Autonomie des universités, Conseil de la science... E. Macron livre sa vision stratégique de la recherche

Clémentine Rigot Publié le
Autonomie des universités, Conseil de la science... E. Macron livre sa vision stratégique de la recherche
Le président de la République, Emmanuel Macron, à l'Elysée, le 7 décembre 2023. // ©  Raphael Lafargue/POOL-REA
Jeudi 7 décembre, Emmanuel Macron recevait à l’Elysée des acteurs de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation pour présenter sa "vision pour l’avenir de la recherche française". Parmi les annonces : "l'acte 2" de l'autonomie des universités, de nouvelles relations entre organismes de recherche et université et l'installation d'un Conseil présidentiel de la science.

C’est aux côtés de chercheurs, de représentants d’établissements supérieurs, d’organismes de recherche et de chefs d’entreprises qu’Emmanuel Macron a annoncé, ce jeudi 7 décembre, sa "vision pour l’avenir de la recherche française". Des mesures qui concernent autant les organismes de recherche que les universités.

Vers des universités plus autonomes ?

Pour les universités, le chef de l'État estime qu'elles "doivent évoluer pour prendre une place centrale en tant que cheffes de file pour organiser et gérer la recherche scientifique de leur territoire". Ceci se fera "en lien avec l’ensemble des acteurs du site, leur permettant notamment le pilotage et la gestion des équipes en local", résume la présidence.

"Je souhaite que les universités (…) qui le veulent fassent des propositions plus audacieuses et permettent de gérer la ressource humaine qui est sur leur site avec une vraie logique de délégation de cette fonction", a affirmé Emmanuel Macron.

Selon le chef de l’État, cette proposition permettrait, "d'ici 18 mois d'ouvrir l'acte 2 de l'autonomie et d'aller vers la vraie autonomie", avec une gouvernance réformée.

Une annonce saluée par France Universités, mais aussi Udice, une alliance de dix grandes universités françaises, qui y voit "l’entrée dans une phase plus ambitieuse d’autonomie des universités, renforcée au travers de véritables contrats d’objectifs, de moyens et de performance pluriannuels, plus ambitieux et dotés de moyens plus incitatifs".

Créer de nouvelles agences de recherche

Le président de la République a également exprimé son souhait de voir, d’ici un an et demi, l’organisation de la recherche complètement rénovée, "pour la rendre plus lisible, stratégique, compétitive et attractive".

Parmi les grandes pistes envisagées, la "transformation des organismes nationaux de recherche en de vraies agences de programme". Chacune d’entre elles "définira les thématiques de recherche prioritaires, organisera la veille scientifique dans son domaine, interagira avec ses homologues européens et internationaux".

Elles disposeront ainsi d’un "vrai mandat et des ressources pour piloter les programmes qui leur seront confiés", a insisté Emmanuel Macron. Sont concernées le CNRS, le CEA, l’Inserm, l'Inrae, l'Inria, ou encore le CNES.

Des annonces saluées par France Universités, qui estime nécessaire de "privilégier une vraie fonction de pilotage et de stratégie au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche au lieu d’un contrôle a priori, et de simplifier les systèmes d’évaluation pour en tirer vraiment les conséquences".

"Le modèle qu’il [Emmanuel Macron, NDLR] défend est bien celui d’une centralisation et d’un contrôle renforcé ; on voit mal comment les sites universitaires ne seraient pas réduits à des opérateurs territoriaux de recherche, les grands programmes et la nature des appels d'offres les contraignant dans leurs choix scientifiques", signale quant à lui le SNESUP-FSU dans un communiqué. Le risque aux yeux du syndicat ? Que "la recherche fondamentale, dans toute sa diversité, soit ici largement oubliée".

Des procédures simplifiées pour les chercheurs

Autre proposition : la simplification "dans le poids des procédures administratives pour nos chercheurs" dans le but de "regagner du temps utile de recherche (…) en leur évitant les temps d’attente pendants lesquels leurs projets sont gelés".

À terme, le gouvernement vise une division par deux "des délais de réponses aux appels à projet (de 1 an à 6 mois)", ainsi qu’une "facilitation des passerelles et du pilotage entre les agences de programme et les universités, pour gagner en fluidité".

Une nécessité de gain de temps partagée par Udice, qui se dit prêt à "faire des propositions audacieuses en matière d’autonomie dans la gestion RH, de mobilités professionnelles et de promotion des carrières".

De nouveaux programmes lancés dans les sciences humaines

Qualifiant la France de "nation d’excellence" en matière de sciences humaines, le président de la République a appelé à les structurer pour "qu'elles retrouvent leur rayonnement et leur visibilité".

Des programmes de recherche dédiés, orientés sur des sujets prioritaires comme "les évolutions de nos démocraties, la question du travail, les âges de la vie, le patrimoine, les religions et les civilisations, mais aussi les conséquences du changement climatique, les évolutions de nos habitats et modes de vie", devraient être lancés prochainement.

Là aussi, le but reste de lier recherche scientifique et politique, afin d’enraciner "nos débats publics sur des faits".

Des annonces budgétaires pour soutenir les propositions

Si la loi de programmation de la recherche et France 2030 ont permis d’investir massivement dans le domaine, Emmanuel Macron a annoncé qu’un milliard d’euros de l’enveloppe France 2030 sera dédié à la recherche "pour lancer les premiers travaux dans les prochaines semaines et pour piloter de nouveaux programmes, prendre plus de risques et faire rester les meilleurs dans tous les domaines", citant notamment l’exemple des mathématiques.

Du reste, le Président a exprimé son souhait d’accroitre "notre capacité à mobiliser davantage les financements privés pour accélérer l'investissement dans notre recherche", pointant du doigt un "retard" de ce point de vue.

Un investissement qui n'est pas à la hauteur des attentes du SNESUP-FSU, qui réclame pour sa part des moyens financiers nouveaux "au moins à hauteur de 3 % du PIB", contre 2,2 % aujourd’hui.

Un Conseil présidentiel de la science

Le président a également annoncé la création d’un "Conseil présidentiel de la science". Celui-ci devrait se réunir plusieurs fois par an afin d’aider le chef de l’État "dans l'orientation, l'alerte et le suivi des décisions prises".

L’objectif : "Suggérer et dégager des propositions en matière d’axes stratégiques de recherche et signaler les enjeux majeurs des chercheurs". Emmanuel Macron s’est cependant voulu rassurant face à l’auditoire, en précisant que ce conseil "n’a pas vocation à se substituer à nos académies". Il sera piloté par des chercheurs de domaines et établissements variés, dont Jean Tirole, Alain Aspect ou Pierre-Paul Zalio ou (voir encadré).

Une annonce qui ne fait pas l’unanimité. "Cet organe n'aurait-il pas pour seule fonction de légitimer les décisions surplombantes de l’exécutif ? L’inquiétude est d’autant plus forte qu’il sera exigé une confidentialité des échanges alors que la recherche scientifique est faite de transparence et de débats contradictoires entre pairs d'une même discipline, notamment lorsqu'il s'agit de grands enjeux scientifiques", alerte pour sa part le syndicat SNESUP-FSU.

Les membres du Conseil présidentiel de la science

  • - Fabrice André, oncologue, Directeur de la recherche de Gustave Roussy ;

  • - José-Alain Sahel, médecin ophtalmologiste, membre de l’Académie des Sciences, professeur à l’UPMC et à l’University College London ;

  • - Aude Bernheim, chercheuse en microbiologie, responsable de l’équipe de recherche "Diversité moléculaire des microbes" à l’Inserm ;

  • - Claire Mathieu, chercheuse en informatique et en mathématiques, membre de l’Académie des Sciences et directrice de recherche CNRS à l’Institut de recherche en informatique fondamentale IRIF ;

  • - Sandra Lavorel, écologue, membre de l’Académie des sciences et directrice de recherche du CNRS au Laboratoire d’Ecologie Alpine ;

  • - Jean Tirole, économiste, président honoraire de Toulouse School of Economics, directeur scientifique de TSE-Partenariat à Toulouse, membre fondateur de l’Institute for Advanced Study in Toulouse (IAST).

  • - Hugo Duminil-Copin, mathématicien, professeur à la faculté des sciences de l'université de Genève et professeur permanent à l’Institut des hautes études scientifiques (IHES) ;

  • - Pierre-Paul Zalio, professeur de sociologie et président du Campus Condorcet ;

  • - Lucien Bely, historien, directeur de l’Institut de recherche sur les civilisations de l’Occident moderne à l'Université Paris Sorbonne ;

  • - Pascale Senellart, physicienne, directrice de recherche au Laboratoire de photonique et nanostructures du CNRS et professeur de mécanique quantique à l’Ecole Polytechnique ;

  • - Claudine Tiercelin, philosophe, professeure au Collège de France depuis 2010, Titulaire de la chaire de Métaphysique et philosophie de la connaissance ;

  • - Alain Aspect, physicien, directeur de recherches émérite au CNRS, professeur à l'Institut d'Optique Graduate School (Université Paris-Saclay) et à l'École Polytechnique.

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