Deux ans après avoir quitté les bancs de l’université, Andy travaille pour une cellule de réflexion à Washington D.C. Il est titulaire d’un diplôme de sciences politiques d’Amherst College et lauréat d’une prestigieuse bourse de recherche de la fondation Fulbright. Il est intelligent et a de solides compétences en recherche qualitative. Mais il est frustré. C’est à son collègue aux compétences quantitatives qu’est confié le travail le plus intéressant. Andy n’a simplement pas le savoir-faire nécessaire pour faire avancer sa carrière dans cette direction.
En quête d’une solution, il découvre le cours en ligne gratuit d’analyse de données enseigné par Jeff Leek, un professeur à l’université Johns Hopkins. Il s’y inscrit et se plonge dans les vidéos de cours. Pendant huit semaines, chaque samedi matin, il organise aussi des rencontres avec un autre étudiant pour revoir ensemble leurs devoirs et réfléchir aux questions les plus difficiles du cours.
Andy termine le cours avec succès, atteignant ce qu’il appelle le "niveau critique de connaissances lui permettant d’être autonome". Quelques mois plus tard, il se porte candidat à un poste d’analyste quantitatif dans une autre entreprise. Il parle du cours de Jeff Leek dans sa lettre de motivation et pendant l’entretien d’embauche. Lorsqu’il obtient le poste, il tweete : "J’ai décroché mon job car j’ai suivi le cours de @jtleek". Voilà comment j’ai rencontré Andy.
L'histoire familière d'Andy
A 18 ans, tout le monde n’a pas la chance de savoir ce qu’il veut faire dans la vie ; peu de personnes comprennent quelles compétences sont nécessaires pour réussir sur le marché de l’emploi ; et nul ne peut vraiment savoir comment évolueront les différents secteurs d’activité et les implications que cela peut avoir sur une carrière.
Notre modèle d’enseignement traditionnel a bien des vertus, mais il se focalise sur un apprentissage par anticipation et n’est pas conçu pour tenir compte de la variabilité des aspirations professionnelles d’un individu au cours de sa carrière ou des évolutions du marché.
Un problème majeur est celui de la décroissance de la demi-vie des compétences. Je vois par exemple nos ingénieurs chez Coursera, la plupart âgés entre 25 et 30 ans, et je pense à tout ce qu’ils programment dans des langages qui n’existaient pas lorsqu’ils étaient à l’université.
Le modèle d’enseignement traditionnel est également en décalage par rapport à cette nouvelle génération née de l’ère numérique, les "natifs numériques", qui sont très mobiles et changent de travail tous les 3,2 ans en moyenne aux Etats-Unis selon le bureau américain des statistiques de l’emploi.
Bien que nous puissions voir l’intérêt d’un modèle d’enseignement visant à développer des compétences et des connaissances générales et transférables, en amont de l’entrée dans la vie active, il est évident que celui-ci doit être complété par une formation plus dynamique et actualisée.
Combler les postes vacants par une main d'œuvre qualifiée
Dans une économie fondée sur des emplois hautement qualifiés, le bon fonctionnement du marché du travail repose sur l’injection constante de compétences nouvelles. Nous sommes actuellement dans une situation paradoxale, où nous avons à la fois un fort taux de chômage et un taux d’emplois à pourvoir élevé. De nombreuses théories ont été avancées pour tenter d’expliquer ce phénomène, dont certaines se focalisant sur les particularités de certains secteurs d’activité, tels que l’ingénierie informatique. Ce que l’on voit apparaître sont les preuves d’une réelle pénurie de main d’œuvre qualifiée.
Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à être confrontés à ce problème : selon un rapport de la Commission européenne, citée dans le New York Times, jusqu’à 900.000 emplois vacants dans le secteur européen des technologies de l'information et de la communication seraient à pourvoir d’ici 2015.
La situation pourrait être encore plus grave dans les marchés émergents. D’après une étude de Aspiring Minds, 47 % des jeunes diplômés en Inde sont considérés inemployables selon les employeurs. Nous avons besoin d’un modèle d’enseignement plus souple et accessible, permettant à tout individu de prendre l’initiative de se former et de développer les compétences nécessaires pour réussir dans l’économie actuelle.
La sonnette d'alarme
De plus en plus de gens se rendent compte qu’ils ne sont pas satisfaits par ce qu’ils ont appris au cours de leurs études, et qu’ils ne peuvent compter uniquement sur leurs employeurs pour leur assurer une formation continue tout au long de leur carrière. Comme Andy, ils veulent pouvoir saisir de nouvelles opportunités professionnelles, mais ils craignent de ne pas être à la hauteur s’ils n’actualisent pas sans cesse leurs compétences.
L’érosion de la classe moyenne accompagne cette dynamique. Le revenu médian ajusté d’un travailleur à temps plein, titulaire seulement du baccalauréat, a chuté de 47% dans les quarante dernières années.
Afin de maintenir son emploi et progresser dans sa carrière, chacun doit prendre en main son avenir et continuellement se former. Et de nouvelles opportunités sont en train d’émerger.
De nouvelles solutions d’apprentissage apparaissent chaque jour, toujours plus accessibles et dynamiques : les cours en ligne ouverts et massifs (MOOC en anglais ou CLOM en français) ; des sites tels que Udemy, Code Academy, et Treehouse ; et une abondance d’autres ressources sur YouTube EDU, toutes à portée de main.
La pertinence de l’éducation informelle s’accroît à mesure que chacun cherche à se différencier sur le marché de l’emploi, à progresser au sein de son entreprise, ou à explorer de nouvelles opportunités professionnelles, et nous pouvons déjà voir les employeurs s’intéresser à ce mouvement de près.
Aujourd’hui, par le biais des mêmes technologies qui obligent le marché de l’emploi à se transformer, Andy et une génération entière de travailleurs sont en train de construire une nouvelle réalité pour l’éducation, les titres universitaires, et la formation continue. Dans cinq ans, cette réalité pourrait être très différente de ce que nous avons pu vivre jusqu’à présent, à l’intersection entre les modèles d’enseignement traditionnels et alternatifs.
Pour nombre de personnes, les piliers qu’offrent l’éducation traditionnelle seront insuffisants pour maintenir sa place sur le marché de l’emploi, et il sera difficilement envisageable de retourner faire des études à temps plein. C’est pourquoi je suis confiante dans l’opportunité que présentent ces nouvelles formes d’éducation pour offrir à ces personnes le savoir-faire nécessaire pour donner un nouveau souffle à leur carrière, combler le déficit de compétences, et bâtir un avenir économique plus fort.