Concours des grandes écoles et laïcité : pas de session supplémentaire "pour des raisons techniques", selon le ministère

Sophie Blitman Publié le
Alors que Mediapart dénonçait"le coup de l'Elysée contre la läicité" en mentionnant que "des sessions secrètes de nuit ont été prévues, avec un confinement préalable" des étudiants juifs pratiquants, le ministère de l'Enseignement supérieur affirme qu'il n'y aura "pas de session supplémentaire", non pas au nom de la laïcité, mais "pour des raisons techniques".

La pratique est ancienne : cela fait plus de cinquante ans que les fonctionnaires sont autorisées à s’absenter à certaines dates pour des raisons religieuses.
Aujourd’hui, "trois fêtes sont concernées pour chacune des cinq principales religions", explique-t-on au ministère de la Fonction publique, le choix ayant été fait "en concertation avec les organisations représentatives" de chaque confession. Le calendrier des différentes religions n’étant pas le même que le calendrier civil, le bulletin officiel publie chaque année, les dates d’absence autorisées.
C’est ainsi que les agents de la fonction publique ont été autorisés à s’absenter pour les fêtes de Yom Kippour (Jour du Grand Pardon), Roch Hachana (Jour de l’An) et de Chavouot (Pentecôte) en 2008 , 2009 , 2010 et 2011 .
Aucun des textes récents ne mentionne la Pâque juive, cette fête ayant été supprimée des textes officiels dans les années 1990, comme le rappelle le Grand rabbin Haïm Korsia .

La Pâque juive oubliée ?

Cependant, ce texte n'est pas le seul à régir l'organisation des concours. "Il semblerait que la Pâque juive ait été prise en compte quand le problème s’est posé", avance le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui parle d’un "oubli" cette année. En réalité, il semble que l’affaire ressorte aujourd’hui parce que ce sont des concours particulièrement prestigieux, ceux des Mines-Pont et de Centrale-Supélec, qui sont concernés cette année.


Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche indique que "des pistes ont été explorées pour réparer cet oubli", mais sans succès. Aussi n’y aura-t-il "pas de session supplémentaire" pour les étudiants juifs pratiquants : "il n’y aura pas d’aménagement cette année parce que ce n’est techniquement pas faisable", précise le cabinet de Valérie Pécresse.

Le CRIF réagit sur le principe : la laïcité non remise en cause, selon lui

Dans un éditorial écrit le jeudi 14 avril 2011 au matin, Richard Prasquier, président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), réagit "sur le principe", explique-t-il à EducPros, dans la mesure où il n’avait pas les informations concernant la non-organisation de sessions supplémentaires destinées à des étudiants juifs pratiquants.
Sur le fond donc, l'édito rappelle que s'il n’est pas intervenu pour demander d’organiser des sessions particulières, "le CRIF considère que cette affaire ne met pas en cause les principes de laïcité républicaine" : "elle montre au contraire (…) que des accommodements peuvent être trouvés qui  permettent de résoudre des situations humaines lourdes de conséquences".
En outre, Richard Prasquier fait valoir que la situation de confinement que supposent de telles sessions, organisées la nuit et la veille d’autres épreuves, "n'est pas particulièrement privilégiée et on doute qu'elle soit préférée par qui que ce soit en dehors de motifs particulièrement importants".
Il rappelle aussi que confiner des étudiants pour assurer l’équité devant un concours est "une pratique qui existe depuis longtemps" : les DOM-TOM sont, de fait, les premiers concernés en raison du décalage horaire. Et "ponctuellement", il a pu arriver que le confinement soit "utilisé pour résoudre au coup par coup des situations difficiles résultant du respect des interdits religieux".
Enfin, le président du CRIF répond aussi aux soupçons de triche qui pourraient peser sur les candidats : "quant à penser que ces étudiants, juifs orthodoxes, confinés et extrêmement surveillés, essaieront par téléphone de connaitre les sujets est bien mal connaitre leur respect des interdits religieux".

Sophie Blitman | Publié le