L’IGESR épingle l'ENS Lyon pour sa gestion des violences sexuelles et sexistes

Amélie Petitdemange Publié le
L’IGESR épingle l'ENS Lyon pour sa gestion des violences sexuelles et sexistes
REA ENS LYON // ©  Stéphane Audras - REA
L’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) a publié le 27 octobre son rapport à la suite des témoignages de harcèlement et d’agressions sexuelles à l'ENS de Lyon. Elle souligne le "peu d’empressement à agir" de l’école et décompte 27 situations de violences sexuelles et sexistes depuis 2017.

L’ENS de Lyon, pointée du doigt pour plusieurs cas de harcèlement et d’agressions sexuelles au sein de l’établissement, a fait l’objet d’une enquête de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR). Saisie le 24 mars, l’inspection a publié son rapport mercredi dernier.

La mission a relevé 27 situations de violences sexuelles et sexistes, dont la première remonte à 2017. Elles sont toutes à l’encontre d’étudiantes et les personnes mises en cause sont pour la moitié d’entre elles des étudiants. Pour l’autre moitié, il s’agit de cinq enseignants (de l’ENS ou non), de cinq autres personnels de l’ENS, de quatre personnes extérieures à l’ENS de Lyon ou non identifiées. Dans les neuf situations où les faits concernés relèveraient de la qualification de viol, les agresseurs présumés sont des étudiants, relève le rapport.

"Défaut de réaction"

La mission a par ailleurs constaté que la présidence de l’école n’était informée que de 15 de ces situations. "Cette situation s’explique par un défaut de réaction de la part de certains membres de l’administration qui n’ont pas transmis les informations dont ils ont eu connaissance ainsi qu’un manque de confiance de la part des victimes présumées, qui ne se sont confiées à personne ou qui n’ont pas souhaité que leur témoignage soit transmis, et ceci pour différentes raisons (crainte de représailles, de suites pénales, etc.)", explique le rapport.

Le rapport de l’IGESR pointe également le manque de réaction de l’ENS : "Hormis une situation très récente, sur les 14 situations traitées par la présidence, une seule a donné lieu à une procédure disciplinaire. Toutes les autres situations sont demeurées sans décision formalisée de la part de l’ENS permettant de clore le dossier ou sont déclarées comme étant toujours 'en cours d’instruction'". La mission constate ainsi que l’ENS de Lyon n'a pas réussi à "accorder aux victimes et victimes présumées la protection, l’écoute et le soutien auxquels elles ont droit".

"Incertitude, peur et défiance"

Cette mauvaise gestion avait été soulevée par des étudiants, qui ont accusé le président de l’ENS de ne pas avoir pris au sérieux les témoignages de harcèlement et d'agressions qui lui ont été signalés. Interviewé par Educpros sur ce sujet, Jean-François Pinton avait assuré que ce n’était "pas vrai factuellement". "Je m’inscris en faux sur le fait que l’ENS de Lyon n'agit pas contre les violences sexuelles et sexistes. Il a été rapporté quantité d’informations confidentielles et erronées concernant les plaintes et la gestion de la crise", avait-il alors réagi.

L’ENS de Lyon n'a pas réussi à accorder aux victimes et victimes présumées la protection, l’écoute et le soutien auxquels elles ont droit. (Rapport IGESR)

Quoiqu’il en soit, la mission considère que "la présidence de l’ENS Lyon n’avait pas suffisamment pris la mesure du problème de VSS au sein de l’école. Le manque de cohérence dans le traitement des situations, le peu d’empressement à agir, a conduit à une impossibilité de clôturer les instructions, a contribué à construire un sentiment d’incertitude, de peur et de défiance qui s’est installé chez les victimes présumées et a entretenu un climat social délétère".

Elle reconnaît cependant la volonté récente de l’école d’améliorer cette situation. L’IGESR "a décelé chez l’ensemble des personnes rencontrées, de la présidence aux associations, une volonté forte d’aboutir enfin, d’une part à la constitution d’une commission prévention pour former, informer, sensibiliser, d’autre part à la mise en œuvre de procédures efficaces".

Une volonté d'agir et de nouvelles actions à consolider

L’ENS a en effet lancé un plan égalité et recruté une chargée de mission égalité à la rentrée 2021. Une campagne de communication contre les VSS a été lancée en parallèle. Pour autant, ces nouvelles actions ainsi que la cellule d’action et la commission de prévention restent "perfectibles", souligne le rapport. "Il convient notamment de mieux préciser les différentes étapes de traitement d’une situation et d’arrêter clairement les modalités de sélection et le rôle des participants pour chaque niveau d’intervention", explique la mission.

L’IGESR dresse par ailleurs plusieurs recommandations. Elle souhaite notamment fixer à Jean-François Pinton des objectifs annuels par rapport au dispositif de traitement des signalements de violences sexuelles et sexistes, de harcèlement sexuel et de discrimination.

Amélie Petitdemange | Publié le