J. Bianco (APLCPGE) : "Nous ne céderons pas sur l'exigence des filières de prépas"

Agnès Millet Publié le
J. Bianco (APLCPGE) : "Nous ne céderons pas sur l'exigence des filières de prépas"
Le lycée Louis le Grand, symbole de l'exigence des classes prépas. // ©  Baptiste Fenouil/REA
Président de l’Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles (APLCPGE), Joël Bianco a été réélu en janvier 2023. Le proviseur du lycée Louis-le-Grand à Paris nous explique ses priorités pour les prépas, son analyse de leur avenir et enjeux dans un paysage qui change. Il revient aussi sur le congrès des 20 et 21 janvier, durant lequel ont été célébrés les 30 ans de l'association.

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Vous êtes président de l'APLCPGE depuis mai 2022. Quelles sont vos missions ?

Mon premier mandat a commencé il y a moins d'un an. J'ai été élu après une période de changements pendant laquelle - entre 2020 et 2022 - trois présidents m'ont précédé à la tête de l'association. Tout en restant dans leur continuité, il fallait donc relancer la dynamique.

Joël Bianco APLCPGE
Joël Bianco APLCPGE © Photo fournie par le témoin

Par ailleurs, les liens étaient distendus après une période de Covid compliquée et j'ai consulté chacun de nos correspondants académiques, pour avoir leurs remontées du terrain. Ces dernières ont notamment été utiles pour dialoguer avec les instances qui nous sollicitent, comme le ministère de l'Enseignement supérieur et la Conférence des grandes écoles (CGE).

Quel était l'objectif du congrès que l'APLCPGE a organisé en janvier 2023 ?

Le congrès des 20 et 21 janvier est le premier que nous avons organisé en présentiel depuis 2020. Malgré les difficultés logistiques liées aux mouvements sociaux du 19 janvier, près de 70 proviseurs ont répondu présents. Il y avait une envie de se retrouver, notamment lors des ateliers d'échanges de pratiques. Nous sommes repartis sur des bases solides.

Nous avons aussi organisé notre assemblée générale et choisi le conseil d'administration, qui a élu les 12 personnes du bureau que je préside (voir encadré).

Et pendant la journée, nous avons organisé une table ronde sur le thème "Quelles classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) demain ?" Un temps d'échange très éclairant notamment sur l'avenir de la prépa économique et commerciale, voie générale (ECG), puisque le ministère a lancé une réflexion pour faire évoluer la filière, réformée en 2021.

La question de l'attractivité des prépas est aujourd'hui centrale...

Oui, en effet et il y a eu des beaucoup de discussions autour de la question de l'attractivité. Surtout en prépa ECG où l'on constate depuis quelques années des problèmes d'effectifs. Certains proviseurs redoutent des fermetures mais l'atmosphère n'était pas à la panique.

Les ministères se sont saisis des difficultés des prépas ECG : cela montre que les pouvoirs publics tiennent aux classes prépa et veulent les pérenniser.

Au congrès, les proviseurs se sont aussi interrogés sur les causes et les solutions pour remédier à cette baisse d'effectifs.

Comment rendre les prépas plus attractives ?

Il faut mieux informer. Loin de moi l'idée de mener une guerre entre filières du supérieur : chacun a largement sa place. C'est une chance d'avoir un système avec des universités, des prépas, des cycles pluridisciplinaires d'études supérieures (CPES)... Et c'est ce que l'on défend : les jeunes doivent pouvoir faire un choix éclairé, adapté à leurs aspirations.

Or, certains ont un manque d'information et donc d'orientation car ils n'entendent jamais parler des prépas. Nous devons mieux nous faire connaître, d'abord via les professeurs de lycée, pour éviter l'absence d'information ou l'autocensure.

Les jeunes doivent pouvoir faire un choix éclairé, adapté à leurs aspirations.

Certes, les lycéens ressentent déjà une grande inquiétude face à Parcoursup et à la large palette de formations proposées. Mais il faut se réjouir de cette offre. Surtout que les formations fonctionnent de moins en moins en silo et qu'il existe des passerelles. Chaque lycéen doit décider en sachant qu'il a le droit de se tromper car ce n'est pas dramatique.

N'y a-t-il pas une concurrence grandissante avec l'ouverture de CPES et de bachelors, chaque année?

Les CPES, encore peu nombreux, se développent. Les prépas ne sont pas fermées à cela, puisqu'elles les construisent en partenariat avec les universités. C'est un point de rencontre entre les structures et une offre supplémentaire pour les lycéens. Je suis favorable au fait de réfléchir à des pistes nouvelles, mais sans qu'elles ne remplacent les prépas. Il ne faut pas supprimer quelque chose qui fonctionne.

Il est vrai que les bachelors nous concurrencent, particulièrement en prépa économiques. Mais ce n'est pas le seul élément de sa fragilisation. De plus, il est normal que les établissements imaginent de nouvelles formations. Encore une fois, nous ne devons pas être dans une logique de guerre dans laquelle l'un détruit l'autre. Nous devons bâtir des passerelles.

Il faut envisager des éléments de sécurisation des parcours pour que les élèves puissent capitaliser, notamment en CPGE éco. Les équivalences ECTS sont une chose, la diplomation en est une autre. Comme l'APHEC, l'attribution du grade de licence en première année d'école nous semble une piste de réflexion. Mais sous quelle forme ? Règlementairement, des obstacles existent, nous devons étudier ce qui est faisable.

Quelles sont les autres pistes pour étoffer les effectifs, en prépa éco mais aussi en prépa scientifiques?

Sans oublier les progrès réalisés en matière d'ouverture sociale, cette question doit rester une préoccupation pour aller chercher de nouveaux publics qui n'osent pas la prépa. Nous devons ainsi travailler sur la place des filles dans les filières scientifiques.

Le grand sujet commun, c'est l'image des prépas. Dans la presse, nous sommes en butte à des critiques caricaturales : ces filières seraient d'une dureté extrême et il y aurait de la brutalité à l'égard des jeunes. On nous dénigre en parlant d'élitisme, ainsi que d'un côté poussiéreux. Il faut répondre point par point.

Quand certains parlent de nos élèves, ils apparaissent comme des grands blessés. Oui, il y a des efforts à fournir. Mais cela peut être aussi un réel plaisir : les élèves atteignent des performances qu'ils n'imaginaient pas forcément. Dans le milieu artistique ou sportif, c'est un état d'esprit qui est valorisé et semble normal à tout le monde. Par ailleurs, nos équipes sont attentives et je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de filières où les jeunes soient aussi suivis et encadrés.

L'attribution du grade de licence en première année d'école nous semble une piste de réflexion.

Il y a aussi un effet de génération. Devant les possibilités d'études en France et à l'international, les jeunes s'interrogent et veulent donner du sens à leur choix : à quoi sert cette filière ? À quoi mène-t-elle ? Peut-être que nous pourrions systématiser la découverte du monde professionnel et faire venir davantage d'entreprises.

Plus généralement, nous devons explorer cette dimension, transversale à toutes les prépas, sans remettre en cause leur base et leur architecture. Car, telle qu'elle existe, elle est bien conçue et nous savons la faire bien fonctionner. Nous ne céderons pas sur l'exigence de nos filières.

Il est vrai que nous devons réfléchir au bien-être des élèves. Non pas que les nôtres soient malheureux mais parce que ce sujet est devenu majeur dans tout l'enseignement supérieur. Nous devons nous interroger sur la façon dont ils vivent leurs études. Et je serai attentif à ce que l'APLCPGE, en tant qu'association, les écoute.


Le bureau de l'APLCPGE 2023-2025

Président
: Joël Bianco, proviseur du lycée Louis-le-Grand (Paris)
Vice-présidente : Mireille Basso, proviseure du lycée Saint-Louis (Paris)
Vice-président : François Beckrich, proviseur du lycée Le Parc (Lyon)
Vice-présidente : Corinne Raguideau, proviseure du lycée Lakanal (Sceaux)
Secrétaire général : Philippe Tamisier, proviseur du lycée Berthollet (Annecy)
Secrétaire générale adjointe : Delphine Nibaudeau, proviseure du lycée Guez de Balzac (Angoulême)
Trésorier : Karim Zatar, proviseur du lycée De Saint-Just (Lyon)
Trésorière adjointe : Hélène Martinez, proviseure adjointe du lycée Alphonse Daudet (Nîmes)
Membres: Pascal Charpentier, Helena Costa, André Harbulot et Stéphanie Motta-Garcia

Ce bureau est constitué sur la base des 30 membres du conseil d'administration.

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