C. Bernault (université de Nantes) : "Nous avons demandé un rattrapage de 5 millions sur une trajectoire pluriannuelle"

Éléonore de Vaumas Publié le
C. Bernault (université de Nantes) : "Nous avons demandé un rattrapage de 5 millions sur une trajectoire pluriannuelle"
Carine Bernault, présidente de l'université de Nantes, fait le point sur la crise budgétaire de l'établissement. // ©  Francks Tomps/Nantes Université
Alors qu’elle souffle sa première bougie, Nantes Université, qui accueille quelque 42.000 étudiants, prévoit un lourd déficit budgétaire de 11 millions d’euros en 2023. En cause : la crise énergétique, qui grève cette année les finances de l’établissement, mais aussi une sous-dotation structurelle de l’État. Rencontre avec sa présidente, Carine Bernault.

Vous prévoyez un déficit de 11 millions à la fin de l’année pour Nantes Université, comment l’expliquer ?

Dans ce montant, il faut compter d’abord neuf millions liés à la crise énergétique. S’il est vrai que ce problème touche l’ensemble des universités de France, notre facture pourrait atteindre 15 millions, soit trois fois plus qu’en 2021 ! Ce, malgré des efforts réalisés pour réduire notre empreinte écologique depuis quelques années (raccordement au réseau de chaleur, renouvellement du parc d'éclairage, écogestes).

Carine Bernault
Carine Bernault © Alice Grégoire/université de Nantes

À cette crise conjoncturelle s’ajoutent également des difficultés structurelles. Nous souffrons notamment d’une sous-dotation chronique de l’État par rapport à des établissements de taille équivalente. Une conséquence de la mise en œuvre de la LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités) au début des années 2010 mais que nous ne parvenons plus à compenser aujourd’hui.

Si, sur les deux dernières années, l’État nous a accordé une enveloppe supplémentaire de 1,5 million, c’est une étape importante mais c’est loin d’être suffisant pour rééquilibrer notre budget en fin d’année. Nous aurions pu décider de diminuer la masse salariale, qui représente 80% de notre budget, mais nous nous refusons à le faire car cela reviendrait à dégrader les conditions d’études et de travail alors que la situation est déjà très tendue.

C’est pourquoi, nous avons demandé un rattrapage de 5 millions sur une trajectoire pluriannuelle afin de retrouver une petite marge de manœuvre.

Si vous obtenez ce rattrapage budgétaire, comment comptez-vous l’investir ?

Très concrètement, aujourd’hui, nous avons deux priorités en interne : d’une part, la revalorisation du régime indemnitaire des personnels BIATSS, incontournable pour enrayer la perte d’attractivité et l’augmentation du nombre de départs. Cette mesure, qui représente un budget de 1,5 million, produira effet en 2023 et jusqu’à la fin du mandat.

Nous souffrons notamment d’une sous-dotation chronique de l’État par rapport à des établissements de taille équivalente.

D’autre part, nous avons ouvert un chantier concernant la répartition des moyens au sein de l’établissement. Grâce aux nouveaux moyens que nous pourrons obtenir, nous soutiendrons les composantes les moins bien dotées, dont la faculté de droit et le département de philosophie font partie.

La situation actuelle vous inquiète-t-elle ?

Bien sûr qu’elle me préoccupe, d’autant que nous avons déjà épuisé toutes les solutions possibles pour faire des économies. Sur le terrain, la situation se détériore. Nos personnels administratifs et enseignants-chercheurs ont beau être extrêmement engagés, ils sont à bout. Leur demander d’en faire plus serait inaudible, et je m’y refuse.

Nos personnels administratifs et enseignants-chercheurs ont beau être extrêmement engagés, ils sont à bout.

Réduire nos capacités d’accueil ? Cela sera le cas pour la faculté de droit à la rentrée prochaine qui aura 50 places en L1 en moins. Personne ne souhaitait en arriver là. La vocation d’une université publique n’est-elle pas d’accueillir le plus grand nombre d’étudiants ?

Ce déficit va-t-il vous conduire à faire l’impasse sur certains projets cette année ?

Non pas forcément. C’est d’ailleurs là le paradoxe de notre établissement : si nous ne parvenons pas à assurer certaines missions premières du fonctionnement de notre établissement, nous ne manquons pas de dotations pour mener à bien d’autres projets.

À ce dernier titre, nous sommes dans une vraie dynamique de développement, à travers des actions qui concernent à la fois l’université européenne, l’I-site Nantes Excellence Trajectory (Next) ou l’expérimentation Pôle universitaire d’innovation (PUI). Mais, parce qu’ils sont fléchés, ces moyens ne peuvent pas nous permettre de combler le déficit structurel.

Si nous ne parvenons pas à assurer certaines missions premières du fonctionnement de notre établissement, nous ne manquons pas de dotations pour mener à bien d’autres projets.

Notre système de financement manque cruellement de porosité. Heureusement, nous bénéficions aussi du soutien de nos collectivités. Côté ressources propres, nous faisons aussi partie des universités les plus actives sur ce terrain-là, avec plus de 30% de notre budget alimenté par ce biais. Mais n’oublions pas que nous sommes un service public, et en tant que tel, l’État doit mettre la priorité dans ces choix budgétaires sur l’enseignement supérieur et la recherche.

Éléonore de Vaumas | Publié le