N. Bellaoui (Agence du service civique) : "Dans l'enseignement supérieur, le service civique n'est pas encore identifié"

Amélie Petitdemange, Dahvia Ouadia Publié le
N. Bellaoui (Agence du service civique) : "Dans l'enseignement supérieur, le service civique n'est pas encore identifié"
Un tiers des volontaires du service civique sont étudiants. // ©  Service civique
Présidente de l’Agence du service civique depuis décembre 2022, Nadia Bellaoui dresse le bilan de ces missions d’engagement. Après un essoufflement en 2022, l’année 2023 a connu un record de participation des 16-25 ans. Parmi les objectifs, elle souhaite développer le service civique dans l'enseignement supérieur.
Nadia Bellaoui, présidente de l'agence du Service civique.
Nadia Bellaoui, présidente de l'agence du Service civique. © Photo fournie par le témoin

Cela fait un peu plus d'un an que vous êtes à la tête du service civique. Quel bilan dressez-vous après une baisse du nombre de missions en 2022 ?

Le premier enjeu en 2023, c’était de sortir de la difficulté à recruter les jeunes. L'année 2022 a connu une légère baisse du nombre de jeunes en service civique avec 144.000 volontaires au total. Mais après cet essoufflement, nous avons connu une année record en 2023. Nous nous approchons ainsi de l'objectif de 150.000 jeunes en service civique., avec 148.500 volontaires.

Maintenant que cette période est derrière nous, nous voulons développer le service civique et notamment engager les établissements de l'enseignement supérieur à nos côtés.

L'Education nationale est le premier organisme d'accueil du service civique, mais qu'en est-il de l'enseignement supérieur ?

Le service civique est uniquement ouvert aux structures d'intérêt général, que ce soit des établissements publics, des services de l'Etat, des collectivités mais aussi des associations ou encore des fondations.

Aujourd'hui, le ministère de l'Education nationale accueille plus de 20.000 volontaires. Un jeune sur cinq s'engage dans un établissement d'enseignement que ce soit dans le premier ou le second degrés. Et lors de ces missions, ils sont amenés à faire différentes activités. Certains jeunes intègrent ainsi des brigades de lutte contre le harcèlement pour favoriser le dialogue de pair à pair.

Aussi, ils sont l'un des maillons d'une chaîne d'intervention avec les CPE, les enseignants et les équipes pédagogiques. Cette notion "d'éducation par les pairs" est notamment portée par les organisations étudiantes qui proposent aussi des missions de service civique. Cependant, dans l'enseignement supérieur, le service civique n'est pas encore identifié.

Pourquoi le service civique n'a pas davantage essaimé dans l'enseignement supérieur ?

Il y a aujourd'hui un manque d'information sur la place que pourrait avoir le service civique dans l'enseignement supérieur.

Certains organismes sont agréés par le service civique. C'est le cas du Cnous qui a un agrément à l'échelle nationale. Les Crous peuvent donc accueillir des volontaires.

Il y a aussi des associations étudiantes comme Cop1 ou Nightline qui en accueillent aussi. Ce qui permet aux jeunes en missions de se professionnaliser tout en restant très en lien avec leur expérience étudiante.

Mais c'est un axe que nous devons développer au niveau des universités et notamment avec France universités.

Pourtant, un tiers des volontaires sont étudiants ?

Tout à fait. En 2022, les étudiants représentants 32% des volontaires, un taux en légère baisse par rapport à 2021. Les autres personnes sont des jeunes décrocheurs, avec 34% de demandeurs d'emplois et des jeunes actifs (4%).

Des étudiants allient par ailleurs études et service civique plutôt que de faire une mission à temps plein, même si c'est moins connu. Le temps de présence en cours dans le supérieur est très variable : certains étudiants arrivent donc à concilier les deux. Le service civique, c’est 24 heures hebdomadaires en moyenne, mais pas forcément chaque semaine.

Et aujourd'hui, l'engagement est aussi reconnu au niveau académique avec des crédits spécifiques. Ceux qui s'engagent dans un service civique en bénéficient mais cela pourrait être intéressant de créer un statut pour ces étudiants, comme il existe le statut d'étudiants sportifs de haut niveau, d'artiste ou d'entrepreneur.

Quelle est aujourd'hui l'ambition du service civique ?

Le but premier du service civique, - et ce depuis 14 ans - c’est de renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale. Nous permettons à des jeunes de tous milieux, de 16 à 25 ans - jusqu'à 30 ans pour les personnes en situation de handicap - de rencontrer des publics qu'ils n'auraient jamais rencontrés sans cette expérience. C'est une ouverture sur d'autres manières de vivre.

Sur cet aspect, la mission est remplie. Le premier critère de satisfaction des jeunes en service civique, c’est d'avoir été mis en relation avec des publics bénéficiaires. C’est pour ce motif que les jeunes ont tendance à plébisciter le service civique dans des services publics.

Ils sont aussi concrètement confrontés à des problématiques sociétales. Par exemple, quand ils interviennent dans un Ephad ou au domicile de personnes âgées, ils se questionnent sur la bonne manière d’accompagner socialement le vieillissement puis la dépendance, comment ça marche, qui paie…

Les jeunes trouvent dans le service civique des compétences, des vocations, mais aussi une relation différente aux institutions. Parfois, cela a aussi un impact sur leur parcours de formation et peut provoquer des reconversions.

Comment sont-ils accompagnés pendant leur mission ?

Il y a une base commune, c’est la présence d’un tuteur aux côtés des jeunes, qui l’accompagne dans la mission et dans son parcours d’avenir. En témoigne le CV de compétences à élaborer par le jeune et par son tuteur, et que nous validons à la fin de la mission.

Cela dit, l'accompagnement diffère selon les organismes, qui n’ont pas tous les mêmes possibilités, et des jeunes qui n’ont pas tous les mêmes besoins. Avec un statut commun, les expériences du service civique sont multiples.

Le risque pourrait être que le service civique se substitue à l'emploi ?

Le service civique, ce n’est pas seulement une mission d’intérêt général, mais c’est aussi un projet d'accueil qui insère le volontaire dans le collectif de professionnels et/ou de bénévoles dans l’organisme d’accueil.

Il y a toujours un risque de substitution à l’emploi mais c’est un risque contenu. Nous faisons d’ailleurs régulièrement des contrôles sur site pour vérifier que les missions correspondent à ce qui est prévu. Les jeunes ont aussi la possibilité de nous appeler et de signaler des problèmes, qu’ils soient de l’ordre du harcèlement, de la substitution à l'emploi ou du manque d'accompagnement…

Les organismes ont un agrément qui doit être renouvelé tous les trois ans. Cela dit, la perte d'agrément est rare, car nous avons un lien très régulier avec les organismes.

Entre le SNU et le service civique, il n'est pas facile de s'y retrouver entre les différents dispositifs auprès de la jeunesse. Comment s'articulent-ils ?

Le SNU (service national universel) intervient en amont du service civique. Lors du SNU ou des journées de l'engagement, les jeunes sont sensibilisés à l'engagement, donc très pragmatiquement, nous nous adressons aux sortants du SNU.

Et nous devons aller plus loin. Parmi les motifs pour lesquels les jeunes ne se lancent pas, c'est que le service civique n'est pas reconnu par les familles, ni par le système éducatif. Il est important de les sensibiliser pour leur donner envie de s'engager et de comprendre ce que ça peut leur apporter.

A l'approche des JO de Paris, l'Agence du service civique s'implique avec le programme Génération 2024. Quel bilan à ce jour ?

Depuis trois ans, l'Agence du Service Civique et le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJO) ont développé un label pour valoriser des missions de service civique qui participent à la dynamique des JO. Nous approchons les 9.000 missions, avec un objectif de 10.000 missions pour l'année 2024.

Ce ne sont pas forcément des missions sportives, il peut s’agir aussi de faire connaître l'histoire des Jeux olympiques. Des missions spéciales "célébrations" sont actuellement ouvertes pour couvrir l’été olympique.

Amélie Petitdemange, Dahvia Ouadia | Publié le