L. Luquin : "L’apprentissage par compétences est encore loin d’être généralisé dans le supérieur"

Guillaume Lecompte Boinet Publié le
L. Luquin : "L’apprentissage par compétences est encore loin d’être généralisé dans le supérieur"
L'innovation pédagogique, et notamment l'apprentissage par compétences, est au cœur du projet de Lionel Luquin, directeur des formations de l'IMT Atlantique. // ©  IMT Atlantique
Lionel Luquin, le directeur des formations et de la vie scolaire d’IMT Atlantique, école d’ingénieurs née de la fusion entre Mines Nantes et Telecom Bretagne, nous expose sa vision de l’innovation pédagogique et notamment de l’apprentissage par compétences. Une démarche qui a été poussée assez loin par l’école au point d’avoir aboli les notes au profit d’une grille d’évaluation.

IMT Atlantique s’est doté d’un nouveau cursus, et partant, d’une nouvelle approche pédagogique basée sur l’évaluation des compétences. Pouvez-vous nous en expliquer les grandes lignes ?

En effet, la fusion entre les deux écoles d’origine a constitué une opportunité pour rénover en profondeur la façon d’apprendre, de transmettre, et d’évaluer les connaissances. Nous nous sommes appuyés sur les réflexions menées en parallèle depuis une quinzaine d’années par les deux écoles fondatrices d’IMT Atlantique, notamment sur l’apprentissage par l’action, et dès 2007, l’approche par compétences.

LIONEL LUQUIN - IMT ATLANTIQUE
LIONEL LUQUIN - IMT ATLANTIQUE © IMT Atlantique

Il s’agit non plus d’évaluer des élèves ingénieurs par le biais des notes, mais en validant progressivement des compétences-clés, dans chaque UE (unité d’enseignement). Puis à partir de 2016, il y a eu un coup d’accélérateur avec la mise en place de la fusion, puis du cursus commun.

Comment cela s’est déroulé ?

Nous avons fait émerger un panel de 14 compétences-clés, en travaillant étroitement avec les enseignants-chercheurs, les entreprises partenaires de l’école, et naturellement, les étudiants. Il était indispensable d’associer tout le monde à cette démarche. Ces compétences balayent de nombreux champs, comme "Comprendre et analyser, synthétiser un problème et/ou une situation complexes", "Animer et gérer une équipe en différents modes de management" ou "Résoudre un problème complexe en alliant théorie et pratique".

Nous avons avancé selon un processus innovant itératif, pas à pas. Chaque UE va intégrer quelques compétences mais naturellement pas les quatorze.

Il s'agit non plus d'évaluer des élèves ingénieurs par le biais des notes, mais en validant progressivement des compétences-clés. (L. Luquin)

Après il faut évaluer : par une notation ?

Non, l’adoption de cette méthodologie a entrainé la disparition des notes au profit d’une grille d’évaluation. C’est le point-clé dans l’apprentissage par compétences : il ne suffit pas de créer un référentiel, il faut évaluer. Cela nous a pris trois à quatre ans pour construire cette grille. Mais désormais nous disposons d’une démarche complète. Ce n’est pas si courant dans le monde de l’enseignement supérieur.

Concrètement, ces méthodes passent par quels genres d’outils pédagogiques ?

Cela va du travail en petits groupes, les classes inversées, les jeux de rôles, l’approche par résolution de problèmes, en passant par des compétitions. Une chose est sûre : il y a de moins en moins de cours magistraux en amphis à IMT Atlantique et beaucoup plus d’interactivité entre les profs et les élèves. Nous voulons développer l’action chez les élèves ingénieurs plutôt que l’écoute passive.

Comment les enseignants-chercheurs ont-ils été impliqués ?

Dans un projet de cette ampleur, il faut en effet obtenir l’adhésion du corps enseignant. Pour cela, nous avons une sorte d’école interne pour les enseignants, le CARAE, qui est dirigé par Christian Colin, dont le rôle est d’apprendre à apprendre. C’est une pédagogie innovante donc il faut que cela infuse dans toute l’école, et le CARAE a été là pour accompagner les enseignants-chercheurs à préparer les grilles d’évaluation.

Un référentiel de compétences en 14 points


1. Comprendre et analyser, synthétiser un problème et/ou une situation complexes
2. Résoudre un problème complexe en alliant théorie et pratique
3. Concevoir et réaliser des systèmes et des organisations
4. Critiquer et décider
5. Innover et entreprendre dans un contexte complexe et incertain
6. Conduire un projet innovant, complexe, risqué ou à forts enjeux
7. Animer et gérer une équipe en différents modes de management
8. Coopérer notamment dans des environnements internationaux et interculturels
9. Communiquer
10. Intégrer les enjeux sociétaux dans ses décisions et ses actions
11. Intégrer les enjeux organisationnels dans ses décisions et ses actions
12. Réfléchir sur soi, ses acquis et ses expériences
13. S’adapter et évoluer
14. S’engager

Guillaume Lecompte Boinet | Publié le