Pourquoi les business schools se mettent aux horaires aménagés

Étienne Gless Publié le
Pourquoi les business schools se mettent aux horaires aménagés
Amphi d'étudiants à Toulouse Business School © TBS // © 
Plusieurs business schools aménagent les horaires et les plannings pour permettre à leurs élèves de mieux concilier études et emploi. Une réponse au nombre grandissant d'étudiants en difficulté financière et un argument marketing pour se différencier. Décryptage.

"Nous voulions lutter contre l'absentéisme et éviter des drames." Pour Isabelle Assassi, directrice du programme grande école de TBS (Toulouse Business School), il y avait urgence. La business school ne comptait plus les nombreux cas d'étudiants qui, à force de s’absenter, échouaient aux examens et contrôles, et devaient finalement redoubler leur année. "C’était un cercle vicieux. Certains devaient repayer une année de scolarité alors qu’ils étaient déjà dans une situation financière délicate et risquaient, de surcroît, de perdre leurs bourses", déplore Isabelle Assassi.

À la rentrée 2013, la direction a donc décidé de mettre en place deux sections à horaires aménagés pour favoriser l'accès des étudiants en difficulté financière à ses programmes. 70 étudiants de première année, dont 50 salariés, en bénéficient actuellement : leurs 20 heures de cours hebdomadaires sont tout simplement concentrées sur les matinées. Leurs après-midi sont libres et peuvent être proposés comme créneau disponible à un employeur potentiel. "Notre dispositif a déjà permis de stopper la spirale de l'échec !", estime Isabelle Assassi.

Répondre à une demande sociale croissante

Sur le campus de Kedge à Marseille, le dispositif d'aménagement des horaires pour les étudiants salariés du programme grande école a été mis en place dès 2010. Ici, pas de section spécifique mais des cours proposés plusieurs fois dans la même journée pour permettre à l'étudiant de choisir la tranche horaire la plus compatible avec son activité salariée.

Concrètement, "si un élève travaille en journée du lundi au jeudi, il pourra prendre ses cours de 17h30 à 21h30, explique Nathalie Hector, responsable du PGE à Kedge. Cela évite d'avoir le schéma classique du cours de compta à un horaire unique pour tous". Un planning à la carte qui répond à une demande sociale : Kedge estime en effet que 15% de ses étudiants travaillent. "Petits ou grands boulots, ils sont plus nombreux chaque année à devoir  jongler avec plusieurs emplois du temps pour étudier et travailler afin de financer leurs études", diagnostique Nathalie Hector. Pour l'école, proposer cette souplesse du cursus doit permettre de cultiver la diversité sociale.

À l'EM Strasbourg, en revanche, pas de dispositif spécifique, mais l'administration examine d'un œil bienveillant les demandes individuelles. "On les traite au cas par cas. Le seul critère, c'est de justifier d'un contrat de travail d'au moins 10 heures de travail hebdomadaires", explique Marie Pfiffelmann, responsable pédagogique de première et deuxième années. Cette condition remplie, l'étudiant salarié peut voir ses horaires aménagés : changement de groupe pour les TD et TP, dispense d'assiduité quand il y a impossibilité absolue… Et de citer l'exemple d'un élève qui finit ses cours au plus tard à 17h de manière à pouvoir enchaîner sur son job de veilleur de nuit à 18h. Ou celui d'une étudiante qui, travaillant le vendredi et le samedi, a pu bénéficier de cours de langues décalés pour être libérée en fin de semaine. 

En tout, une quinzaine d'étudiants de l'EM Strasbourg sont concernés. "C'est plus que l'an passé, mais on a aussi davantage d'élèves", précise Marie Pfiffelmann. La direction de l'école ne cache cependant pas que ces aménagements sont compliqués à gérer. "Il faut jongler avec les emplois du temps respectifs. Mais nous devons en tenir compte car, hélas, c'est un phénomène qui est amené à se développer : de plus en plus d'étudiants doivent travailler pour financer leurs études", constate la responsable du programme grande école. L'OVE (Observatoire de la vie étudiante), dans son enquête 2013, note que 19% des étudiants exercent une activité rémunérée "concurrente" ou "très concurrente des études", contre 16% en 2010.

Il faut jongler avec les emplois du temps respectifs. Mais nous devons en tenir compte car, hélas, c'est un phénomène qui est amené à se développer (M.Pfiffelmann)

Professionnaliser un parcours d'étudiant en bachelor

À Novancia, la création d'un dispositif étudiants-salariés pour les élèves inscrits au Bachelor répond à une logique un peu différente. Ici, il s'agit de proposer une immersion professionnelle en première et deuxième années. "Cela permet à une vingtaine de nos étudiants de teinter leur CV d'expérience professionnelle dès le début de leurs études supérieures", explique Damien Foreterre, le responsable du Bachelor de l'école. "C'est un peu l'antichambre de l'apprentissage en deuxième ou troisème année".

La business school a lancé l'expérimentation à la rentrée 2012 : les étudiants peuvent choisir de n'avoir cours que le matin pour travailler en entreprise l'après-midi. Ils doivent justifier d'un contrat de travail de 15 à 25 heures hebdomadaires maximum. Ils bénéficient d'un accompagnement personnalisé par un tuteur au sein de l'école et d'un référent en entreprise. Et cette expérience professionnelle est prise en compte dans leur évaluation. Outre le besoin de travailler exprimé par les étudiants, le dispositif répond aussi à une demande des entreprises. L’école se porte garante du planning des étudiants et de la coordination pour éviter les chevauchements d’emplois du temps et, notamment, les absences pour cause d’examen.

À partir de la rentrée 2014, Novancia va ouvrir son dispositif étudiants-salariés en première année du Bachelor, et rendre l'apprentissage possible en deuxième. En termes de stratégie marketing et communication, l'école entend mettre ainsi en avant l'aspect très professionnalisant de sa formation, avec une immersion en entreprise qui peut courir sur trois ans.

Le fait que nous facilitions le cumul emploi-études est devenu un critère de choix de notre école pour certains étudiants (I. Assassi)

Offrir un critère différenciant de choix de l'école

Faciliter le cumul emploi-études deviendrait-il un argument marketing pour convaincre des candidats hésitant entre deux établissements ? "Oui, c'est devenu un critère de choix de notre école pour certains étudiants", admet Isabelle Assassi à TBS.

"J'ai passé l'été à étudier les aides et les aménagements proposés avant de choisir ma business school", témoigne Zohra Azzouz. L'étudiante doit travailler pour financer ses études et a intégré en 2013 TBS, après avoir hésité avec Montpellier. "Sup de Co Montpellier avait un gros avantage : l'exonération des frais de scolarité sous réserve de critères sociaux et de résultats d'admission au concours." Mais Zohra Azzouz a finalement préféré TBS, mieux classée sur le plan académique : "J'aurai une palette de débouchés plus large en sortant diplômée de TBS", estime-t-elle.

En attendant, Zohra doit financer les 30.000 € que lui coûte sa scolarité. Le prêt étudiant qu'elle a contracté n'y suffit pas. "J'ai obtenu moins que je ne voulais, donc je dois travailler : baby-sitting, agent recenseur, aide aux devoirs... Quand j'ai appris l'existence des sections à horaires aménagés, cela m'a confortée dans mon choix de venir à TBS. C'est vraiment une très bonne initiative."

Pour la directrice de l'école, aucun doute : le cas de Zohra est loin d'être isolé, et risque de l'être de moins en moins. "Compte tenu de la profonde crise qui frappe bon nombre de ménages français, les parents et les étudiants pourront être amenés, à qualité égale perçue, à choisir plutôt une école proposant des solutions permettant de travailler en parallèle des études", prévoit Isabelle Assassi. La business school toulousaine s'apprête d'ailleurs à ouvrir, à la rentrée 2014, deux nouvelles sections supplémentaires à horaires aménagés.

Étienne Gless | Publié le