L'éducation supérieure à l'aube d'une grande transformation

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L'éducation supérieure à l'aube d'une grande transformation
Pour Mélanie Ciussi, les nouvelles technologies ont leur utilité dans les dispositifs d'apprentissage mais ne peuvent à elles seules redonner du sens aux connaissances dispensées aux étudiants. // ©  D. Dauvergne
Sur le site de "The Conversation France", Mélanie Ciussi, professeure en gestion des connaissances et en technologies digitales à Skema business school, revient sur les grandes transformations pédagogiques à l'œuvre aujourd'hui dans l'enseignement supérieur, parmi lesquelles celles liées au numérique.

L'éducation primaire et secondaire est en route vers le changement. Le ministère de l'Éducation français réforme les programmes pour plus d'apprentissage en mode projet ou thématique, le système d'évaluation évolue vers une disparition partielle des notes en primaire et secondaire, le mouvement Colibri en France fait de plus en plus d'adeptes... La Finlande vient même d'annoncer l'abandon de l'approche par matières pour les lycées en 2017. L'éducation supérieure en revanche semble s'adapter moins vite.

Pourtant, l'insatisfaction des étudiants est grandissante et palpable dans les établissements supérieurs. De moins en moins de motivation pour les cours en amphithéâtre, une information à portée de smartphone qui concurrence directement le professeur, une perte de sens dans la plupart des matières fondamentales.

Si les raisons sont multiples, il ne s'agit pas ici de lister tous les causes et effets de ce ralenti, mais plutôt d'entrevoir les pistes de transformation.

Vers un enseignement supérieur "de fiancé"

Quelles sont les amorces vers un enseignement supérieur "de fiancé" dont parle Freinet ? C'est-à-dire une éducation favorisant les méthodes d'enseignement et d'apprentissage qui motivent intrinsèquement les étudiants (cette même motivation qui nous donne des ailes lorsque nous allons rencontrer notre fiancé), des programmes guidés par le sens, des objectifs d'apprentissage orientés sur des pratiques professionnelles et le développement des compétences clés pour agir de façon responsable dans la société.

Un des points de départ est le pourquoi de l'enseignement. Quels sont les profils d'étudiants que nous souhaitons former ? Des personnes capables de porter le changement, d'agir par des pratiques éthiques et durables, de penser de façon critique et créative ou des managers adaptatifs, très bons techniciens certes, mais qui ne peuvent porter le changement induit par le monde interconnecté, complexe et très incertain dans lequel nous vivons ?

Aujourd'hui, le MIT prédit que 48 % des métiers auront disparu en 2030... 1.500 PDG interviewés pour une étude d'IBM affirment que les deux qualités d'un leader de demain sont l'adaptabilité et la créativité. Mais forme-t-on les étudiants à ces compétences (soft skills) ? À un savoir-vivre en société, à l'adaptabilité permanente et la gestion de l'incertitude ?

Pourquoi les programmes d'enseignement supérieur restent-ils encore majoritairement construits autour d'une accumulation de matières et de connaissances et non sur le développement de compétences ?

Développer les compétences

Cela nous rappelle fortement "La tête bien faite" d'Edgar Morin qui préconisait déjà en 1999 une école de vie, une école de la découverte de soi, une école de la complexité́ humaine qui nous initie à vivre avec des êtres et des situations complexes.

Alors pourquoi les programmes d'enseignement supérieur restent-ils encore majoritairement construits autour d'une accumulation de matières et de connaissances et non sur le développement de compétences ? Il ne s'agit pas de supprimer l'acquisition de connaissances dans les programmes, mais bien d'un rééquilibrage en faveur du développement des compétences et d'un savoir-vivre. Il s'agit aussi de développer l'aptitude à contextualiser et globaliser les connaissances […].

C'est pourquoi la vague de fond qui touche l'éducation primaire et secondaire agit sur la disparition des matières en tant que telles au profit de thématiques multidisciplinaires pour enseigner. Pour agir sur le sens de ce que l'on apprend, moteur fondamental de l'apprentissage.

Le rôle des nouvelles technologies dans cette transformation

Ce n'est pas par les nouvelles technologies que la réforme de l'éducation va se jouer en profondeur. Très utiles dans de nombreux dispositifs d'apprentissage, notamment les avancées sur l'apprentissage personnalisé grâce aux learning analytics et bientôt à l'intelligence artificielle, les nouvelles technologies offrent d'indéniables avantages de facilitation dans l'accès, le contrôle et la gestion des savoirs. Elles permettent aussi de jouer sur la motivation de l'apprenant dans le cas des serious games.

Toutefois elles ne sont que des moyens technologiques pour faciliter l'apprentissage et ne peuvent résoudre à elles seules les défis énoncés ci-dessus : redonner du sens à ce que l'on apprend, rééquilibrer l'apport de connaissance avec le développement des savoir-faire et savoir-être, proposer une école de vie, une école de découverte de soi...

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