À Lille, la fusion entre Centrale, l'Ensait et Chimie est à l'arrêt

Laura Makary Publié le
À Lille, la fusion entre Centrale, l'Ensait et Chimie est à l'arrêt
Centrale Lille, Chimie Lille et l'Ensait souhaiteraient fusionner dans un grand établissement de type INP. // ©  Jean-Michel André / R.E.A
Le rapprochement voulu par les trois établissements lillois depuis 2015 n'avance plus. En cause : le statut d'établissement unique, réunissant des écoles internes, leur est refusé par le ministère. Les trois écoles d'ingénieurs préparent aujourd'hui des conventions d'association et s'attellent à relancer le projet auprès de la nouvelle équipe ministérielle.

Un établissement unique à l'horizon 2018. C'est l'objectif visé par Centrale Lille, l'Ensait (École nationale supérieure des arts et industries textiles) et Chimie Lille depuis juin 2015. Deux ans après le début des discussions, les trois établissements nordistes poursuivent toujours le même but. Pourtant, le rapprochement est aujourd'hui à l'arrêt.

"Nous souhaitons créer un institut ex nihilo, composé d'écoles internes, qui formeraient des ingénieurs avec des profils différents. Le ministère précédent nous a proposé un établissement unique, regroupant des départements. Cela n’est pas acceptable, cela reviendrait à une dilution pure et simple de nos formations ! Ce n’est pas notre projet", explique Éric Devaux, directeur de l'Ensait, à Roubaix.

Un établissement, cinq écoles internes

Si les écoles lilloises tiennent à leur projet, c'est qu'elles souhaitent toutes trois conserver, malgré tout, une certaine autonomie, notamment en matière de recrutement. "Nous voulons garder des diplômes différenciés, nos marques respectives et nos modes de recrutement spécifiques. Cela n'aurait pas de sens pour Chimie Lille de recruter via le concours Centrale", souligne Rose-Noëlle Vannier, directrice de Chimie Lille.

Cet "institut ex nihilo" appelé de leurs vœux par les trois écoles pourrait prendre la forme d'un grand établissement, à l'image de Bordeaux INP. La nouvelle structure se composerait ainsi de cinq écoles internes : Chimie Lille, l'Ensait, Centrale, ainsi que de IG2I (Institut de génie informatique et industriel) et d'Iteem (Institut technologique européen d'entrepreneuriat et de management), deux départements de cette dernière.

"Aujourd'hui, IG2I et Iteem sont considérées par le ministère, et donc par la CTI (Commission des titres d'ingénieurs) comme de simples spécialités du diplôme Centrale. Ces écoles doivent donc être créées par arrêté ministériel", précise Rose-Noëlle Vanier.

Jusqu'à présent, le ministère avait refusé d'accéder à la demande des trois acteurs lillois, la loi ESR limitant le recours au statut de grand établissement à des cas bien particuliers. D'où la volonté de certains acteurs de voir la loi évoluer.

Un courrier pour le nouveau cabinet du MESRI

L'arrivée de Frédérique Vidal à la tête du nouveau ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation pourrait donc relancer le chantier du rapprochement. C'est, en tout cas, ce qu'espèrent les principaux intéressés. Le ministère n'a cependant pas répondu aux sollicitations d'EducPros sur ce dossier.

"À présent que le nouveau cabinet est en place, nous préparons un courrier, signé par les trois directeurs, dans lequel nous détaillerons notre projet. Nous transmettrons tous les éléments clés à nos interlocuteurs, afin qu'ils puissent s'imprégner du dossier et comprendre la grande valeur ajoutée qu'il nous apporterait, notamment en visibilité, en lisibilité et en efficacité", détaille Emmanuel Duflos, directeur de Centrale Lille, qui s'inquiète d'un "essoufflement" du projet, si rien n'avance.

Car sans l'aval de la Rue Descartes, point de salut. La CTI attend également un retour du gouvernement. "Nous avons donné un avis et des repères sur ce dossier, il appartient désormais au ministère de trancher", soutient Laurent Mahieu, président de la Commission des titres d'ingénieurs.

"Il faut un positionnement politique différent"

Une situation qui a le don d'agacer François Cansell, ancien président de la Cdefi, encore directeur de Bordeaux INP pour quelques mois. Ce dernier a suivi de près le dossier. "Ce qui bloque, c'est bien la volonté de se cantonner aux dynamiques de la loi LRU, en se construisant autour d'une université. La Dgesip s'oppose aux autres types de structurations de l'enseignement supérieur. C'est incompréhensible que le ministère n'accepte pas ce type d'initiatives, il faut un positionnement politique différent".

Ce blocage de la part du ministère est un choix, et non une impossibilité réglementaire
(A. de la Bourdonnaye)

La Cdefi a toujours soutenu le projet lillois. "Ce blocage de la part du ministère est un choix, et non une impossibilité réglementaire. Un choix qui n'a pas été réellement motivé, à ma connaissance. La Cdefi soutient ce rapprochement : c'est un bon projet, qui participe à la structuration de l'enseignement supérieur, tout en conservant les forces de chaque école, et qui ne s'oppose en aucun cas à la construction du site lillois autour de l'université", estime Armel de la Bourdonnaye, président de la Cdefi.

Conventions d'association pour "officialiser" la relation

En attendant, les trois établissements travaillent actuellement sur deux conventions d'association, qui lieraient Chimie Lille et l'Ensait à Centrale Lille. "Dans un premier temps, ces conventions permettront d'officialiser le travail effectué, bien que cela reste loin de notre ambition initiale d'un seul établissement. Elles concerneront principalement la recherche et les fonctions support", précise Emmanuel Duflos.

La convention entre Centrale et Chimie Lille être un peu plus aboutie que celle de l'Ensait. Et cela pour une raison statutaire. "Étant un EPA (établissement public administratif), Chimie Lille dispose d’une convention de coopération avec Lille 1, qui administre notre comptabilité et notre paie. Les universités lilloises fusionnant au 1er janvier 2018, ce contrat deviendra caduc fin 2017. Nous avons décidé de préparer une association avec Centrale sur ces prérogatives. Dans une démarche de fusion, cela montre notre volonté. Nous prévoyons aussi des collaborations plus poussées sur la recherche et la formation, même si chacun conserve son cycle ingénieur. Cela donne corps et officialise cette relation de proximité existant depuis des années", détaille la directrice de Chimie Lille.

La rédaction des conventions s'achèvera au cours de l'été et passera par le conseil d'administration des trois écoles en octobre. Dans l'attente, pour ces trois promis, de recevoir – peut-être – le droit de s'unir.

Laura Makary | Publié le