L’ENA : la fin d’un symbole ?

Éléonore de Vaumas Publié le
L’ENA : la fin d’un symbole ?
La suppression de l'ENA, école emblématique, marquera-t-elle le début d'une grande transformation de l'accès aux hautes fonctions de l'État ? // ©  ©Frederic MAIGROT/REA
Après avoir été reportée, l'allocution télévisée d'Emmanuel Macron devrait avoir lieu dans les prochains jours. Le président de la République devrait vraisemblablement annoncer la suppression de l’ENA (École nationale d'administration), qui s’accompagne d'une réforme plus large de la formation des hauts fonctionnaires. Une décision qui suscite des craintes sur la future formation des cadres de l’État.

L’ENA vivrait-elle ses derniers jours ? Emmanuel Macron devrait s'exprimer prochainement au sujet des mesures prévues à la suite du Grand débat national. Parmi ces mesures, le président de la République française pourrait annoncer la suppression de l'école emblématique.

Depuis quelques jours, des extraits du discours circulent sur les réseaux sociaux, dans lesquels figure l’annonce imminente de la suppression de l’ENA, dans le cadre d’une réforme plus large de la formation des futurs hauts fonctionnaires. Si l'Élysée a déjà prévenu que le discours serait remanié dans le fond et dans la forme, la disparition de l'école devrait rester à l'ordre du jour. Tout comme celle, probable, de l’INET (Institut national des études territoriales) et de l’ENM (École nationale de la magistrature).

Souvent critiquée pour son manque de diversité à l’entrée, la célèbre école affiche depuis quelques années sa volonté d’ouverture, notamment en instaurant une CPI (classe préparatoire intégrée), accessible aux étudiants et demandeurs d’emploi issus de milieux sociaux modestes ou défavorisés. Privilégier la méritocratie, en favorisant une sélection à partir des compétences et non de l'origine sociale ou familiale. Telle serait la volonté de l'exécutif. "L'ENA accueille déjà 26 % de boursiers et 9 % de jeunes issus du milieu agricole", rappelle Luc Farré, secrétaire général de l'UNSA fonction publique.

Des mesures mal accueillies

Cette suppression interviendrait alors même qu’une série de réformes de l’ENA, impulsée par son directeur, Patrick Gérard, est à l’œuvre depuis la fin de l’année dernière. Un projet de décret soumis aux membres du CSFPE (Conseil supérieur de la Fonction publique de l’État) le 10 avril prévoit ainsi un lifting de la formation : réduction de durée de la scolarité, modification des modalités de concours pour diversifier les profils de candidats, expérimentation d’un 4e concours externe ouvert aux titulaires du doctorat (trois places par an), aménagement des emplois de direction assistant le directeur…

Ce chantier d’envergure censé redorer le blason de l’école et redresser sa situation financière n'a pourtant pas convaincu les organisations syndicales de la fonction publique qui se sont majoritairement prononcées contre. “Ce n’est pas en rénovant les modalités d’accès ou le contenu de la formation d’une école de la haute fonction publique que l’on va régler la manière dont la fonction publique s’ouvre sur la société et dont elle intègre des profils différents sur les postes cadres”, estime Damien Zaversnik, fondateur de l’Association de la Cordée qui, le 15 avril, a publié un ensemble de propositions pour le projet de loi sur la transformation de la fonction publique.

Ce n’est pas en rénovant les modalités d’accès ou le contenu de la formation d’une école de la haute fonction publique que l’on va régler la manière dont la fonction publique s’ouvre sur la société.
(D. Zaversnik)

Ces arguments auraient-ils eu raison du sort réservé à l'ENA ? Si ce n’est pas la première fois que l’avenir de l’ENA est en jeu, Emmanuel Macron pourrait être le premier à décider d’y mettre fin.

Pour Luc Farré, secrétaire général de l’UNSA fonction publique, la priorité est surtout de garder une école publique pour former les responsables des grands services de l’État. Le risque, selon lui serait "que cela soit des personnes issues du secteur privé qui occupent les fonctions de cadres, comme c'était le cas avant la création de l'ENA, alors qu’ils n’ont pas toujours le sens du service public". Et le syndicaliste d'ajouter : "Moderniser le système, oui. Supprimer l’ENA, cela ne résoudra pas les difficultés que rencontre notre pays."

Pour le moment, aucune information n'a fuité sur les orientations que prendrait le chef de l'État. Privilégiera-t-il "une école commune de la haute administration pluridisciplinaire (fonction publique territoriale, hospitalière, etc.)", comme le propose notamment le fondateur de l’association La Cordée ? Réponse, peut-être, dans les prochains jours.

Éléonore de Vaumas | Publié le