"Nous voulons développer des programmes conjoints visibles et attractifs, pour garantir la mobilité étudiante et contrer la fuite des cerveaux", a déclaré la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau, à l'ouverture du Campus des universités européennes, qui s’est tenu jeudi 30 juin à Versailles.
Sélectionnées en 2018 et 2019, les 41 alliances d’universités européennes déjà financées impliquent 294 établissements d’enseignement supérieur dans 32 pays et représentent 7 millions d’étudiants, soit 18% des étudiants européens. L’objectif est d’atteindre 60 universités européennes en 2025.
Nouvelle phase d’expérimentation
Après une phase pilote de quatre ans, les alliances entrent dans une nouvelle phase à partir de cet été. Parmi les défis qui les attendent : la création d'un diplôme européen reconnu dans toute l'Union européenne, par les établissements mais aussi sur le marché du travail. Clément Beaune, ministre délégué chargé de l’Europe, a rappelé l'importance de ce point et appelé à des moyens supplémentaires lors de la clôture du Campus des Universités européennes.
Les diplômes conjoints sont un premier pas, mais il faut désormais passer le cap des diplômes européens, plaide Sébastien Thierry, directeur par intérim de l'Agence Erasmus+ France : "Pour le symbole, mais aussi car les universités européennes seront une réalité tangible pour les étudiants à partir du moment où il y aura un diplôme européen".
Pour lui, un tel diplôme viendrait entériner une réalité déjà existante à travers des expérimentations comme les masters conjoints Erasmus Mundus.
S’inspirer des masters Erasmus Mundus
L’expérimentation du label "diplôme européen" s’appuiera d’ailleurs sur l’expérience des masters conjoints Erasmus Mundus. En effet, 63% des établissements d’enseignement supérieur français engagés dans les universités européennes participaient depuis plusieurs années à ces masters.
Depuis leur création en 2005, 30.000 étudiants ont profité de ces diplômes. "Ces diplômes ont une plus-value pédagogique mais aussi culturelle et personnelle, car les étudiants sont dans une promotion qui passe par deux à trois pays", explique Mathilde Begrand, responsable du pôle enseignement supérieur de l'agence Erasmus+ France.
Même son de cloche du côté de Patrick Lévy, représentant de France Universités, pour qui les diplômes Erasmus Mundus sont un "bon modèle". "A l'Université de Grenoble, nous avions lancé un Erasmus Mundus sur les biotech qui faisait venir des étudiants internationaux des partenaires. Et ce diplôme avait un réel apport vis-à-vis des employeurs. Les étudiants qui sortent de ce diplôme sont facilement embauchés", affirme-t-il.
Le diplôme européen ferait une différence de taille : il ne sera pas cantonné aux masters mais reconnaîtra aussi les licences et les doctorats. "Nous passons de l’excellence à l’inclusion", pointe Sébastien Thierry. Il s’agira également d’un élargissement du marché du travail pour les étudiants titulaires de ce diplôme.
Lever les freins législatifs
Le frein principal à l'élaboration des diplômes communs est législatif, puisque l'Union européenne n'a pas le droit de délivrer des diplômes. Pour Luciana Radut-Gaghi, vice-présidente de CY Cergy Paris Université en charge de l’alliance Université européenne EUTOPIA, les réglementations nationales mais aussi les systèmes d’accréditation de chaque pays sont perçus comme un véritable chantier à part entière. "Les processus d’évaluation de la qualité des programmes diffèrent d’un éco-système à l’autre", précise-t-elle.
Et c'est dans ce contexte, que la Commission européenne a présenté le 15 juin un appel à projet Erasmus+ de deux millions d’euros pour expérimenter le label "diplôme européen" pour les diplômes conjoints. La phase d’expérimentation sera lancée en février ou mars 2023 pour un an.
Pour Juan Rayón, président du European student network (ESN), cela devrait susciter une prise de conscience sur l'importance de changer la législation. "La labellisation améliorera aussi la reconnaissance de ces diplômes. Cela prouvera leur engagement à respecter des critères de qualité", souligne-t-il.
"Nous devons améliorer la reconnaissance automatique des diplômes dans l'Union européenne pour que les étudiants puissent naviguer entre les universités. Il faut aller plus loin que le processus de Bologne", affirme aussi le président du ESN.
Lancer des expérimentations
Cet appel à projets est particulièrement bien accueilli. "Tout comme les universités européennes sont des expérimentations en cours, le diplôme européen doit faire l’objet d’expérimentation. C’est ainsi qu’on parviendra, j’espère rapidement, à un dispositif robuste pour construire l’Europe de l’enseignement supérieur", affirme Sébastien Thierry.
"L’idée d’expérimentation me paraît juste géniale", ajoute Thierry Coulhon, président du Hcéres (Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur). D’abord, car elle permet de trouver des solutions auxquelles nous n'aurions pas pensé a priori. Mais aussi car c'est un moyen de bâtir de la conviction".