Après le lancement en 2021 des BUT, quel premier bilan dressez-vous aujourd'hui ?
Aujourd'hui, nous pouvons dire que le BUT est un diplôme qui a rapidement trouvé sa cible, au regard de la stabilisation des candidatures sur Parcoursup. Ce qui n’était pas évident pour un diplôme qui a été créé il y a trois ans et qui pouvait questionner les familles et les étudiants dans leur choix.
Pour la première année du bachelor universitaire de technologie, en 2021, le niveau de candidature était identique à celui que nous avions eu pour la dernière rentrée du DUT en 2020-2021, qui était très élevé. Et il est resté aussi élevé à la rentrée 2022.
Cependant, cette stabilité cache deux mouvements : une progression nette des candidatures des bacheliers technologiques STMG et bacheliers généraux pour nos filières tertiaires mais une relative baisse des candidatures pour nos filières de production.
Comment expliquez-vous cette baisse des candidatures pour les filières industrielles ?
D’abord, nous enregistrons une baisse des viviers de bacheliers STI2D - qui alimentent nos formations en génie mécanique, génie électrique, génie industriel de la maintenance - et de candidats STL, très présents dans les BUT en génie chimique, génie de procédés…). Or, ces viviers étaient prioritaires dans le cadre de la réforme.
Nous enregistrons une baisse des viviers de bacheliers STI2D. Or, ils étaient prioritaires dans le cadre de la réforme.
Cela nous inquiète pour les filières industrielles au sein des IUT. Nous sommes aussi inquiets pour les industries qui risquent de manquer de diplômés dans les métiers de la production et dans l’industrie.
Ensuite, nous constatons, sans l’avoir anticipé, un effet de la réforme du lycée général, notamment en mathématiques. Nous observons que les lycéens se tournent beaucoup moins vers les maths mais aussi vers les sciences physiques, les sciences de l'ingénieur.
Vous avez donc du mal à remplir vos formations de BUT dans certains domaines ?
Oui, certains IUT sont même amenés à fermer des groupes de formation en première année. Par exemple, dans mon département Génie électrique et informatique industrielle à l’IUT de Troyes, j’ai dû réduire de trois à deux les groupes de formation.
On observe aussi un paradoxe dans le domaine de l'écologie car les jeunes sont aujourd'hui sensibles aux enjeux du climat mais nous n’avons pas un afflux notoire d'étudiants vers notre BUT Métiers de la transition et de l’efficacité énergique (MT2E). Les groupes ne sont pas pleins, ce qui est dommage puisque les opportunités professionnelles en sortie d’études seront importantes.
L'annonce du retour des maths au lycée par Pap Ndiaye est-il un bon signal ?
Je ne sais pas si cela suffira. Les problèmes structurels demeurent comme la pénurie d’enseignants en mathématiques dont la tendance se confirme. L’idée de la précédente réforme du lycée était - ne nous le cachons pas - de composer avec cette baisse lourde et tendancielle d'enseignants en mathématiques.
Or, si on n’oriente pas les jeunes vers la science et la technologie, notre pays passera à coté d'un certain nombre de transformations : la décarbonation de l’industrie et des services, la transformation du mix énergétique…
Si on n’oriente pas les jeunes vers la science et la technologie, notre pays passera à coté d'un certain nombre de transformations.
Il y a sans doute un travail à faire pour refonder la technologie au collège, et un travail pour "dégenrer" l’approche des mathématiques et des sciences au lycée qui a pour conséquence une désaffection des sciences par les lycéennes.
La création des BUT avait pour objectif la professionnalisation des jeunes diplômés. Comment cela se traduit-il ?
Nous avons renforcé la dimension professionnalisante de notre diplôme à travers la participation accrue de professionnels à la formation. Le taux d’heures effectué par des professionnels augmente dans les IUT et nous visons les 25% avec le déploiement de la troisième année de BUT.
Cette évolution nous inscrit nettement dans un territoire et cristallise nos collaborations avec les acteurs socio-économiques. Deux-tiers des activités pédagogiques du programme de BUT sont écrites nationalement et un tiers est défini localement avec les acteurs économiques.
Ainsi à Saint-Nazaire, l’IUT orientera le génie industriel de la maintenance vers les besoins de la construction navale, celui de Blagnac vers la maintenance aéronautique. Mais sans revenir sur le principe d’un diplôme national qui doit rester identifiable par les recruteurs partout en France.
Les IUT bénéficient-ils des moyens suffisants pour mener à bien cette réforme du BUT ?
Nous avons appris avec satisfaction l’augmentation des moyens budgétaires alloués aux universités au regard de l'inflation. Nous engageons maintenant un dialogue interne avec les universités pour que les IUT perçoivent leur part supplémentaire de cette dotation de l’Etat. Nous ne souhaitons pas piocher dans nos ressources propres qui doivent financer la troisième année.
Les universités se sont engagées à déployer la troisième année de BUT en 2023-2024 avec des moyens humains et financiers constants. Nous sommes très attentifs à ce qu’il n’y ait pas de baisse des effectifs d’enseignants dans les IUT et c'est ce que nous rappelons aux universités.
Nous ne comprendrions pas qu’au moment où l’Etat affirme nettement ses priorités en matière d’enseignement supérieur – à savoir le premier cycle professionnel - l’université ne remplisse pas a minima les engagements pris. Les attentes des lycéens et des familles ainsi que les besoins des entreprises devraient même inviter à travailler à leur développement.
Serez-vous en mesure de déployer la troisième année de BUT de manière égale dans tous les IUT en 2023 ?
Nous savons que localement, environ un quart des IUT auront des difficultés pour déployer la troisième année de BUT. Il y a une sous dotation historique en termes de ressources humaines. Depuis que j’ai pris la présidence de l’Adiut en 2021, je n’ai cessé de souligner la nécessité pour le ministère de s’engager sur des moyens humains supplémentaires pour un certain nombre d’IUT déjà en difficulté sur la formation de techniciens bac+2.
Compte tenu de la multiplication des groupes d’étudiants, nous estimons le surcoût pour ces IUT à 36 millions d’euros environ. Nous demandons à l’Etat de prendre en charge 150 postes qui correspondent à 12 millions d’euros soit un tiers des besoins des IUT en tension pour qu’on puisse déployer partout de manière égale territorialement cette réforme.
La Cour des comptes a récemment alerté sur le coût très élevé de l'investissement dans l’apprentissage. Ne faut-il pas rationnaliser les choses ?
Compte tenu des engagements pris entre le ministère, la Dgesip, France Universités et l’Adiut, il est nécessaire de conserver les niveaux de prise en charge de l'apprentissage fixés par France compétences ou au moins de ne pas trop les raboter.
Nous demandons à l’Etat de prendre en charge 150 postes qui correspondent à 12 millions d’euros soit un tiers des besoins des IUT en tension.
Les IUT se sont engagés à développer leurs ressources propres pour financer la troisième année du BUT notamment via l’alternance. Si le niveau de prise en charge des formations par l’Etat est réduit et si on baisse aussi les aides aux entreprises, il sera compliqué de financer le reste à charge pour déployer cette troisième année de BUT.
Il serait paradoxal que les IUT réduisent le nombre de places pour les étudiants par manque de soutien de la tutelle au niveau de l’université ou du ministère. Il serait aussi inconcevable de baisser le nombre d’étudiants accueillis en IUT parce qu’on ne parvient pas financer la troisième année de BUT !