Les EGC confrontées à la vague Bachelor

Cécile Peltier Publié le
Les EGC confrontées à la vague Bachelor
On compte 22 EGC sur tout le territoire, DOM compris. // ©  Henri Salomon/EGC Martinique
Nées il y a une trentaine d’années pour répondre aux besoins des PME en managers intermédiaires, les EGC souffrent de la multiplication du nombre de Bachelors et de licences professionnelles. Fermetures et reconversions s'enchaînent. Mais le réseau n’a pas dit son dernier mot. Le point à l'occasion du palmarès 2018 des Bachelors de l'Etudiant.

“EGC, une véritable école de commerce, près de chez vous, à La Roche-sur-Yon.” Le slogan qui s’affiche sur les panneaux lumineux à l’entrée de la préfecture de Vendée est une nouveauté ou presque pour ces formations consulaires, d’ordinaire plutôt discrètes sur les vertus de leurs Bachelors.

Lancées il y a une trentaine d’années par les CCI (chambres de commerce et d’industrie) pour former les cadres intermédiaires des PME locales, les EGC (écoles de gestion et de commerce), ces écoles de commerce de proximité, subissent de plein fouet la concurrence des licences professionnelles, et surtout des Bachelors d’écoles de commerce. En quête de diversification, les ESC (écoles supérieures de commerce) se sont toutes dotées ou presque au cours des dix dernières années d’un Bachelor en gestion, chassant directement sur les terres de leurs “petites sœurs” EGC.

Quelques fermetures

La diminution des ressources des CCI, sur fond de régionalisation a accéléré les repositionnements des EGC, passées d’une trentaine aux grandes heures, à 26 en 2014, et à 22 seulement aujourd’hui. Les chambres du Doubs et de Haute-Saône ont ainsi acté, fin 2014, la fermeture de leur EGC de Franche-Comté (Besançon, Montbéliard, Vesoul), “qui nécessitait des moyens financiers conséquents, alors que les entreprises locales bénéficiaient peu de ces diplômés qui préféraient poursuivre en master”, justifie le DG de la CCI du Doubs, Anthony Jeanbourquin. Les formations en apprentissage axées sur le commerce et la distribution qui l’ont remplacée devraient mieux coller aux besoins du territoire.

De la même manière, l'EGC de Nevers, confrontée à l'érosion de ses effectifs, a fermé ses portes en 2016, au profit d'une nouvelle école supérieure de marketing digital, Digisup. L'ambition ? Proposer une offre suffisamment “différenciante” sur un campus numérique qui abrite également l'école supérieure d’informatique cS2i Bourgogne.

À l’ombre des ESC

Parfois, jusqu’à l’absorption. À Toulouse, Orléans, Saint-Nazaire ou encore Angoulême, l’EGC est progressivement passée sous le contrôle de l’ESC voisine. “Notre groupe, Sup de Co La Rochelle, voulait s’enraciner localement. Il y avait à Angoulême cette petite pépite, visée par l’État, avec des professeurs dynamiques mais qui n’arrivait pas à se déployer, et avec laquelle nous avons signé en 2011 une convention de partenariat”, se souvient Lucile Ouvrard, directrice du Bachelor business de La Rochelle BS.

“Notre arrivée leur a permis de bénéficier d’un réseau d'anciens, de partenaires internationaux et d’associations qui font la vie et l’attrait des grandes écoles. En contrepartie, nous avons profité de leur savoir-faire en matière d’apprentissage.” Un échange gagnant-gagnant à en croire la directrice, puisque le Bachelor s’est développé et parvient même à attirer des étudiants de La Rochelle...

Poussées par leurs tutelles, Euromed et BEM, réunies aujourd’hui au sein de Kedge BS, ont repris via un système de franchise les EGC de Bastia, Avignon, puis Bayonne. Mais, selon le directeur général de l’école de management, le bilan est plus mitigé : “Si Bayonne fonctionne plutôt bien vu la proximité de Bordeaux et le dynamisme de l'agglomération Côte Basque-Adour, à Avignon et Bastia, la taille plus petite du bassin économique limite mécaniquement le nombre d'étudiants du Bachelor”, souligne José Milano. Pour Kedge, le principal intérêt de l'opération réside dans la possibilité d'effectuer du prérecrutement pour ses masters.

Des fusions

Alors, dépassé le modèle de l'EGC ? Non, pas vraiment. Dans nombre de villes moyennes, les chambres ont, pour l’instant, fait le choix de les conserver. “Nos écoles qui proposent des formations de qualité, avec un job à la clé ou la possibilité de poursuivre en master grande école, le tout à des prix raisonnables, répondent à une vraie demande sociale”, insiste Sandrine Lacombe, à la tête de l’EGC de Rodez, qui s'en sort plutôt bien.

Au fil des reconfigurations régionales, la chambre Midi-Pyrénées, devenue Occitanie, a pris les devants en réunissant dès 2011, les EGC de Rodez, Montauban, Tarbes, puis Nîmes, sous une bannière commune. Un moyen de répondre “de manière plus souple aux besoins du territoire” grâce à une mutualisation des moyens – notamment des formateurs –, tout en gagnant en “visibilité”.

Aujourd’hui, aucune EGC ne craint directement pour sa survie, même si elles doivent toutes un peu évoluer.
(M.-C. Pastureau)

Jouer la carte “école”

“Aujourd’hui, aucune EGC ne craint directement pour sa survie, même si elles doivent toutes un peu évoluer”, assure Marie-Claude Pastureau, la directrice du Réseau des EGC. Selon elle, celles qui s'en sortent le mieux sont les EGC qui n'ont “pas été noyées au milieu d’un catalogue de produits, mais ont su capitaliser sur le côté école”. C’est le cas de Bourg-en-Bresse, créée en 2011 : “L’EGC possède de beaux locaux qui donnent vraiment le sentiment de rentrer dans une école de commerce et une équipe dynamique, très active au sein du réseau.”

En Vendée, l’EGC joue à fond cette carte école et mise sur la concertation avec les acteurs du territoire : “Nous avons un schéma local de l’enseignement supérieur qui fonctionne bien, avec des actions communes, comme récemment en matière d’entrepreneuriat”, explique sa directrice, Isabelle Semling. Son école est financée grâce aux subventions de la CCI qui viennent compléter les frais de scolarité versés par les étudiants. Aujourd'hui, tout va bien, mais si, un jour, la situation l'impose, pourquoi ne pas solliciter l’aide financière “des grands comptes” du bassin ou créer une fondation. “Nous n’avons pas besoin de très grosses sommes, une très bonne EGC comme la nôtre fonctionne avec seulement 1,2 à 1,3 million d’euros de budget annuel.”

Parmi les écoles bien installées, Nouméa, la Martinique ou encore la Réunion constituent aussi du fait de l'insularité des marchés plus protégés. Avec ses 160 étudiants, la Réunion est l’une des plus grosses écoles du réseau, et sa consœur martiniquaise, qui vient d’emménager dans de nouveaux locaux, fait sans difficulté le plein chaque année. “Certaines écoles métropolitaines, comme l’Inseec, viennent recruter sur place, mais les parents ne sont pas prêts à laisser partir leurs enfants si jeunes. Ils connaissent aussi le sérieux de notre formation”, remarque Marie-Claude Pastureau.

L'atout du réseau

Mais le modèle est fragile. Et pour continuer, les EGC n’ont pas d’autre choix que de jouer collectif. Le réseau s’est lancé dans un vaste travail de repositionnement. Objectif : aboutir d’ici à 2019 à une vraie harmonisation des formations, quel que soit le campus, et pourquoi pas à la systématisation du visa. Mais aussi dépoussiérer un peu la marque et décupler les synergies afin de développer le numérique, l’innovation pédagogique et l’international, coûteux mais indispensables pour rester dans la course.

Ces efforts suffiront-ils à assurer la pérennité de ces écoles ? Pour les membres du réseau, qui défendent le bien-fondé de leur produit de proximité, la réponse est oui. Pour le patron d’une business school, comme José Milano, ce n’est pas aussi évident : “Les EGC, qui ont besoin d’investissements trop importants pour de tout petits volumes, risquent d'être rattrapées par les coûts fixes.” Une formule qui les rend peu attractives aux yeux d’éventuels repreneurs, alors que le passage progressif à des DUT en trois ans, d'un côté, ou le nouveau coup de rabot sur les CCI, de l'autre, ravivent la concurrence.

Cécile Peltier | Publié le