Accueil des réfugiés : les universités déjà mobilisées se fédèrent en réseau

Catherine de Coppet Publié le
Accueil des réfugiés : les universités déjà mobilisées se fédèrent en réseau
Le réseau milite pour une pérennisation de l'accueil des réfugiés au sein des universités. Ce qui nécessite, selon lui, l'inscription de ce sujet dans les missions des établissements. // ©  Gilles Rolle/REA
Constitué mi-septembre 2017, le réseau MEnS (Migrants dans l'enseignement supérieur) réunit 40 établissements impliqués dans l'accueil de migrants. Ensemble, ils entendent porter une parole politique sur le sujet. Entretien avec Mathieu Schneider, vice-président de l'université de Strasbourg et coordinateur général du réseau.

Mathieu Schneider, vice-président de l'université de Strasbourg, coordonne au niveua national le réseau MEnSComment l'idée de ce réseau est-elle née ?

C'est un long processus. Après les deux premières réunions organisées en 2016 par le ministère alors dirigé par Thierry Mandon, j'avais appelé à la tenue d'un séminaire sur le sujet de l'accueil et de l'information des migrants par les universités, réunissant tous les établissements qui se sentaient mobilisées, ainsi que leurs partenaires.

Ce séminaire, qui s'est tenu en mars 2017 à Strasbourg, a donné lieu à une première déclaration commune, qui appelait la constitution d'un réseau. C'est chose faite depuis le 15 septembre. Ce réseau, soutenu par la CPU (Conférence des présidents d’université, réunit actuellement 40 établissements (38 universités et deux écoles), dont 35 ont d'ores et déjà mis en place un dispositif d'accueil pour les migrants.

Le choix du terme "migrants" dans l'intitulé du réseau est-il important ?

L'idée est d'une part de signifier que l'université n'a pas à se substituer au ministère de l'Intérieur pour déterminer le statut administratif des personnes qui fuient leur pays : les dispositifs existant à l'université sont voués à accueillir les demandeurs d'asile et les réfugiés, qu'ils soient étudiants ou chercheurs. Le terme de "réfugié", qui renvoie à une situation administrative bien précise, était trop restreint.

Quel est l'objectif de MEnS ?

Avant tout de mener une action politique auprès des pouvoirs publics, afin de les alerter sur la situation de ces populations et construire les réponses à apporter. À l'origine, ce sont de leur propre chef, et sans deniers supplémentaires, que les universités ont créé des dispositifs d'accueil.

Thierry Mandon, qui soutenait clairement ces initiatives, a réussi à à mobiliser, avec l’AUF (Agence universitaire de la francophonie), un réseau de partenaires qui ont débloqué une enveloppe de 400.000 euros. Celle-ci a été redistribuée par l'AUF aux établissements engagés, avec des montants allant de 5.000 à 10.000 euros. 

Quand on connaît le coût de l'accueil des étudiants migrants en FLE (français langue étrangère), ces montants demeurent insuffisants. À l'université de Strasbourg, nous avons ainsi accueilli 100 personnes en 2016-2017, pour un budget de 90.000 euros, dont 60.000 tirés de nos fonds propres ! Les dispositifs existants ont souvent été montés dans l'urgence, en s'appuyant aussi sur la solidarité des personnels. Si nous voulons pérenniser cet accueil, il doit être inscrit dans les missions des universités, et traduit dans le budget et les ressources humaines.

Qu'attendez-vous précisément du gouvernement ?

Nous attendons des réponses aux questions suivantes : soutient-il les initiatives menées ? Prévoit-il d'apporter des aides financières ? De mener des réformes réglementaires pour faciliter la situation administrative de ces personnes ? Aujourd’hui, les statuts d'étudiant et d'allocataire du RSA (Revenu de solidarité active) sont incompatibles : les personnes devenant étudiantes abandonnent souvent rapidement leurs études afin de pouvoir bénéficier des aides sociales. Ce problème ne peut être réglé que par une volonté politique : certains départements accordent des dérogations dans l'attribution du RSA, mais un changement réglementaire pourrait être opéré au niveau national.

Les dispositifs existants ont souvent été montés dans l'urgence, en s'appuyant aussi sur la solidarité des personnels.

Comment le réseau travaillera-t-il dans les prochaines semaines ?

Nous avons organisé quatre groupes de travail, afin que les problèmes rencontrés au quotidien par les établissements puissent être partagés, et de porter une parole commune sur ces sujets : le FLE pour les migrants et l’accès aux études, la validation des acquis et la reconnaissance des diplômes, la coordination de l’action avec les partenaires institutionnels et associatifs (aux niveaux local et national) et, enfin, l’accueil et l'accompagnement des chercheurs dans les établissements et organismes.

Nous souhaitons aussi consolider les données relatives aux populations d’étudiants et de chercheurs migrants en France, même si nous n'avons pas actuellement les moyens de nous doter d'un véritable observatoire ! Cela pourrait être pris en charge au niveau de l’administration centrale. Enfin, une part du travail consistera à mettre en lumière les initiatives menées dans les universités et à mieux coordonner les actions entre les différents acteurs (établissements, État, services sociaux, associations, etc).

Vous insistez sur l'importance de mener une action à l'international. Que voulez-vous dire ?

La France n'est pas la seule concernée par la question de l'arrivée des migrants. Le rôle des universités doit s'inscrire dans une réflexion au niveau européen, par exemple sur le "fléchage" du programme Erasmus + sur la question des migrants.

En outre, il faut absolument rétablir la coopération avec les pays en guerre et les pays limitrophes. En Syrie et en Irak, malgré une situation très compliquée, des universités continuent tant bien que mal de former des étudiants : elles peuvent avoir l'impression d'être abandonnées du monde entier. Je crois qu'il faut préparer la paix, et permettre l'accueil de ces étudiants en mobilité. Nous devons participer aux réseaux internationaux sur ces questions.

Catherine de Coppet | Publié le