Le nucléaire français en quête d’étudiants

Sylvie Lecherbonnier Publié le
Le nucléaire français en quête d’étudiants
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Passer de 300 à 1200 diplômés de niveau bac+5 par an dans le domaine du nucléaire. Tel est le défi des écoles d’ingénieurs et des universités pour répondre aux besoins économiques dans les prochaines années, suite à la relance du nucléaire souhaitée par Nicolas Sarkozy. Conscients des enjeux, les établissements commencent à se mobiliser. Un master international en ingénierie nucléaire doit voir le jour en 2009. Des initiatives soutenues par les entreprises du secteur, comme EDF qui vient de créer une fondation européenne pour les énergies de demain.

Mobilisation générale autour du nucléaire ! Le Haut commissaire à l’énergie atomique, Bernard Bigot, a lancé l’offensive avec la création d’un groupe de travail sur la structuration de l’offre de formations dans ce domaine à l’été 2007. L’enjeu est de taille. On compte actuellement 300 diplômés de niveau bac+5 par an dans cette filière alors que les besoins sont estimés à 1200 dont 200 étrangers par an. Le réchauffement climatique, le renouvellement des centrales mais aussi le papy-boom plaident pour un retour en grâce du nucléaire, énergie non émettrice de gaz à effets de serre. Un débat qui s’insère dans la problématique plus globale du défi énergétique et de la compétitivité de la France dans ce domaine.

Une formation vitrine

Création de nouvelles formations, augmentation des effectifs dans les cursus existants. Le défi consiste à répondre à la demande tout en évitant un développement anarchique des formations. Les projets recensés par le groupe de travail conduit par Bernard Bigot se concentrent sur les trois pôles de formation existants dans le nucléaire : l’Ouest avec Nantes et Caen, Grenoble et l’Ile-de-France.

Parmi  les initiatives les plus emblématiques, la création en 2008-2009 d’un master international dédié à l’ingénierie nucléaire. Porté à la fois par l’université Paris-XI, ParisTech, Centrale Paris, Supélec et le CEA (commisariat à l'énergie atomique), ce cursus a l’ambition de devenir une « référence internationale ». « Une formation vitrine qui met en avant l’excellence française », selon Alain Fuchs, directeur de Chimie Paris ParisTech. Dispensé en anglais, le master accueillera aussi bien des étudiants français qu'étrangers. Il est également associé à des industriels du secteur : Areva, Suez ou EDF. Autre lancement, la création d'un mastère spécialisé sur l'ingénierie nucléaire dispensé par l'Ensta et l'ENSCP.

Les entreprises parties prenantes

Devant l’ampleur des enjeux, les entreprises sont prêtes à mettre la main à la pâte. Pour Laurent Stricker, conseiller auprès du PDG d’EDF, « il est important que les énergéticiens français conservent leur avance sur la question nucléaire. Pour cela, il nous faut à la fois recruter les talents et les compétences dont nous avons besoin mais aussi rester à la pointe de l’innovation en permettant le développement de l’enseignement et de la recherche sur ces questions. » C’est pourquoi EDF vient de lancer une fondation européenne pour les énergies de demain. Une partie de ses 4 millions d’euros de budget annuel sont consacrés à l’énergie nucléaire, une autre aux énergies renouvelables. Ces financements prendront la forme de chaires d’enseignement et de recherche mais aussi de bourses de l’ordre de 20 000 euros pour attirer les étudiants étrangers. L’entreprise espère ainsi parvenir à ses objectifs de recrutement de l’ordre de 500 ingénieurs par an dans les 10 années à venir.

Former des formateurs

Les formations ne sont pas tout. Pour être couronnées de succès, ces initiatives devront s’attaquer à un point crucial : la pénurie de formateurs. Les professeurs de physique nucléaire se font rares, tout comme les spécialistes de la thermique. « Nous devons amener de jeunes maîtres de conférences à se spécialiser dans le nucléaire et impliquer les industriels pour financer l’installation d’équipes de recherche et de doctorants », estime Alain Fuchs. Le ministère annonce également la création de formations à distance et de formations de formateurs en français et en anglais en partenariat avec l'AFNI (agence france nucléaire international). Restera ensuite à convaincre un nombre suffisamment conséquent d’étudiants, aujourd’hui plus attirés par la finance ou les services, de se tourner vers cette énergie si longtemps décriée. Une campagne de communication sera lancée en 2009 par le ministère de l'enseignement supérieur pour redorer le blason de ces formations et de ces carrières. En France, on n'a toujours pas de pétrole, mais on a beaucoup de nucléaire !

Sylvie Lecherbonnier | Publié le