Faismesdevoirs.com fait polémique

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Le buzz aura été trop important... Jeudi 5 mars 2009, le jour de son lancement, faismesdevoirs.com a buggé. La réouverture a été repoussée au lundi 9 mars. En page d'accueil, on peut lire ce message : "Face à la trop forte affluence, le site faismesdevoirs.com réouvrira lundi matin pour le plus grand bonheur de tous. Tous les devoirs qui nous ont été envoyés seront corrigés".

Ce site Internet, payant, affole le monde de l'éducation depuis quelques jours. Quel est son principe ? Proposer aux collégiens et aux lycéens de faire réaliser leurs devoirs par des "professeurs". Soit, selon les propriétaires du site, 80 % d’étudiants de grandes écoles et 20 % de "professionnels" (enseignants ou professions libérales) payés de 15 à 35 € de l’heure. Sept matières plus une catégorie exposé/TPE sont listées.

24 à 72 heures chrono

Pour les tarifs clients, comptez 5 € les trois questions de maths résolues, 10 € le plan détaillé d’une dissertation d’histoire, 25 € les quatre exercices de physique, 30 € l’exposé de géographie clé en main… Le tout, promis juré, livré entre 24 et 72 heures après l’envoi de l’énoncé, selon le niveau de difficulté. Pour commander, il suffit de créer un compte à points rechargeable par SMS, Audiotel, PayPal, mandat postal, cash ou cartes prépayées disponibles au départ dans quelques points de vente fréquentés par les jeunes (salles de jeux en réseau, vidéoclubs, cybercafés…).

S.O.S devoirs

Finalement, le site créé par Stéphane Boukris, le jeune co-fondateur du site (il est âgé de 25 ans) de la société Staaf, spécialisée dans les services à domicile, ne fait qu’institutionnaliser (industrialiser ?) une pratique existante dans les cours de récréation. "Franchement, ça se fait déjà au lycée, entre élèves. Quand on galère sur un devoir, cela dépanne, le temps de bien comprendre le cours. Cela permet aussi de prendre quelques points pour maintenir ou rattraper une moyenne. Après, il ne faut pas que cela devienne une habitude…", témoigne Marie, lycéenne en terminale S.

La réflexion plus importante que le résultat

Et les enseignants, qu'en disent-ils ? "Cela n’a aucun intérêt. Premièrement, cela pose la question du sens des devoirs et de la communication professeurs/élèves. Si j’apprenais que les miens utilisaient ce genre de procédé, je chercherais à savoir pourquoi. Je leur expliquerais que les devoirs constituent des extensions du cours. Que l’important n’est pas le résultat mais la démarche. A la rigueur, s’il n’y a pas de réflexion, autant ne pas faire le devoir du tout ! Deuxièmement, tout cela est très illusoire… Il suffit de faire passer les élèves au tableau et de les titiller un peu pour connaître leur niveau réel. Enfin, cela brouille les cartes : cela donne l’impression que l’élève travaille bien alors qu’il obtient de mauvaises notes aux contrôles. Cela sape notre diagnostic", démontre Cédric Lémery, professeur de physique-chimie et créateur du blog physique du Web pédagogique.

"Anti-pédagogique", pipeau.com

De son côté, Xavier Darcos, le ministre de l’Education nationale, a dénoncé "le caractère anti-pédagogique de l’offre de devoirs" du site et s’élève contre "les pratiques mercantiles qui, sous prétexte de venir en aide aux élèves, tendent en réalité à accroître les contrastes sociaux et prétendent réserver la réussite scolaire à ceux-là seuls qui ont les moyens de la financer".

Une occasion aussi pour lui de faire l’apologie de l’accompagnement éducatif gratuit après l’école et des stages de langue intensifs qu’il a mis en place pour les lycéens. Le Se-UNSA appelle lui les enseignants à dénoncer ce site traité de « véritable escroquerie » et rebaptisé pipeau.com.

L'idée qui fait parler

Toutes ces accusations, Stéphane Boukris (diplômé de l’ESSEC), les connaît par cœur. Et il rétorque aussi sec. "Faismesdevoirs.com est un vrai outil pédagogique. Il est destiné à aider les élèves en grande difficulté. Pour preuve, les utilisateurs pourront se servir des annotations pour progresser. Il n’est pas question de tricherie puisqu’ils seront évalués lors de leurs contrôles", se défend-il.

Le chef d’entreprise, qui compare son activité à du "conseil en stratégie" rappelle également que tout cela reste légal. Stéphane Boukris s’est entouré de plusieurs avocats pour bétonner le dossier. Il ne devrait donc pas connaître la même mauvaise surprise que le créateur de Note2be.com (le site qui proposait aux élèves de noter leurs professeurs) qui s'est retrouvé devant la justice après avoir provoqué les foudres du monde de l'éducation. En revanche, il devrait bénéficier du même buzz dû à la polémique, qui enfle. Stéphane Boukris attend 1500 devoirs à corriger pour demain. Interviewé par la BBC, il pense déjà exporter son idée...

Pourquoi les médias se sont emparés du sujet "faismesdevoirs.com"

Une analyse intéressante de Philippe Watrelot (Cercle de Recherche et d'Action Pédagogiques), dans sa revue de presse du 4 mars 2009.

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