Numérique, pédagogie et enseignement supérieur. Trois mots clés qui ont nourri les débats du Before, organisé par EducPros le 18 janvier 2018 à Lyon. Lors d'une table ronde intitulée "La révolution numérique de l'enseignement supérieur en Auvergne-Rhône-Alpes", les acteurs du secteur sont revenus sur les enjeux et les questions que soulève le déploiement des outils numériques au sein des écoles et des universités.
Comment le numérique a-t-il modifié l'enseignement supérieur et quelles sont les évolutions à attendre ? À ces interrogations, la réponse de Gilles Babinet, Digital Champion auprès de la Commission européenne et co-auteur du rapport de l’Institut Montaigne sur la transformation numérique de l’enseignement supérieur, est très claire. "À l'heure actuelle, le système reste très largement vertical. Ce qui ne pousse pas les établissements à aller vers une vraie révolution", regrette-t-il.
Pour autant, ce dernier constate que "si les Mooc n'ont pas fonctionné comme on pouvait l'espérer, ils ont en revanche eu un grand impact sur le monde éducatif", permettant une remise en question des modalités pédagogiques. Car aujourd'hui, les acteurs de l'enseignement supérieur s'accordent sur un point : les étudiants ne souhaitent pas avoir affaire à des enseignements "tout numériques", comme aurait pu le laisser penser l'avènement des Mooc, mais "hybrides". Un constat que partage Olivier Maillard, directeur de l'Esdes : ''Dites aux étudiants que nous allons tout numériser et ils vont descendre dans la rue ! Ils veulent à la fois du relationnel et profiter des avancées du numérique.''
Personnaliser les cursus
L'évolution perpétuelle des modèles pédagogiques soulève une autre question : quelle place pour l'enseignant dans la formation ? Certaines perspectives extrêmes prévoyant même sa "marginalisation". Gilles Babinet voit plutôt ces changements comme une possibilité d'améliorer la place du professeur : "Certes, les profs 'stars' sont moins stars, mais ils développent avec leurs étudiants d'autres types de relations." Même analyse de la part d'Olivier Maillard, pour qui "la place que l'on donne à l'enseignant est celle qu'il veut bien prendre".
De ce point de vue, l'école Le 101, dédiée à l'apprentissage du code, ouverte à Lyon à la rentrée 2017 sur le modèle de l'école 42, interroge les modèles pédagogiques traditionnels : ''La réelle richesse de l'école est qu'elle permet aux élèves de se développer en termes de personnalité, au-delà du simple apprentissage du code, plaide ainsi Cyril Ihssan, son directeur. On est sur une autonomisation maximale : pas d'horaires, pas de prof, pas d'encadrant... Il s'agit d'oublier ce que l'on sait de l'école.''
Le numérique ne permet pas des économies d'échelle, mais plutôt des économies d'échec. (J.-B. Lesort)
Mais loin de permettre des économies d'échelle, le numérique replace surtout les besoins des étudiants au centre du système éducatif, plaident les intervenants réunis autour de la table. Les relations entre les enseignants et les étudiants sont par exemple bouleversées par l'arrivée des learning analytics. Ces outils, qui permettent d'analyser les traces d'apprentissage laissées par les élèves sur les outils numériques, s'avèrent "extrêmement intéressants", argumente Jean-Baptiste Lesort, directeur de l'ENTPE et vice-président de l'Université de Lyon en charge du numérique. Car l'objectif est de pouvoir personnaliser les cursus, en fonction du niveau de chaque élève et de sa capacité d'apprentissage. "Le numérique ne permet pas des économies d'échelle, concède Jean-Baptiste Lesort, mais plutôt des économies d'échec pour les étudiants."
6.000 à 8.000 postes à pourvoir
Si le numérique change voire révolution la pédagogie, il influence également les établissements dans leurs choix de formation. Un exemple lyonnais incarne particulièrement le phénomène. Le campus numérique, porté par la Région Auvergne-Rhône-Alpes [et qui accueillait le Before] rassemble en un même lieu plusieurs formations dédiées au secteur. Cursus techniques, commerciaux, marketing... L'objectif est d'apporter une réponse concrète aux besoins d'un marché qui peine à trouver des professionnels. "Le projet s'est lancé à la suite d'échanges avec les acteurs économiques du secteur, détaille Juliette Jarry, vice-présidente déléguée au numérique de la Région. Ces derniers nous ont expliqué avoir du mal à recruter de bons profils." Selon les estimations de la collectivité territoriale, 6.000 à 8.000 postes seraient vacants dans le secteur, au niveau de la région.
Véronique Galdin, directrice des ressources humaines du groupe April, confirme ces chiffres : ''Il est parfois compliqué de trouver des collaborateurs qui auront les compétences de demain alors qu'on ne sait pas toujours quelles seront ces compétences !" Des compétences qui ont ainsi largement évolué, comme le constate Jean-Michel Berard, à la tête d'Esker, société spécialisée dans la dématérialisation de documents : ''En recherche et développement, nous avons besoin de gens qui savent bien coder, en plusieurs langages et qui connaissent les fondamentaux. Mais on exige également des candidats qu'ils aient des connaissances en design thinking, pour prendre en compte l'expérience utilisateur." À charge donc, aux établissements d'enseignement supérieur de s'adapter aux nouveaux besoins, pour assurer à leurs diplômés de bons débouchés.
Before d'EducPros à Lyon
EducPros a organisé le 18 janvier 2018 à Lyon, en partenariat avec la Région Auvergne-Rhône-Alpes et l'Esdes, la deuxième édition des Before, un événement pour les décideurs de l’enseignement supérieur, à la veille du Salon de l’Etudiant.
Dans un lieu à la pointe de l’innovation, les responsables de l’enseignement supérieur de la région ont été invités à échanger, lors d’une table ronde, sur le thème "La révolution numérique de l'enseignement supérieur en Auvergne-Rhône-Alpes".
