Réforme des études de santé : vers une suppression des PASS au profit seulement de L.AS ?

Pauline Bluteau Publié le
Réforme des études de santé : vers une suppression des PASS au profit seulement de L.AS ?
adobe études pass/las // ©  Robert Kneschke/AdobeStock
Deux ans après la mise en place de la réforme du premier cycle des études de santé (R1C), certaines universités envisagent de supprimer définitivement les PASS pour ne conserver que les L.AS. Simple tendance, bruits de couloirs ou réelles réflexions ?

Les universités ne sont pas toutes du même avis concernant la réforme des études de santé. Encore moins quand il s'agit de la mise en place des PASS (parcours spécifiques accès santé) et des L.AS (licences avec option "accès santé"). Ou plutôt, lorsqu'il s'agit de revenir sur le système actuel pour supprimer définitivement le PASS.

Côté universités, il y a donc celles qui se sont déjà emparées du sujet, celles qui ont attendu, celles qui hésitent encore et celles qui ne sont pas prêtes à se lancer…

Une réforme des études de santé complexe et difficile à gérer

Certains disent qu'elle a été précipitée, d'autres pointent le contexte sanitaire qui n'a rien facilité, mais tous finissent par s'accorder pour dire que oui, la réforme du premier cycle des études de santé est loin d'être une promenade de santé.

Deux ans que la PACES (première année commune aux études de santé) a été supprimée au profit des PASS et des L.AS mais depuis 2020, les universités ont encore du mal à sortir la tête de l'eau. "C'est un système qui est assez compliqué à gérer, surtout en termes d'emplois du temps", souligne Stéphane Azoulay, vice-président Formation à l'université Côte d'Azur.

"La réforme est assez difficile à expliquer aux étudiants mais encore plus aux parents car c'est un changement complet de paradigme pour accéder aux études de santé", complète Elie Serrano, le doyen de la faculté de médecine à l'université Toulouse 3-Paul Sabatier.

Très vite, ce sont presque deux systèmes qui se sont opposés. En forçant le trait, on considère que le PASS est réservé aux étudiants sûrs de vouloir s'orienter vers le domaine de la santé, des étudiants scientifiques parmi les meilleurs, de l'autre, la L.AS, pour les indécis qui veulent prendre plus de temps pour se décider en complétant leur parcours avec une autre discipline-phare parfois loin de la santé.

Ces profils pluridisciplinaires sont justement attendus par les universités : "La réforme devait lutter contre l'échec et diversifier les profils, c'était une nécessité. Je pense qu'il ne faut pas opposer les deux systèmes, ils sont plutôt complémentaires et bénéfiques", constate le doyen toulousain.

Sortir d'un modèle élitiste tout en gardant les meilleurs élèves

Pourtant, dès la rentrée 2020, certaines universités ont fait le choix de ne conserver qu'un seul système, celui des L.AS. Emmanuel Touzé, doyen de l'UFR Santé à l'université de Caen Normandie n'a pas hésité, même si ce choix a pu paraître "brutal". "Avec le double système, les bons étudiants ont tendance à aller en PASS, qui ressemble beaucoup à la PACES. Or, le sens de la réforme allait plutôt vers les L.AS."

Dans les faits, il semble bien que la comparaison entre PASS et L.AS a joué en défaveur des L.AS. Ce parcours a suscité beaucoup d'incompréhensions chez les étudiants notamment quant à leur capacité à bien conserver deux chances pour accéder aux filières MMOPK.

À l'université Côte d'Azur - tout comme à l'université de Reims Champagne-Ardenne -, le PASS ne sera plus proposé à partir de la rentrée 2022, fruit d'un an de réflexion. "Nous pensons que les deux systèmes créent de l'iniquité chez les étudiants car les programmes ne sont pas les mêmes."

L'université propose désormais huit L.AS (droit, éco-gestion, sciences et technologies, STAPS, psychologie, histoire, lettres, sciences de la vie) tout en proposant un enseignement en santé commun à tous les étudiants. "En ne misant que sur les L.AS, nous attendons une meilleure gestion au quotidien, une UE santé plus homogène et plus facile à coordonner entre nos huit parcours."

Selon Nicolas Lerolle, président du comité national de pilotage de la réforme des études de santé, d'autres arguments peuvent entrer en jeu. À commencer par la stratégie d'orientation des étudiants. "Avec les L.AS, on a un système qui inclut, c'est beaucoup plus intéressant pour les étudiants qui peuvent aussi se préparer à autre chose qu'aux études de santé."

Certaines L.AS, comme la physique-chimie, peuvent aussi être plus pertinentes qu'un PASS pour poursuivre vers des études de pharmacie. Aussi, des étudiants qui ne s'étaient peut-être pas destinés de prime abord aux études de santé pourront y accéder. De quoi, une nouvelle fois, diversifier les profils.

À Toulouse 3, au contraire, le doyen ne semble pas prêt de changer d'avis. Les deux systèmes doivent perdurer, aussi pour se laisser la possibilité de conserver des profils plus scientifiques. Mais pour d'autres acteurs, conserver le PASS, c'est aussi garantir l'encadrement des enseignements de santé aux facs de médecine. En interne, la réforme des études de santé et la volonté de conserver à tout prix le PASS serait aussi une affaire d'égo, certains le reconnaissant à demi-mots. Faux, selon Elie Serrano : "Il y a eu des expérimentations avant la réforme, c'est comme ça qu'est né le PASS, il n'a jamais été remis en question."

Réforme des études de santé : une décision collective, portée par toute l'université

Car finalement, présidents d'université et doyens aiment à le répéter : la réforme des études de santé n'est pas seulement l'affaire des UFR de médecine, il s'agit bien de la réforme des universités. "Il a pu y avoir des réticences de la part des doyens ou d'autres collègues des UFR santé et hors-santé, il a fallu convaincre", assure Michèle Cottier, ancienne présidente de l'université Jean Monnet à Saint-Etienne et désormais chargée d'accompagner la réforme des études de santé au ministère de l'Enseignement supérieur.

Tous s'accordent à dire que le collectif est nécessaire pour que la réforme des études de santé fonctionne. "Elle implique une grande coopération car les autres UFR acceptent de nombreux étudiants en première année, or, l'objectif est que ces bons étudiants partent ensuite dans l'UFR santé, cela peut être mal vécu", considère Emmanuel Touzé. Dans son université à Caen, les UFR ont établi un autre constat : les étudiants en L.AS "tirent la promotion vers le haut". Un avis visible aussi au niveau national par Michèle Cottier. "Ce sont de bons étudiants et ils mettent une bonne dynamique dans la licence. Les enseignants ont été surpris de leur côté très travailleurs. Ils y voient un vrai intérêt à les avoir en L.AS."

Comme l'explique la chargée de mission, dans l'ancien système, ces bons élèves, qui seraient alors partis en PACES, auraient peut-être fini par quitter l'université s'ils n'avaient pas eu leur concours d'accès aux études de santé. Ce qui n'est plus le cas avec la L.AS qui mène de toute façon jusqu'au niveau licence et permet donc de se réorienter plus facilement. Avec un an de recul, Emmanuel Touzé l'assure, ses étudiants en L.AS 2 sont "largement aussi bons" que les redoublants de PACES.

Les L.AS, un parcours à surveiller de près

Mais pas de quoi confirmer que toutes les universités vont bel et bien passer au tout L.AS. "Il est vrai que plusieurs universités se questionnent mais nous manquons de recul pour savoir si un parcours est mieux que l'autre", estime Nicolas Lerolle, également doyen de l'UFR Santé de l'université d'Angers.

Michèle Cottier tient aussi à rassurer. Selon elle, il n'y a aucune obligation à supprimer les PASS. "Comparer les établissements n'est pas pertinent. Les universités sont autonomes, cela ne veut pas dire que c'est la jungle, la réforme donne simplement cette latitude pour faire son choix. Il y a beaucoup de discussions pour partager les expériences."

Et si la question financière ne semble pas peser dans la balance pour les universités (les PASS étant nettement moins onéreux que les L.AS du fait de l'absence de TD/TP notamment), c'est plutôt l'avenir des L.AS qui est passé au crible. "Se pose la question de la réussite en L.AS 2 et 3, les étudiants auront-ils de bonnes conditions pour accéder en deuxième année MMOPK ?", s'interroge Michèle Cottier.

Les moyens vont en effet devoir se déployer pour accompagner les étudiants en deuxième année de L.AS dont certains viendront de L.AS 1 et d'autres d'un PASS. Les universités devront également composer avec les étudiants en deuxième année de médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et kiné, qui n'auront pas tous suivi exactement les mêmes enseignements. La question a déjà commencé à être abordée dans les universités dès la rentrée 2021.

Autre tendance à suivre, la montée en puissance des licences Sciences pour la santé que certains établissements souhaitent encourager. La mention attire de plus en plus d'étudiants en L.AS Sciences pour la santé, au risque de devenir la nouvelle PACES/PASS… C'est en quelque sorte le modèle choisi par l'université de Strasbourg.

Seul point de vigilance : les débouchés professionnels qui découlent de cette licence. "Il faut pouvoir anticiper les poursuites d'études, ne pas amener les étudiants dans l'impasse en cas de non-admission en MMOPK…", souligne Michèle Cottier. Comme le PCEM et la PACES avant le PASS, la L.AS ou la licence Sciences pour la santé, aucun système n'est parfait donc…

Pauline Bluteau | Publié le