Parcoursup : le mystère des places vacantes

Martin Rhodes, Erwin Canard, Laura Taillandier Publié le
Parcoursup : le mystère des places vacantes
Le 6 septembre, il restait encore de nombreuses places dans les licences dites en tension comme Paces ou en droit en Île-de-France. // ©  Service comm' uB
En Île-de-France, 23 % des places étaient encore vacantes le 6 septembre 2018 sur Parcoursup. Comme au niveau national, l'ensemble des formations étaient concernées y compris les classes préparatoires ou les licences dites en tension. Un effet des longues listes d'attente, de la publication des attendus ou des nouvelles créations de places ? Explications.

"100.000 places pour 3.000 candidats" : c'est l'équation à résoudre sur la phase complémentaire de Parcoursup, selon le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. En réalité, il resterait plus exactement 127.000 places pour les élèves sans réponse sur la plate-forme dont le nombre s'élève à plus de 45.000 (39.513 inactifs et 7.745 actifs). Sur le papier, de quoi satisfaire tout le monde, surtout que les places encore vacantes le sont dans de nombreuses filières.

23 % de places vacantes en Île-de-France

En Île-de-France, le 6 septembre 2018, 23 % des places étaient encore disponibles sur la phase complémentaire dans les trois académies. C'est l'académie de Paris qui en proposait le plus (9.796) puis Créteil (3.959) et enfin Versailles (3.875). Comme au niveau national, toutes les formations sont concernées, y compris celles dites en tension ou sélectives. En classes préparatoires aux grandes écoles, on comptait encore 312 places dans l'académie de Créteil, 646 à Paris, 556 à Versailles. Et ce dans les établissements fortement demandés par les candidats comme les lycées Chaptal et Fénelon à Paris, ou le lycée Hoche à Versailles.

De même en BTS (brevet de technicien supérieur), il restait encore 863 places à Créteil, 443 à Paris et 847 à Versailles. Un peu moins dans les DUT (diplômes universitaires de technologie) avec 350 places vacantes au total dans la région. En licence, la phase complémentaire comptait encore 2.237 places vacantes à Créteil, 4.980 à Paris et 1.829 à Versailles. Y compris dans les licences dites en tension comme Paces (plus de 300) ou en droit, mais également dans les doubles cursus. Les formations phares n'auraient donc pas fait le plein en phase principale ?

Des chiffres cohérents côté BTS

Pas de surprise pour les responsables des formations sélectives comme les BTS. "Pour l'instant, ce n'est ni mieux, ni moins bien que sur Admission-postbac. Nous avons des surprises agréables comme des BTS mécanique-auto destinés en priorité aux bacheliers pro qui se sont bien remplis contrairement aux années précédentes. Mais aussi des candidats qui déplorent de ne toujours pas avoir de place", illustre Sébastien Volpoët, le secrétaire académique de Créteil du syndicat de chefs d'établissement, le SNPDEN.

Au niveau national, non plus, rien de "surprenant", pour Gwenaël Surel, le secrétaire national de la commission pédagogie du syndicat. "Pour les formations qui ne font pas le plein, ce sont des BTS particuliers dans le tertiaire ou isolés géographiquement, en région rurale. Des formations qui avaient déjà du mal l'an passé à avoir un taux de pression."

L'effet liste d'attente en CPGE

En revanche, le nombre des places vacantes en CPGE étonne davantage les chefs d'établissement. "Ce sont pourtant les formations qui d'ordinaire se remplissent le mieux. C'est sans doute lié au fait que les élèves qui ont un bon niveau ont eu la possibilité de conserver leurs vœux jusqu'au dernier moment", estime Sébastien Volpoët. Un constat partagé par le syndicat d'enseignants du second degré le Snes-FSU. "Beaucoup de CGPE dite "de proximité" se retrouvent à moitié remplies, avec des étudiants ayant des dossiers fragiles", observe Claire Gueville, secrétaire nationale qui y voit un effet dissuasif des listes d'attente. "Certains élèves n'ont pas pu se permettre d'attendre pour trouver un logement et se sont tournés vers d'autres formations", explique-t-elle.

Au lycée du Parc à Lyon, le proviseur Pascal Charpentier, assure avoir fait le plein avant le lancement de la phase complémentaire en ayant choisi d'appeler tous les élèves sur liste d'attente. "Cette année, nous sommes descendus plus bas dans le classement que les années précédentes", précise-t-il. Aucun des élèves n'a manqué à l'appel le jour de la rentrée. "Mais cela dépend du lycée et du prestige de l’établissement. C’est beaucoup plus problématique pour les prépas de proximité", nuance Florence Delannoy, secrétaire nationale du SNPDEN.

Le président de l'Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires tempère la situation. "Si l'on rapporte au nombre de divisions, cela ne fait jamais que deux élèves par classe. Ce n'est pas bien différent de l'an dernier. Au niveau national, nous avons même un taux d'admission légèrement meilleur", souligne Jean Bastianelli, proviseur du lycée Louis-le-Grand à Paris. Même s'il concède également "un effet calendrier". "Certains candidats n'ont pas pu se permettre d'attendre..."

Surprise côté université

L'étonnement est également de rigueur côté université alors qu'il restait le 6 septembre encore de nombreuses places dans les licences dites en tension comme en Paces (plus de 6.700 places), ou en Staps (1.000 places)… Là où précisément les universités avaient dû pratiquer des tirages au sort l'an passé. "Je tombe des nues !", réagissait alors Didier Delignières, le président de la conférence des directeurs et doyens de Staps. Quelques jours après, le constat est identique. "Je ne comprends pas comment on peut arriver à ce chiffre. J'ai eu des remontées d'une vingtaine d'UFR et j'arrive à une centaine de places vacantes. Et je n'ai pas d'explication hormis le fait que beaucoup de formations proposées sont des parcours atypiques, comme équitation par exemple, ou très sélectifs."

En Paces, on constate également une nette augmentation du nombre de places disponibles à l’issue de la phase principale et cela, visiblement, dans toutes les universités. Pour certains, l'expérimentation "Paces adaptée" a pu soulever quelques inquiétudes chez les élèves quant à la possibilité de redoubler. Quand pour d'autres, la publication des attendus sur la plate-forme auraient pu décourager une partie des candidats. Le Snes-FSU et le Snesup-FSU pointent tous deux un phénomène d'auto-censure. "La lettre de motivation, le test de positionnement, le Mooc obligatoire... Tous ces éléments de dissuasion ont joué à plein dans ses formations en tension l'an dernier", juge Claire Gueville.

Ce qui n'est pas une mauvaise chose pour le président de la commission formation de la CPU (Conférence des présidents d'université), François Germinet. "Beaucoup de candidats pouvaient demander une formation sans savoir réellement ce qui les attendaient. Là, ceux qui ont validé leur vœu l'ont fait en connaissance de cause", souligne-t-il.

Des places nouvellement créées

Pour les formations en tension, les explications seraient aussi à rechercher du côté des créations de places annoncées avant l'été selon plusieurs présidents d'université. Un point de vue partagé par la Fage et le Sgen-CFDT. "Encore aujourd'hui, le ministère demande aux établissements de créer ces places", relève Jimmy Losfeld, le président de l'organisation étudiante.

Marie-Agnès Sari, la responsable de la formation de l'université Paris-Descartes (qui proposait encore le 6 septembre 132 places en Paces) acquiesce. "On a demandé aux facultés franciliennes d’augmenter leur capacité d’accueil en Paces, ce qui a été fait. Et il n’y a pas eu de pression supplémentaire par rapport à l’an dernier, souligne-t-elle. Les prévisions du ministère étaient de 30.000 demandes et nous en avons eu environ 18.000." En outre, le taux de bacheliers hors académie ayant été fixé à 1 %, "les étudiants de province sont partis ailleurs".

Quid des doubles cursus ? L'université de Cergy-Pontoise propose encore des places en droit et anglais. "Je n'ai pas d'explication pour l'instant, surtout que les demandes ont augmenté pour la filière de droit classique", observe François Germinet. Après la clôture de la procédure complémentaire de Parcoursup, le 21 septembre, viendra le temps de l'analyse pour les établissements. En attendant, la balle est dans le camp des commissions d'accès à l'enseignement supérieur qui doivent faire aux candidats sans affectation une proposition en adéquation avec leur dossier et leur projet.

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