Jean-Pierre Aubert (président du GIHP Île-de-France) : « Des étudiants handicapés ne pourront pas faire leur rentrée à l’université de Nanterre »

Propos recueillis par Marie-Anne Nourry Publié le
Jean-Pierre Aubert (président du GIHP Île-de-France) : « Des étudiants handicapés ne pourront pas faire leur rentrée à l’université de Nanterre »
J.P Aubert // © 
En septembre 2011, quinze étudiants lourdement handicapés de l’université Paris-Ouest-Nanterre-la-Défense risquent d’être privés de rentrée, car leur unité de logements et services, située dans la résidence universitaire, est menacée de fermeture faute d’un soutien financier suffisant. Le GIHP (Groupement pour l’insertion des personnes handicapées physiques) interpelle le Conseil général des Hauts-de-Seine (92), qui refuse jusqu’ici d’augmenter le montant de l’allocation versée aux étudiants. Jean-Pierre Aubert, père d’un des étudiants concernés, président bénévole du GIHP en Île-de-France et délégué à l’évolution des métiers et de l’emploi à la SNCF, nous raconte ce combat commencé il y a plus de quinze ans.

Pourquoi l’unité de services spécialisés de la résidence universitaire de Nanterre est-elle menacée de fermeture ?
En 2007, le CROUS (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) de Versailles a transformé quelques studios de la résidence universitaire de Nanterre en logements adaptés. Depuis, une douzaine d’étudiants lourdement handicapés ont pu en profiter, parmi lesquels mon fils de 31 ans, handicapé moteur, totalement dépendant et privé de l’usage de la parole, qui termine actuellement un master 1 de sociologie.

Tout est prévu pour que cette unité, parfaitement intégrée dans le campus, fonctionne dans les meilleures conditions possibles : l’université finance l’accompagnement individuel pour les cours, le CROUS loue les studios et la PCH (prestation de compensation du handicap) finance l’assistance individuelle pour les actes du quotidien, tels que la toilette, le coucher ou le retournement pendant la nuit. Le problème est que le tarif horaire de la PCH est fixé par le département et que le Conseil général des Hauts-de-Seine pratique un tarif minimum inadapté (17,59 €). En comparaison, l’Essonne a fixé le sien à 25,29 € pour ce type de service. Pour compenser les pertes, notre association a donc dû débourser, l’année dernière, plus de 200.000 € pour assurer 35.200 heures de prestation.

Si le Conseil général des Hauts-de-Seine n’augmente pas son soutien financier, nous devrons fermer l’unité. Nous avons tenté à plusieurs reprises de sensibiliser Patrick Devedjian, président du conseil général, à notre cause, avec l’appui de Bernadette Madeuf, présidente de l’université de Nanterre, et de Françoise Bir, directrice du CROUS. Sans succès jusqu’ici. Une réunion très récente au Conseil général nous donne l’espoir d’être écoutés et de trouver une solution pérenne, mais le chemin est encore long et le court terme n’est pas réglé.

La région parisienne est particulièrement démunie en matière d’accueil d’étudiants handicapés

Existe-t-il d’autres résidences de ce type en Île-de-France ?
La région parisienne est particulièrement démunie en matière d’accueil d’étudiants handicapés en général et particulièrement de ce profil. Mon fils, comme bien d’autres, a été obligé de partir seul à Nancy pour effectuer le début de ses études supérieures. En Île-de-France, nous voulons développer suffisamment de structures spécialisées pour pouvoir accueillir une centaine d’étudiants. Pour l’instant, nous disposons de 25 places, réparties entre l’unité de Nanterre, menacée de fermeture, et celle de Cachan, prête à ouvrir.

En proposant une alternative à la vie en institution, nous voulons que les étudiants handicapés moteurs puissent mener pleinement leur vie d’étudiant. Notre association a été créée par des étudiants handicapés qui voulaient accéder non seulement aux études supérieures, mais plus largement à leur vie de citoyen et à la vie professionnelle.

Quelle est la prochaine étape de votre combat ?
Les entreprises sont prêtes à recruter des personnes lourdement handicapées, mais, pour cela, il faut qu’elles aient accès aux études supérieures, ce qui est très compliqué à mettre en œuvre pour les familles seules. D’où la nécessité de développer des unités de logements et de services spécialisés sur les campus, même si cela ne concerne qu’un petit nombre d’étudiants.

À l’université de Nanterre, nous poursuivons notre combat pour que l’unité reste ouverte à la rentrée et bien au-delà. Dans ce cadre, j’appelle tous les lycéens et étudiants handicapés qui souhaitent poursuivre leurs études, leurs familles et les entreprises intéressées à rejoindre notre lutte.

« Les personnes handicapées ont à présent un espoir d’emploi »

Plus largement, est-ce une période propice au recrutement de personnes handicapées ?
En tant que délégué à l’évolution des métiers et de l’emploi à la SNCF, je suis bien placé pour le voir. Avec la loi de 2005 [pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, NDLR], puis la mise en place d’obligations d’embauche, les personnes handicapées ont à présent un espoir d’emploi. L’époque où on les décourageait de poursuivre leurs études, sous prétexte qu’elles ne trouveraient pas d’emploi, est révolue.

À titre d’exemple, la SNCF compte 5.000 salariés handicapés dans ses rangs, ce qui représente environ 3 % de l’effectif total. Mais si les grandes entreprises souhaitent recruter des personnes handicapées, elles se heurtent vite au fait que les candidats n’ont pas forcément le niveau de formation adéquate.

Vous préconisez l’alternance pour former les personnes handicapées…
Le plus tôt on oriente, le plus tôt on combat la déficience en matière de formation. Comme toutes les grandes entreprises en Île-de-France, la SNCF propose des emplois ouverts aux personnes handicapées, mais a besoin de candidats plus formés. Nous voulons favoriser la formation en alternance de personnes handicapées, en liaison avec l’Éducation nationale. La diversité, ce n’est pas seulement un taux à afficher, c’est aussi un apport de qualités pour l’entreprise.

Propos recueillis par Marie-Anne Nourry | Publié le