Mathias Bernard (France Universités) : "On ne peut pas mettre en place les schémas directeurs DD&RSE sans moyens supplémentaires"

Cécile Marchand-Ménard Publié le
Mathias Bernard (France Universités) : "On ne peut pas mettre en place les schémas directeurs DD&RSE sans moyens supplémentaires"
Mathias Bernard, président de la commission transitions de France Université, revient sur l'élaboration des schémas directeurs DD&RS. // ©  Photo fournie par l'établissement
Mardi 2 avril, une centaine de représentants d'établissements d'enseignement supérieur étaient invités à partager leur expérience autour de l'élaboration de leur schéma directeur DD&RSE. Mathias Bernard, président de l'université Clermont-Auvergne et de la commission transitions de France Universités, fait le point sur les enjeux de leur mise en place, soulignant que certaines interrogations persistent.

En novembre 2022, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche formulait dans le cadre de son plan climat-biodiversité et transition écologique l'obligation pour les établissements du supérieur d'élaborer un schéma directeur "développement durable et responsabilité sociétale" (DD&RSE) à l'horizon décembre 2024.

Le but ? Définir notamment la manière dont ces acteurs entendent participer à la transition écologique. À quelques mois de la date butoir, l'Agence de mutualisation des universités et établissements (AMUE) et France universités organisait, le 2 avril un point d'étape sous la forme d'un séminaire d'accompagnement pour la rédaction du schéma directeur et pour favoriser l'échange de bonnes pratiques. Près d'une centaine de représentantes et représentants d'établissements étaient présents.

Au-delà du constat d'une volonté partagée et de projets déjà bien engagés, Mathias Bernard, président de l'université Clermont-Auvergne et de la commission transitions de France Universités rapporte que des questionnements et doutes persistent. Interview.

Quel était l'objectif du séminaire DD&RSE du 2 avril ?

Cet évènement s'inscrit dans le cadre d'une série de rencontres visant à accompagner les établissements dans la rédaction de leur schéma directeur DD&RSE. Certaines universités l'ont déjà finalisé.

Il nous semblait important, à mi-parcours, d'organiser un échange de bonnes pratiques, des retours d'expérience, de rappeler ce qui est attendu et la marge d'autonomie dont bénéficient les établissements.

À l'avenir, il y aura aussi besoin d'accompagner la mise en œuvre de ces schémas. Il faut suivre les engagements pris et aider les établissements à réaliser leur trajectoire.

Concernant la mise en place des schémas directeurs DD&RSE, quels besoins ont été relevés par les acteurs ?

Se pose d'abord la question de l'articulation du schéma directeur DD&RSE avec les autres politiques des établissements. Comment l'associer au contrat d'objectifs, de moyens et de performance (COMP), avec l'offre de formations et avec d'autres schémas directeurs ?

Le schéma directeur DD&RSE se distingue de ceux sur le numérique ou la vie étudiante puisqu'il est plus transversal. Il concerne l'ensemble des métiers, des directions et des services.

Il se pose la question de l'articulation du schéma directeur DD&RSE avec les autres politiques des établissements.

Une autre interrogation concerne d'ailleurs le défi d'embarquer l'ensemble de la communauté universitaire. Ce schéma directeur suppose des contraintes pour tous parce qu'il va falloir faire évoluer les programmes de formations, développer des pratiques de sobriété…

Nous avons par ailleurs relevé un besoin d'indicateurs et d'outils de pilotage. Quelle méthodologie utiliser pour réaliser son bilan carbone ? Comment organiser son suivi ? Il y a une attente en termes de méthodologie quantitative.

Les moyens pour mettre en place cette stratégie sont-ils un autre point de vigilance ?

La question des moyens alloués à la réalisation de ces objectifs est un réel enjeu. On ne peut pas mettre en place les schémas directeurs DD&RSE sans moyens humains et financiers supplémentaires.

Si l'on s'intéresse exclusivement à la consommation énergétique des établissements, il nous faut un plan de financement de rénovation de l'immobilier universitaire.

La Cour des comptes chiffre à sept milliards d'euros le besoin d'ici 2030 pour tenir les engagements de l'État. La semaine passée, Sylvie Retailleau et Bernard Cazenave ont annoncé les résultats d'un appel à projets sur la rénovation énergétique des bâtiments de l'État. Seulement 118 millions d'euros seront attribués à l'enseignement supérieur et la recherche…

Quelles réponses se dessinent ?

Concernant les indicateurs de pilotage, tout l'intérêt de travailler avec l'AMUE est de pouvoir s'appuyer sur une expertise commune et construire des outils mutualisés.

Pour ce qui est d'embarquer l'ensemble de la communauté universitaire, plusieurs exemples ont été évoqués. L'université Clermont-Auvergne [que dirige Mathias Bernard] s'est appuyée sur une démarche participative.

Impliquer l'ensemble de la communauté dans la définition de ces objectifs permet qu'ils ne soient pas perçus comme des contraintes venues d'en haut.

Durant six mois, nous avons organisé des ateliers ouverts aux personnels, enseignants, étudiants… Impliquer l'ensemble de la communauté dans la définition de ces objectifs permet qu'ils ne soient pas perçus comme des contraintes venues d'en haut.

D'autres établissements comme l'Inalco ont mis en place une convention et une assemblée chargée d'élaborer et suivre ce schéma directeur… Il n'y a pas un modèle exclusif : il s'agit d'un catalogue d'expériences réplicables.

Des disparités persistent-elles entre les établissements sur la prise en compte du sujet DD&RSE ?

Jusqu'à la fin des années 2010, les enjeux de développement durable n'étaient pas au cœur des politiques de tous les établissements.

Toutefois, certains — comme l'université Clermont-Auvergne — ont fait voter leur schéma directeur DD&RSE avant même 2023 et possédaient déjà des gouvernances et services dédiés… Ils ont donc répondu plus simplement à la commande ministérielle.

Aujourd'hui, ce sujet est porté par une majorité des universités. Nous n'avons pas identifié de retards rédhibitoires.

Cécile Marchand-Ménard | Publié le