre de la terminale, ainsi que les notes du bac). L’établissement reprendra ensuite la main sur la liste des 800 candidats admissibles, afin de déterminer, en fonction des éléments du dossier et de l’entretien, les 275 admis. Reste une inconnue pour Bordeaux : le calendrier 2019-2020, dont la publication n’interviendra pas avant septembre-octobre prochain. De quoi faire craindre que "les dates des oraux soient trop repoussées et viennent percuter les épreuves du bac."

Léger lifting

Même préoccupation pour Sciences po Grenoble. Si la date du concours a été spécialement avancée au 11 avril 2020 pour s’adapter au calendrier de Parcoursup, l’institution envisage de mobiliser un plus grand nombre d’enseignants-chercheurs de façon à pouvoir corriger et produire l’ensemble des résultat en temps et en heure. "Cela risque d’être très serré. Même avec un nombre de copies semblable à cette année, le délai de correction a été réduit à 5 semaines au lieu de 6. 2020 sera donc une année test pour nous", prévient le directeur.

En intégrant la plateforme, le réseau Scpo est aussi prêt à jouer le jeu du calendrier. Outre l’avancement de la date du concours commun, qui se déroulera une semaine après Grenoble, les épreuves écrites vont subir un léger lifting. Ainsi, l’épreuve écrite d’histoire sera modifiée dès 2020. Il s’agira désormais d’une analyse de document en deux heures, au lieu d’une dissertation en trois heures, et les chapitres de révision qui concernent la France sont retirés.

À partir de 2021, l’épreuve écrite de questions contemporaines sera, elle, assortie d’une liste de références bibliographiques. "Cette liste permettra de délimiter les connaissances attendues sur chaque thème et d’insister sur les compétences méthodologiques du candidat", détaille sa présidente. D’autres changements devraient également intervenir avec la mise en application de la réforme du baccalauréat dans deux ans, notamment la prise en compte de deux notes de langues (la note au concours et la note de contrôle continu au lycée d'une deuxième langue autre que celle du concours).

La question est de savoir si la mise en place de modalités de recrutement, très éclatées selon les différents Sciences po, ne sera pas facteur de confusion pour les étudiants, alors même que l’intégration sur la plateforme d’admission a pour ambition de rendre plus lisible l’offre de formations de l’enseignement supérieur en offrant une procédure unique d’inscription. "Ce n’est pas forcément quelque chose qui est facilitateur, convient Jean-Charles Froment. mais, de toutes façons, il n’y aura jamais d'objectivité parfaite dans le recrutement d’un élève."

Éléonore de Vaumas | Publié le