À l'international comme à Saclay, HEC parle projet et pas gouvernance

Cécile Peltier Publié le
À l'international comme à Saclay, HEC parle projet et pas gouvernance
HEC mise sur les partenariats plutôt que sur l'ouverture de nouveaux campus à l'étranger. // ©  HEC
En matière de politique internationale, la business school française mise sur des alliances stratégiques avec des institutions de renom pour développer sa marque. Une approche partenariale qui vaut aussi sur la scène nationale, notamment à Saclay.

Quand les grandes écoles de commerce hexagonales investissent dans leurs campus à l'étranger pour gagner en visibilité, HEC fait le choix des alliances, dont l'emblème est le programme Trium Executive MBA (HEC, LSE, NYU), lancé en 2001. Une stratégie soutenue par un réseau de bureaux de représentations, confortée par Peter Todd.

Arrivé à la direction générale en 2015, le Canadien veut renforcer et élargir les "partenariats stratégiques" avec les grandes institutions mondiales. "Cela fait bien de dire : 'Nous sommes implantés à l'étranger', mais un campus à l'étranger est difficilement rentable, alors que des partenariats stratégiques permettent de faire rayonner la marque à travers le monde et d'offrir une vraie immersion à nos étudiants", assure le directeur général, mardi 14 novembre 2017, à l'occasion de la présentation du dernier-né de cette politique d'alliances.

Nom de code : M2M. Un portefeuille de doubles diplômes de niveau master porté par un consortium de cinq écoles de management parmi "les meilleures dans leur catégorie" : HEC, Yale School of Management (États-Unis), présenté comme le partenaire essentiel, mais aussi la Sauder School of Business University of British Columbia (Canada), la FGV Escola de Administração de Empresas de São Paulo (Brésil) et Hong Kong University of Science and Technology Business School (HKUST). HEC-Yale, HEC-HKUST, HEC-FGV... Toutes les combinaisons sont possibles.

L'objectif ? Permettre à des étudiants titulaires d'un Bachelor d'obtenir en deux ans le master de deux des cinq institutions. Ce programme d'élite devrait concerner entre "200 et 300 diplômés" par an, dont une centaine environ passée par HEC : une cinquantaine dans le cadre du double diplôme HEC-Yale, "entre 30 et 40" pour HEC-HKUST et entre "15 et 20" pour HEC-FGV.

Un consortium des meilleures business schools

Les cinq business schools ont déjà lancé le recrutement conjoint des étudiants qui intégreront les doubles diplômes à la rentrée 2018. "Une grande nouveauté !" salue Eloic Peyrache. "Yale fait le marketing du programme aux États-Unis, HKUST en Asie, etc. Cela a de quoi changer fortement la vision de l'institution dans des zones où nous souhaitons recruter ! se félicite le directeur associé, qui ne boude pas son plaisir. Quand elle a communiqué sur le programme, Yale disait qu'elle faisait le pari d'une institution internationale. Il y a quelque chose d'un peu jouissif, un peu nouveau à voir un établissement américain dire : 'Nous allons faire quelque chose de différent avec un acteur européen'."

Concernant HEC, la première année de master se déroulera à Jouy-en-Josas (Yvelines), où les nouvelles recrues seront mélangées aux étudiants du programme grande école. La deuxième année s'effectuera chez le partenaire. À travers ces échanges, la business school française vise aussi le croisement des perspectives. Tandis qu'HEC mettra l'accent sur l'entrepreneuriat, la FGV insistera sur les enjeux de soutenabilité et de développement, HKUST sur le business en Asie, tandis qu'à Yale, les étudiants devront choisir au moins 40 % des cours en dehors de l'école de management.

Un campus à l'étranger est difficilement rentable alors que des partenariats stratégiques permettent de faire rayonner la marque à travers le monde.
(P. Todd)

Les partenaires vont mettre en commun aussi leurs moyens pédagogiques (création d'électifs online, d'ateliers ou des challenges) et d'insertion. "Nous recruterons ensemble, mais nous aussi placerons les étudiants ensemble en associant nos services carrière", précise Eloïc Peyrache. Actuellement, 40 % des étudiants d'HEC démarrent leur carrière à l'étranger.

Élitiste dans son recrutement, ce programme l'est aussi sur le plan économique. Les étudiants internationaux reçus devront ainsi débourser 24.500 euros pour étudier un an à HEC – contre 15.000 euros actuellement pour les autres élèves –, puis 58.000 euros pour l'année à Yale, 34.000 euros à HKUST et 10.000 euros à la FGV. Des bourses devraient permettre d'alléger un peu la facture.

Pour autant, alors que les ressources consulaires allouées à HEC diminuent ces dernières années, ce programme "ne devrait pas rapporter beaucoup d'argent", reconnaît Peter Todd, à qui certains prêtent des relations compliquées avec sa tutelle.

En revanche, il devrait "permettre de gagner en attractivité et d'augmenter la taille et la diversité de l'offre". "Ces programmes cobrandés sont une manière très efficace d'accéder au marché à des conditions économiques avantageuses, y compris en matière d'executive education", estime François Collin, directeur international d'HEC.

Créer un réseau sur le plateau de Saclay

Cette stratégie d'alliances vaut aussi au plan national. À l'image des fleurons étrangers comme LSE (London School of Economics) ou l'EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne),"les partenariats sont importants pour les business schools françaises", insiste Peter Todd. Au croisement du management des sciences et des technologies, HEC entretient ainsi des relations privilégiées avec l'École polytechnique, de même avec Sciences po, au croisement du management et "des sciences sociales".

Une grille de lecture partenariale que Peter Todd dégaine aussi lorsqu'il est interrogé sur l'épineux dossier Saclay, où cohabitent désormais deux projets distincts Paris-Saclay (Paris-Sud, UVSQ, Évry, CentraleSupélec, l’ENS Paris-Saclay et l’IOGS) et "NewUni", autour de Polytechnique.

Est-il possible d'imaginer des connections avec les deux [projets à Saclay] ? Pour moi, rien qui l'interdit.
(P. Todd) 

"Depuis le début, je suis plus intéressé par les questions de projet que de gouvernance. Quand on regarde Saclay, on se demande si tel partenaire nous fait avancer en termes d'excellence et comment ? Est-ce qu'il nous permet de développer nos ressources ou de renforcer notre attractivité auprès des étudiants et des profs internationaux ? Cela sert-il notre rayonnement international ? Cela nous laisse-t-il l'agilité de nous adapter au marché  ?" énumère le directeur général, éludant la question du choix d'un des deux projets.

"Est-il possible d'imaginer des connections avec les deux [projets] ? Pour moi, rien qui l'interdit, rétorque Peter Todd. Tous les établissements sont partants pour avoir HEC à leurs côtés et savent qu'ils auront des connexions entre eux. Je crois qu'il faut créer un réseau sur le plateau." Le sujet sera discuté lors du conseil d'administration, le 15 décembre 2017, trois jours avant le dépôt du nouveau dossier Idex.

Cécile Peltier | Publié le