Réforme du lycée : ce que les enseignants pensent des nouveaux programmes de seconde

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La mise en consultation des programmes de la nouvelle seconde suscite des réactions chez les professeurs et les experts. Dernière en date : la démission du sociologue François Dubet de la commission des programmes de sciences économiques et sociales. Que pensent les enseignants des projets de Luc Chatel ? Educpros est allé à leur rencontre.

Tout a commencé avec la vive réaction de l’APSES (Association des professeurs de sciences économiques et sociales), qui dénonçait fin janvier 2010, « la suppression des questionnements sur l'emploi et le chômage, sur l'investissement, sur les revenus et les inégalités » dans les programmes de la future seconde générale et technologique. Depuis, coup de théâtre : le sociologue François Dubet qui a participé à l’élaboration des programmes de SES a donné sa lettre de démission de la commission qui en était chargée.

« Il est vrai que si nous avons travaillé sérieusement et dans un climat apaisé, nous avons travaillé très vite, nous n'avons eu le temps de consulter personne et le Cabinet du ministère a sensiblement transformé notre projet. Peut-être aurait-il été raisonnable de travailler sur l'ensemble du programme des trois années de lycée pour que la cohérence du projet apparaisse plus clairement. J'ai le sentiment que la perspective sociologique en ressort très appauvrie. Je ne peux évidemment pas cautionner ce rétrécissement, non par corporatisme disciplinaire, mais parce que je suis convaincu de ce que les sciences sociales participent à la formation d'un citoyen éclairé tout en préparant à des études supérieures et à des activités professionnelles », peut-on notamment lire dans la lettre de démission de François Dubet.

Histoire-géographie : « il faut que ça respire plus »

Julien Maraval, professeur et conseiller technique au syndicat SE-UNSA commente le projet de programme : « En géographie, on constate peu de changement, hormis la réunification autour d’une thématique développement durable. En histoire, le programme, plus original, s'appuie sur une succession de moments historiques. Notre principal reproche : il est infaisable. Il y a trop d’entrées. Sa densité implique que les élèves ne prennent pas le temps de lever la main en cours et ne soient pas évalués en une heure. Par exemple, ce sera très compliqué de traiter la partie « La civilisation rurale dans l’Occident chrétien médiéval, du IXe au XIIIe siècle » en huit heures ! Pour nous, ce qui compte c'est le développement durable des connaissances et des compétences acquises par les élèves. Mais on ne peut supprimer un chapitre sans faire de scandale… Au professeur de faire ses choix, tout en sachant qu'on peut lui reprocher ensuite. »

Principes fondamentaux de l’économie et de la gestion (PFEG) : « il faut faire mieux et autrement ! »

Comme les SES, les PFEG font partie des modules d’exploration que les élèves de seconde pourront choisir à partir de la rentrée 2010. Cette discipline se rapproche de l’éco-gestion telle qu’on la retrouve aujourd’hui en série STG (sciences et technologies de la gestion). Dans un communiqué, Sylvie Cordesse Marot, présidente de l’APCEG (Association des professeurs de communication, d’économie et de gestion) fait le tour en six points de ce qui ne va pas dans les projets de programmes de la future seconde. 1 - ils gomment tous les enjeux du monde contemporain. 2 - les onze thèmes abordés doivent être formulés à partir d’un réel questionnement. 3 - ils sont trop lourds, descriptifs et poussent à une pédagogie passive pour un niveau seconde (et 1h30 de cours par semaine). 4 - les savoirs de gestion ne sont pas mis en perspective (ils n’abordent pas les questions de façon interdisciplinaire, en mêlant les aspects économiques, juridiques et de gestion). 5 - ce programme ne met pas en œuvre une logique d’exploration. 6 - tous les points abordés seront revus par la suite en STG de la même façon. Pas assez « exploratoires » les PFEG ? L’APCEG souhaite que la réforme soit repoussée d’un an et élabore de nouvelles propositions.

Sciences de la vie et de la Terre : « un programme intéressant mais trop étendu »

« Ces nouveaux programmes, avec leurs trois thèmes (la connaissance du vivant et son histoire, la dominante écologique et les compléments sur le fonctionnement du corps), ont manifestement pour objectif de rendre attrayantes les SVT. Le problème, c’est qu’ils sont impossibles à couvrir avec 1h30 de cours par semaine. Surtout si on veut que les élèves s’approprient toutes les connaissances, acquièrent une démarche d’investigation, fassent des manipulations et qu’il reste du temps pour les évaluer. Leurs concepteurs répondent à cela en disant que les sujets ne sont pas censés être approfondis, que les élèves les reverront en cycle terminal. De notre côté, nous sommes sceptiques : va-t-on se distinguer de la vulgarisation faite par les médias ?  Le point positif reste la liberté de choix laissée aux professeurs : elle atténue un peu les craintes liées à l’étendue des programmes », commente Jacques Bergeron et Jean-Claude Hervé, tous deux professeurs agrégés de SVT.


Physique et chimie : « Tout se fait dans la précipitation »

« Le programme de physique-chimie de seconde proposé est présenté sous la forme de trois thématiques : sport, univers et santé. Il s’agit d’une présentation un peu artificielle car les contenus seront identiques à ceux d’aujourd’hui. Pour résumer, on fait du neuf avec du vieux et nous avons peur que les élèves soient déçus. D’autre part, les dédoublements de classe pour les travaux pratiques ne seront plus assurés. Ce sera au chef d’établissement de décider quelles matières vont en profiter. Ce qui risque donc de provoquer des inégalités territoriales. C’est un problème pour une discipline expérimentale…
Concernant les deux enseignements d’exploration (méthodes et pratiques scientifiques et sciences et laboratoire), nous trouvons que la démarche de projet (les élèves auront une année pour réaliser un projet individuel ou collectif) est une vraie révolution pédagogique. Dans un sens, c’est plutôt positif. Mais mener une révolution pédagogique en trois mois n’est pas forcément raisonnable… Les professeurs n’ont pas été formés à cela. D’une manière générale, tout est fait trop rapidement. Les programmes doivent être disponibles dans un mois pour une mise en place à la rentrée 2010. On sera donc forcément dans l’improvisation. », déplore Raphaël Spira, professeur au lycée Lamartine à Paris et membre du bureau national de l’UPPC (Union des professeurs de physique et de chimie).

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