Mastérisation : les masters "enseignement" verront-ils le jour dans les universités à la rentrée 2010 ?

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Mastérisation : les masters "enseignement" verront-ils le jour dans les universités à la rentrée 2010 ?
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A trois mois de la fin de l’année universitaire, où en est la réforme de la mastérisation ? En 2009 à la même époque, elle était repoussée d’une année. Où en sont aujourd'hui les universités dans la préparation des maquettes ? Quel est le calendrier prévu ? Point d'étape.

« Nous ne sommes pas satisfaits de la réforme mais nous ne pouvons plus tergiverser. Il faut être pragmatique pour les étudiants ». Le sentiment de Jean-Pierre Gesson , président de l’université de Poitiers, prédomine chez ses homologues de la CPU (Conférence des présidents d’université) : elle a ainsi condamné à plusieurs reprises la réforme sans pour autant appeler au boycott des maquettes.

L’urgence pour les étudiants qui veulent s’inscrire dans les masters « enseignement »

« Nos étudiants de Licence sont inquiets et viennent nous demander si des Masters métiers de l’enseignement leur seront ouverts à Strasbourg à la prochaine rentrée. La plupart d’entre eux ne souhaitent pas quitter Strasbourg. Veiller à leur intérêt est pour nous une considération primordiale », estime Frédérique Granet, vice-présidente "Formations initiale et continue" de l’université de Strasbourg .

« C’est notre responsabilité d’organiser cette préparation à l’université »

« Nous prenons acte du rapport de force, souligne quant à elle Simone Bonnafous , présidente de l’UPEC (université Paris-Est Créteil, Paris 12) et vice-présidente de la CPU. De plus, nous ne pouvons éternellement demander au supérieur de se mobiliser et de bloquer les universités pour une réforme qui concerne seulement une partie de ses étudiants et qui touche d’abord le premier et le second degré. C’est le ministère de l’Education nationale qui décide sur ce sujet. Nous savons que le dossier sera à reprendre mais c’est notre responsabilité d’organiser cette préparation à l’université. Nous pouvons simplement espérer d’autres ministres et d’autres réformes ensuite ».

 « Ce qui compte, c’est l’avenir qu’on réserve à ces jeunes »

Un argumentaire qui ne convainc pas Alexis Grélois, l’un des porte-paroles de SLU (Sauvons l’université) . « Ce qui compte, plus que de savoir où vont s’inscrire les étudiants à la rentrée prochaine, c’est quel avenir on leur réserve !». Les motions de refus de la part de différents départements des universités se multiplient en effet. Les syndicats (FSU, SGEN-CFDT, FO) dénoncent la réforme.

Néanmoins, le maître de conférences en histoire à l’université de Rouen a peu d’illusions. Une certaine lassitude est en effet prégnante chez les enseignants-chercheurs, suite au mouvement massif de l’an dernier qui n’avait pas abouti. « Ce qui a vraiment changé, c’est notre protestation, transformée pour beaucoup d’entre nous en accablement », écrit ainsi le Snesup de Lyon 2 dans une lettre du 28 mars 2010 , qui appelle néanmoins à relever la tête en refusant de remonter les projets.

Confusion autour du calendrier de rendu des maquettes

Au-delà du débat sur la nécessité ou non de finaliser et remonter les maquettes, les vice-présidents Formation des établissements et les enseignants s’y attellent, tant bien que mal. En effet, le cadre fixé reste pour le moins confus. Les projets sont peu à peu transmis vers les CEVU (Conseils des études et de la vie universitaire), par exemple à la mi-avril à Strasbourg ou à Paris 12. Ils devront ensuite passer devant les conseils d’administration des établissements.

Le ministère a-t-il fixé un calendrier précis ? Il s’en est bien gardé cette année, d’où un certain flou. Les établissements sont simplement invités à rendre leurs projets de formation depuis janvier 2010 (voir la circulaire du 23 décembre 2009 ). Mention, spécialité ou parcours : la forme qu’ils vont prendre diffère selon les universités et les types de préparation (PE, CAPES, etc.).

La rumeur a couru d’une date limite au 15 avril, mais le calendrier devrait finalement s’étaler au moins jusqu’au mois de juin, date où doit avoir lieu un CNESER (1) spécial sur le sujet. « Les maquettes devraient remonter au fil de l’eau », indique Simone Bonnafous, au courant des mois d’avril-mai. Quant au CNESER, la vice-présidente de la CPU estime qu’il devrait y en avoir au moins deux ou trois, probablement aussi en juillet.

Finaliser les masters sans les dates des concours auxquels ils préparent : inédit

Il n’existe pas non plus de véritable cadrage de l’architecture des futurs diplômes. « Nous avons d’habitude une circulaire précise de cadrage pour remonter au ministère nos maquettes, en vue des demandes d’habilitation des formations, explique Frédérique Granet, vice-présidente Formations de l’université strasbourgeoise. Cette circulaire indique un certain nombre de consignes pour la construction et la présentation des maquettes à saisir sur le serveur HABILI ». Ce n’est pas le cas cette fois-ci.

Document-de-travail-MEN-MESR-dates-concours-enseignemenEt la confusion ne s’arrête pas là. « Nous sommes dans ce paradoxe de finaliser des maquettes avec des dates de semestres à fixer et un contenu de formation à définir et à répartir sur les semestres de façon pédagogiquement équilibrée et adaptée, sans avoir les dates officielles des concours. C’est inédit », souligne la vice-présidente strasbourgeoise. Quelques pistes de calendrier existent, notamment dans un document de travail des ministères en date du 13 novembre 2009, (Epreuves d'admissibilité à l'automne, épreuves d'admission en mai-juin, pour le CAPES et le PE). Mais rien d’officiel pour l’instant.

L'UPEC souhaite une habilitation de seulement deux ans pour son master PE

Un nombre d’incertitudes qui suscite certaines précautions dans les universités, à l’UPEC par exemple, à propos des masters de préparation au professorat des écoles. « Etant donné les conditions et le chantier dans lequel se déroule la mise en place de cette réforme, nous souhaitons que nos maquettes soient habilitées seulement pour deux ans [au lieu de quatre]. C’est plus sage », indique Simone Bonnafous, vice-présidente de la CPU. Objectif : faire le point au plus tôt, « en espérant que d’ici là, il y aura eu une prise de conscience nationale du problème ».

L’université de Strasbourg a, elle, prévu d’accompagner la transmission des maquettes de l’évaluation du coût de ces nouveaux diplômes pour l’établissement, afin d’y voir clair aussitôt sur les ressources allouées à ce titre et les coûts réels de fonctionnement de ces formations.

Une situation bien loin d'être réglée donc. Il y a un an presque jour pour jour, moins de 10 maquettes étaient remontées des universités à l’AERES (2), qui annonçait finalement son refus d’évaluer les projets. Cette fois-ci, l'agence n'évaluera pas ces maquettes a priori. C'est donc le ministère, plus précisément la DGESIP (direction générale pour l'enseignement supérieur et l’insertion professionnelle), qui les attend. Un refus d'évaluer est cette fois-ci pour le moins improbable...

Un partage des tâches entre les IUFM et les universités

Quelle place auront les IUFM au sein des masters « enseignement » ? Les instituts de formation des maîtres prendront d’abord en charge la préparation au professorat des écoles (PE), comme à Strasbourg ou à l’UPEC (Paris 12). « Ils seront également porteurs des préparations PLP (professeur de lycée professionnel ), CPE (Conseiller principal d'éducation) et documentaliste », précise Gilles Baillat , président de la CDIUFM (Conférence des directeurs d'IUFM).

Inversement, au sein des parcours ou spécialités mis en place dans les facs pour la préparation au CAPES, les universités gardent la main avec une collaboration plus ou moins importante avec les IUFM. « Dans quasiment tous les masters, nos collègues de l’IUFM vont assurer la formation des étudiants dans certaines UE (par exemple « l’enseignant devant sa classe », « Agir en fonctionnaire de l’Etat et de façon éthique et responsable », etc.) et participer pleinement à la coordination de la formation professionnelle et des stages », indique Frédérique Granet, vice-présidente Formations initiale et continue de l’université de Strasbourg .

Et les universités qui n’ont pas d’IUFM ? Plusieurs possibilités existent. Dans l’académie de Créteil, l’IUFM devrait porter une préparation au professorat des écoles commune aux universités de l’académie. « A Paris, le master de préparation au professorat des écoles sera principalement porté par Paris 4 [université à laquelle est rattaché l’IUFM de Paris ] mais cela n’empêche pas Paris 5 de proposer aussi une préparation PE, en partenariat avec l’IUFM de Paris également », explique Gilles Baillat.

L’inquiétude ne disparait pas pour autant du côté des opposants à cette réforme. « Même si les IUFM se maintiennent sur le créneau de la préparation au professorat des écoles, il existe toujours des menaces de fermeture, à Antony par exemple. Nous avons aussi la crainte que le rectorat tente d’orienter une certaine partie de leur personnel détaché au sein des IUFM vers le premier et le second degré », confie Alexis Grélois, porte-parole de SLU (Sauvons l’université).

Voir les motions de refus adoptées dans les universités à propos de la mastérisation

(1) Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche
(2) Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur

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