Thierry Repentin : « Je souhaite faire évoluer la répartition de la taxe d’apprentissage »

Propos recueillis par Sandrine Chesnel Publié le
Thierry Repentin : « Je souhaite faire évoluer la répartition de la taxe d’apprentissage »
Thierry Repentin - DR // © 
Le ministre de la Formation professionnelle et de l’Apprentissage, Thierry Repentin, détaille dans un entretien à EducPros ses priorités pour développer les formations en alternance et évoque des pistes de réforme de la taxe d'apprentissage.

En 2012, le nombre de nouveaux contrats en alternance a baissé de 2,6%, alors que beaucoup d'acteurs craignaient des baisses plus importantes. Redoutez-vous cette année 2013 ?

Je ne suis pas inquiet. J’ai confiance dans les entreprises, qui savent que pour préparer l’avenir, il faut faire des investissements. Et embaucher un jeune en alternance, c’est un investissement pour l’avenir. Par ailleurs, je ne suis pas convaincu de l’existence d’un lien entre la hausse du taux de chômage et l’éventuelle baisse du nombre de nouveaux contrats signés.

De nouveaux dispositifs qui vont se déployer en 2013 devraient en outre contribuer à soutenir les contrats en alternance : je pense aux contrats de génération. En effet, nous avons souhaité que les entreprises qui choisiront d’embaucher en CDI un jeune qui était auparavant apprenti ou en contrat de professionnalisation chez elles pourront comptabiliser ce contrat dans les contrats de génération.

Qu’en est-il de l’engagement des employeurs publics dans l’alternance ? 

Il faut responsabiliser les collectivités territoriales pour qu’elles recrutent plus de jeunes en alternance – ce n’est pas dans leur culture, mais il faut en parler, d’autant qu’elles comptent beaucoup de métiers qui peuvent s’apprendre en alternance, dans le bâtiment, la voirie, les espaces verts, etc.

Quels seront les priorités du projet de loi sur la formation professionnelle et l’apprentissage qui sera présenté en conseil des ministres au début de l’été 2013 ?

La priorité est de conforter le développement de la qualification par l’alternance, notamment par la voie de l’apprentissage. Je souhaite aussi faire évoluer la collecte de la taxe d’apprentissage et sa répartition, en gardant à l’esprit que ce sont les CAP et les bacs pro qui souffrent le plus de la concurrence dans l’affectation de cette taxe. Il n’est évidemment pas question de supprimer le hors-quota (aujourd’hui 45% de la taxe d’apprentissage, NDLR), mais peut-être de réfléchir à un nouvel équilibre entre le quota et le hors-quota. Il faudra d'ailleurs faire évoluer le nombre d’organismes collecteurs de cette taxe.

J’ai commandé à l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et à l’IGF (Inspection générale des finances) une étude sur ce sujet et sur les effets des aides à l’embauche en alternance pour fin avril. Il est aussi possible d’envisager d’augmenter le quota d'alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés, mais aussi d'augmenter le malus… C’est un sujet dont il nous faudra discuter avec les partenaires sociaux.

Mais au-delà de cette loi à venir, je porte aussi beaucoup d'espoirs dans l'acte 3 de la décentralisation qui va aboutir à confier le pilotage et l'animation du service public de l’orientation aux Régions : celles-ci étant actrices de la formation professionnelle, je pense qu’elles porteront avec plus d’enthousiasme l’orientation vers les formations en alternance.

Ce sont les CAP et les bacs pro qui souffrent le plus de la concurrence dans l’affectation de la taxe d'apprentissage.


La ministre de l’Enseignement supérieur a annoncé plusieurs fois sa volonté de développer les formations en alternance dans l’enseignement supérieur. Qu’en pensez-vous ?

Il n’est évidemment pas question d’opposer les formations en alternance infra-bac à celles du supérieur, et ce d’autant moins que le développement de l’apprentissage dans le supérieur a beaucoup contribué à revaloriser l’image de l’apprentissage. Je salue la politique volontariste de Geneviève Fioraso dans le domaine des formations en alternance, et j’espère qu’elle trouvera les moyens de la financer, mais, mathématiquement, ça me semble difficile d’y parvenir.

Ce sera d’autant plus difficile que beaucoup de régions rechignent à ouvrir davantage de places en alternance dans le supérieur, au grand regret de certaines écoles...

Je comprends les régions car je partage leur approche. Les réseaux des établissements d’enseignement supérieur fonctionnent très bien pour leur permettre de bénéficier de la taxe d’apprentissage. C’est moins évident pour les établissements qui proposent des CAP ou des bacs pro. Or je considère que mon rôle est de m’assurer que ceux qui ont le plus besoin de formations en alternance soient ceux qui en profitent le plus. Pour emprunter une image au milieu sportif, je dirais qu’il faut d’abord assurer les figures imposées, et ensuite seulement les figures libres.

Propos recueillis par Sandrine Chesnel | Publié le