Les classes passerelles vers le BTS ne font pas l'unanimité

Philippe Bohlinger Publié le
Les classes passerelles vers le BTS ne font pas l'unanimité
Seuls 300 bacheliers professionnels, sur les 2.250 places prévues, seraient actuellement en classe passerelle vers un BTS. // ©  Robert KLUBA/REA
À peine plus de 700 étudiants seraient scolarisés dans les classes passerelles mises en place à l’attention des bacheliers professionnels non admis en BTS. Les organisations syndicales s’interrogent sur le rapport coût-bénéfice du dispositif, lancé à la rentrée dernière par l’Éducation nationale.

À la rentrée 2018, l’Éducation nationale a ouvert des classes "passerelles". Leur ambition : permettre aux élèves non admis en BTS, malgré un avis favorable de leur conseil de classe, de "confirmer leurs projets d'orientation" tout en "consolidant leurs acquis", précise la circulaire parue le 18 juillet 2018. Concrètement, ces bacheliers sans affectation dans Parcoursup sont contactés par leur rectorat d’académie en vue d’intégrer une de ces classes tremplin où ils bénéficient du statut d’étudiant.

Problème : sur les 139 classes passerelles, prévues par le ministère en 2018 pour accueillir 2.250 élèves, seuls 66 établissements s'en sont dotés. Au total, 717 jeunes ont pu en bénéficier, indiquent les services statistiques du ministère de l’Enseignement supérieur dans une note de février 2019. "Depuis leur mise en place, les classes passerelles font beaucoup parler d'elles, alors qu’elles ne concernent quantitativement qu’un très petit nombre d’élèves", ironise Gwenaël Surel, secrétaire national du SNPDEN-Unsa.

Intégrés en BTS en cours d’année

D'autant que les chiffres annoncés par l'exécutif ne correspondent pas à la réalité du remplissage. Selon le représentant syndical, si on ne tient pas compte des bacheliers technologiques qui peuvent prétendre au dispositif à titre exceptionnel (un tiers des effectifs), ils seraient en fait 300 bacheliers professionnels scolarisés à l’heure actuelle dans des classes passerelles.

Par ailleurs, la circulaire du 18 juillet 2018 autorise leur intégration en section de BTS en cours d’année. Ainsi, dans l’académie de Toulouse, sur les 110 étudiants accueillis en classes passerelles, 70 % ont rejoint un BTS avant la fin du premier trimestre.

"Un sas d’attente improvisé pour limiter les dégâts liés aux problématiques d’affectation dans le supérieur". C’est dans ces termes que Claire Guéville, secrétaire nationale en charge des lycées au Snes-FSU, décrit le dispositif. "Les élèves ne comprennent pas ce qu’ils font en classes passerelles. Ils ont reçu un avis favorable de leur conseil de classe afin d’intégrer un BTS et se retrouvent barrés par Parcoursup !", regrette-t-elle.

Pour Orlane François, présidente de la Fage, le compte n’y est pas. Elle estime que l’année passerelle constitue "une perte de temps pour les étudiants" dans la mesure où aucun crédit ECTS ne leur est alloué, et que l’entrée en BTS l’année suivante n’est pas garantie.

Sept élèves à Metz

Le lycée professionnel Alain-Fournier de Metz est un des trois établissements à accueillir une classe passerelle dans l’académie de Nancy-Metz. Très investi dans la lutte contre le décrochage scolaire, l'établissement s'est appuyé sur une large concertation associant inspecteurs et enseignants en STS pour bâtir son projet pédagogique. "Notre projet repose sur trois piliers : l’immersion en entreprise, le contact avec des établissements proposant des sections BTS et des travaux plus pédagogiques dans nos locaux", détaille Isabelle Thines, la coordinatrice du projet.

Un sas d’attente improvisé pour limiter les dégâts liés aux problématiques d’affectation dans le supérieur.
(C. Guéville)

La classe passerelle de Metz accueille sept élèves sur la vingtaine contactés par le rectorat avant la fermeture de Parcoursup. Un démarrage timide qui n'inquiète pas le proviseur du lycée lorrain, Philippe Duchesne, qui invite à laisser le temps à cette nouvelle offre de se faire conna^itre : "Il faut démultiplier les ambassadeurs de ce dispositif auprès des élèves qui ont des aptitudes pour aller au-delà du bac", insiste-t-il.

Augmenter les capacités en BTS

Très sceptique sur le dispositif, le secrétaire national du SNPDEN-Unsa estime qu'il serait plus simple, voire moins coûteux, d’augmenter les capacités d’accueil des bacheliers professionnels en BTS. Dans les établissements publics, le nombre de nouveaux entrants y a déjà progressé de 2,6 % en 2018, après une hausse de 1,2 % en 2017. "Cela ne vaudrait-il pas la peine d’ouvrir une ou deux places supplémentaires dans chaque BTS en accordant des heures supplémentaires aux enseignants ? Ne faudrait-il pas réfléchir à des horaires dédoublés pour accompagner les élèves les plus en difficulté ?", interroge-t-il.

La présidente de la Fage indique, quant à elle, que le ministère a mis en place des quotas dans les filières de BTS pour l’accueil de bacheliers professionnels à la rentrée dernière. "Il faut aller plus loin en donnant un accès automatique et de droit à des bacheliers professionnels en BTS", martèle-t-elle.

"L'enjeu n'est-il pas, rappelle Claire Guéville, de répondre à une commande sociale : celle des bacheliers qui se dirigent de plus en plus vers une poursuite d’études ?" Alors que les premières propositions d'admission sur Parcoursup doivent tomber le 15 mai, il faudra patienter jusqu'à la rentrée prochaine pour savoir si la hausse du nombre de nouveaux entrants en BTS se confirme, et si les classes passerelles font le plein.

Philippe Bohlinger | Publié le