La région Rhône-Alpes fait dialoguer les universitaires après quatre mois de conflits

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Après plus de quatre mois de mobilisation, le milieu universitaire est-il réconcilié ?  Le colloque, organisé le 6 juillet 2009, à l’initiative de la région Rhône Alpes sur le campus de la Doua à Villeurbanne, a été l'occasion de réunir présidents d’universités, enseignants chercheurs, étudiants, représentants syndicaux et associatifs notamment « Sauvons l’université » et « Sauvons la recherche » –. Ces rencontres, intitulées « Enjeux sociétaux : missions de l’université et autonomie universitaire », ont permis, sinon de renouer le dialogue, tout du moins de confronter les arguments à la veille de la trêve estivale. Morceaux choisis.

« Oui à l’hérésie à l’université… mais qui finance ? »
« Depuis 20 ans, l’université a connu des évolutions spectaculaires qui ont anticipé un certain nombre de lois, dont la loi LRU, a rappelé en introduction Michel Lussault, président du PRES de Lyon. Contractualisation, internationalisation et régionalisation sont aujourd’hui les trois principaux enjeux à relever. Or, les réponses du ministère ne sont pas à la hauteur de ces enjeux. » Le débat était posé qui, dans un premier temps, a tourné sur les attentes de la société vis à vis de l’enseignement supérieur et les réponses de l’université. « L’université doit être le lieu où se produisent des connaissances, de l’impertinence, voire de l’hérésie par rapport à la pensée dominante, » a souligné Roger Fougères, vice-président du Conseil régional de la région Rhône Alpes et délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Et un intervenant dans le public de rebondir : « Oui à l’hérésie. Mais qui finance l’hérésie ? »

« L’université doit conjuguer les contraires »
« Développer des formations d’excellence » et « gérer la masse », « garantir la liberté des chercheurs » et « travailler en partenariat avec les entreprises », « jouer la carte de la proximité » et « assurer une présence internationale »… tour à tour, les différents intervenants se sont livrés à une litanie des missions attendues de l’université. A donner le tournis. En tous les cas, comme l’a résumé Olivier Christin, président de Lyon 2 : « Parce qu’elle a fait le choix de gérer toutes ces questions, l’université doit conjuguer des contraires. » Par ailleurs, en soulignant que les attentes des familles et des étudiants concernent d’abord l’insertion et la professionnalisation, Lise Dumasy, présidente de Grenoble 1 a rappelé que « le chômage ne vient pas de l’inéquation des formations universitaires aux besoins de l’entreprise mais d’un état actuel du marché de l’emploi qui est en en crise. » Côté étudiants, Baki Youssoufou, président de la Confédération étudiante, a précisé que « si l’université est le seul lieu qui permet un ascenseur social, c’est souvent un choix par défaut ». « Les étudiants ont besoin d’informations sur l’insertion des diplômes et de soutiens, a-t-il rappelé. Or, on ne nous donne pas les moyens d’assumer nos choix ». Un constat partagé par Jean-Baptiste Prévost, président de l’UNEF : « On nous parle de droit à la réussite et de choix d’orientation. Encore faut-il en donner les moyens aux étudiants. Aussi, l’erreur de la loi LRU est de poser la question du fonctionnement du système avant celle de ses finalités »

« L’autonomie a besoin d’adhésion »
Enfin et surtout l’autonomie a été évidemment au cœur des discussions. « Je serais surprise le jour où le mot autonomie ne fera plus peur », a lancé Claire Bazy Malaurie, président du comité d’évaluation de la loi LRU. Encore fallait-il s’entendre sur ce terme à géométrie variable. « Je suis favorable à une autonomie scientifique et pédagogique, une autonomie fondée sur la collégialité », lui a répondu Isabelle This-Saint-Jean, présidente de « Sauvons la recherche ». « L’autonomie n’est pas octroyée. Elle a besoin d’une adhésion », a poursuivi Jean-Louis Fournel, président de « Sauvons l’université ». C’est là que les critiques sur l’application de la loi LRU ont fusé. Pour Stéphane Tassel, secrétaire général du SNESUP, « la loi LRU est une loi de soumission financière ». De son côté, Khaled Bouabdallah, président de l’université Jean Monnet à Saint-Etienne qui expérimente la loi depuis le 1er janvier 2009, a parlé de son expérience vécue : « Il y a un paradoxe à constater que l’autonomie qui suppose une liberté de choix pédagogique et financière s’accompagne dans les faits d’une tutelle renforcée, des contrôles rigoureux et un scepticisme de l’autorité centrale sur notre capacité à être autonome. » Et le président de l’université de Saint Etienne de lister les blocages vécus depuis six mois : une « surveillance a priori de l’utilisation de nos fonds, même pour nos ressources propres », des « recrutements soumis à autorisation », des « modalités d’élections des collèges d’enseignants chercheurs pas adaptés », un « manque d’accompagnement pour exercer nos compétences élargies » et encore « un passage qui se fait avec des moyens humains à la baisse ».

Un climat « de défiances »
Convenant que la LRU posait des « problèmes d’application », Olivier Faron, directeur de l’ENS LSH à Lyon, a estimé que cette loi était un atout pour les universités qui s’en emparent. « Par exemple, a-t-il souligné, c’est un plus indéniable que la politique de l’emploi soit désormais localisée ». De même, pour Lionel Collet, président de la CPU, « la différenciation des universités est une force à condition qu’il y ait complémentarité. » De quoi se mettre d’accord avec Jean-Louis Fournel, président de « Sauvons l’université » qui jugeait que « la concurrence entre établissements est destructrice de coopérations. ». Mais pas de quoi rassurer Claire Bazy Malaurie, qui en conclusion de ces échanges estimait que « si les universités ont été remises depuis quelques temps au centre du débat, on reste dans un monde de défiances qui rend difficile le dialogue ». Enfin, le président de la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, a clos ces rencontres en rappelant son adhésion au principe d’autonomie tout en précisant que « sans moyens cette autonomie est une imposture ».

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