Ecoles d’ostéopathie : le renouvellement provisoire des agréments révèle les failles de la commission nationale d’agrément (CCNA)

Sara Saidi Publié le
Ecoles d’ostéopathie : le renouvellement provisoire des agréments révèle les failles de la commission nationale d’agrément (CCNA)
adobe agrément écoles d'osteopathie // ©  Production Perig / Adobe Stock
Les neuf écoles d’ostéopathie dont le renouvellement d’agrément a été rejeté en juillet dernier, ont finalement obtenu un agrément provisoire d’un an du ministère des Solidarités et de la Santé. Un revirement qui met en lumière des tensions entre certains établissements et le syndicat français des ostéopathes (SFDO). Au cœur des discussions : la commission consultative nationale d’agrément (CCNA) qui donne un avis sur le renouvellement des agréments.

Le 22 juillet dernier, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a rejeté le renouvellement de l’agrément de neuf écoles d’ostéopathie. Une décision qu’elle avait alors motivée par la nécessité de délivrer une formation de haute qualité et de garantir la sécurité maximale de la prise en charge des patients.

A la suite de cette décision, plusieurs écoles ont saisi le tribunal administratif de leur département et ont déposé une requête en référé-suspension. Sur les neuf écoles, trois ont obtenu gain de cause. Cependant, le 22 septembre, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, fait marche arrière et décide de délivrer un agrément provisoire d’un an aux neuf écoles concernées. Selon le communiqué du ministère, ces dernières devront "mettre en place les actions correctrices".

Un agrément provisoire qui pose question

Les écoles devront déposer un nouveau dossier en janvier 2022 pour demander le renouvellement de leur agrément pour les quatre prochaines années. Ni la DGOS, ni le ministère que nous avons contactés n’ont souhaité commenter cette nouvelle décision au-delà de leur communiqué qui justifie ce revirement en expliquant qu’il en va du bon déroulement de l’année scolaire 2021/2022. En effet, la décision du 22 juillet avait obligé de nombreux étudiants à changer d’établissement, voire de région en catastrophe, juste avant la rentrée.

Le communiqué du ministère précise donc que "malgré une mobilisation de l’ensemble des acteurs pour augmenter le nombre d’ostéopathes des écoles agréées et un accompagnement des étudiants ne pouvant poursuivre leur formation dans les écoles n’étant plus agréées, les conditions n’apparaissent pas aujourd’hui réunies pour réussir la rentrée dans de bonnes conditions."

Une motivation que ne comprend pas Philippe Sterlingot, président du syndicat français des ostéopathes (SFDO) et membre de la commission consultative nationale d’agrément (CCNA) : "Ce n’est pas vrai. Il y avait de la place dans les écoles puisque début août, il y a eu une augmentation de la capacité transitoire pour pouvoir accueillir les étudiants", affirme-t-il. Selon lui, la marche arrière du ministère est due à des pressions exercées notamment par les écoles dont l’agrément a été refusé : "il est regrettable que le gouvernement français ait ployé sous la pression politique", déplore-t-il.

Conflits d’intérêt et impartialité de la CCNA ?

Les écoles concernées par la perte de l'agrément dénoncent pour leur part une mise en concurrence des établissements : "On se demande ce qu’il se passe dans le domaine de l’ostéopathie. D’un côté on nous refuse l’agrément et de l’autre des écoles demandent des extensions de place et l’obtiennent sur un simple coup de fil... Il y a deux poids, deux mesures et cet état de fait est inadmissible", déclare Armand Gersanois, directeur de l’école d’ostéopathie OSCAR à Strasbourg.

"Le décret [décret du 12 septembre 2014 relatif à l'agrément des établissements de formation en ostéopathie ndlr] n’a pas évolué depuis 2014, les conditions demandées sont toujours les mêmes. Pourquoi une école qui a respecté les conditions à deux reprises, se voit soudainement refuser son agrément", s’interroge pour sa part Hachim Fadili, avocat au Barreau de Paris et conseil du centre d’ostéopathie Atman.

Plusieurs écoles font également état de pressions voire "d’intimidation" pour pousser les étudiants à s’inscrire rapidement dans les écoles concurrentes : "C’est une campagne d’instrumentalisation, on a perdu des étudiants et ça a des conséquences sur notre image", s’indigne Georges Lendel, directeur du centre d’ostéopathie Atman.

Au cœur de ces tensions : le manque d’impartialité présumé de la commission consultative nationale d’agrément (CCNA) et l’influence présumée du président du SFDO (syndicat français des ostéopathes) et de l’UPO (Union pour les ostéopathes), Philippe Sterlingot. Ce dernier est également membre de la Commission consultative nationale d’agrément (CCNA) et, selon sa déclaration publique d’intérêts, il enseigne également le droit et la déontologie dans huit établissements de formation à l’ostéopathie.

Ainsi, dans son ordonnance du 13 septembre 2021, le Tribunal administratif de Strasbourg a pointé une possible situation de conflit d’intérêt. Philippe Sterlingot s’en défend : "Je n’ai pas rapporté les dossiers des écoles où je donne quelques heures de cours, ni participé aux délibérations. Je me suis déporté partout où on aurait pu penser qu’il pourrait y avoir conflits d’intérêts", affirme-t-il. Armand Gersanois insiste : "Ce n’est pas l’Institution (CCNA) qui est critiquable mais son fonctionnement. Je ne souhaite pas attaquer la commission mais simplement rétablir l’équité", affirme-t-il.

Mise en place d’audits en présentiel

Dans son communiqué le ministère des solidarités et de la santé indique également le lancement d’une "mission de l’inspection générale des affaires sociales (…) afin d’étudier le cadre réglementaire de ces écoles, les conditions de délivrance des agréments, l’exercice professionnel ainsi que la cible démographique de ces professionnels". Une initiative qui va dans le sens de la mise en place d’audits en présentiel souhaités par les différents acteurs. Des contrôles in situ, dans toutes les écoles, qui permettraient une meilleure appréciation des différentes formations.

Car l’enjeu, au fond, c’est l’avenir de la formation en France alors que, selon un rapport du registre des ostéopathes, le nombre d’ostéopathes est passé de 11.600 en 2010 à plus de 34.000 en 2020. "En tant que syndicat, nous pensons que l’avenir est relié à la qualité de la formation c’est pour ça qu’on est engagé dans ce combat. Si la formation n’est pas bonne, la profession mourra", persiste Philippe Sterlingot. Des propos nuancés par d’autres acteurs, qui en plus de défendre l’enseignement dispensé dans leurs écoles, s’inquiètent surtout du poids croissant de grands groupes financiers dans le secteur.

Sara Saidi | Publié le