Les «CROUS» allemands : le modèle des futures agences pour la vie étudiante ?

Reportage de notre correspondante à Francfort, Marie Luginsland Publié le
Les «CROUS» allemands : le modèle des futures agences pour la vie étudiante ?
Un restau-U à Berlin // © 
Dans son rapport sur la création d’un réseau d’agences pour la vie étudiante, rendu public le 8 septembre 2008, Denis Lambert, président de l’association des directeurs de CROUS, souligne que « l’Allemagne dispose d’un système et d’une organisation très proches de la France depuis plus de 80 ans (naissance en 1921). Le Deutsches Studentenwerk (DWS, tête de réseau) et les 58 Studentenwerke (STW) exercent des missions comparables aux CROUS », écrit-il. L’Allemagne n’est pas citée par hasard, car « le réseau des Studentenwerke a engagé ces derniers mois une réflexion stratégique » notamment « sur la nature des services à développer pour répondre à la demande des étudiants et des universités ». Aujourd’hui, les STW tendent à devenir des « opérateurs et prestataires de services pour l’ensemble de la vie étudiante », détaille Denis Lambert. Sur le terrain, c’est surtout la concurrence entre les universités qui - relevant les exigences des étudiants -, contraint les CROUS à suivre le mouvement, bon gré, mal gré.

Chaises longues et plage de sable fin à Constance, baby-lounge à Osnabrück pour les étudiantes qui allaitent, coffee-shops dans d’autres restau-U, les CROUS allemands ont découvert la loi de l’offre et de la demande. C’est le marché désormais qui dicte les prestations des Studentenwerke, institutions de droit public à forte autonomie. Chaque CROUS tente en effet de correspondre au profil de son université. La réforme sur le statut d’autonomie des universités a renforcé le processus, avec son revers de médaille : « Les universités sont tentées de nous déléguer certaines nouvelles fonctions, résultant de leur nouveau statut, comme l’hébergement des scientifiques invités, l’extension des heures d’ouverture des cafet’ calquées sur celles de la bibliothèques ou encore la prise en charge des étudiants d’universités partenaires. Mais elles voudraient que nous le fassions sans contrepartie financière !», constate Achim Meyer auf der Heyde, secrétaire général du Deutsches Studentenwerk (DSW), la fédération des CROUS allemands.

Une marque de café à l’effigie de l’université

Or, les CROUS subissent déjà un recul des aides financières. De 24,1 % en 1992, la part détenue par les subventions des länder dans le budget des Crous est passée à 11,9 % en 2007. Dans le même temps, la part des étudiants a progressé de 9,8 à 14,1 %, obligeant les CROUS à se considérer comme de véritables entreprises de services. Et donc à se conformer plus que jamais aux lois du marché... « La configuration des centre-villes a changé, les rues sont bordées de coffee-shops et de sandwicheries diverses qui nous font directement concurrence. Il faut que nous nous adaptions à ces mutations de la société et des goûts des étudiants », reconnaît Achim Meyer auf der Heyde.

S’ils conservent le maximum de services en régie propre, - toujours plus rentable que l’outsourcing selon le secrétaire général -, les CROUS allemands délivrent quelques concessions à des opérateurs étrangers, comme des coffee-shops par exemple. « Cependant, nous essayons toujours par nous-mêmes de nous plier aux tendances. Les universités développent actuellement une forte corporate identity et nous en tirons partie. A Hambourg par exemple, le Crous détient désormais sa propre marque de café à l’effigie de l’université, et ça marche ! », témoigne-t-on au DSW.

Un certain art de vivre

Actuellement, un projet pilote concerne la certification ISO 9001 de dix CROUS allemands. Car, au-delà de la restauration, c’est l’art de vivre qui est pris en considération par les étudiants dans le choix d’une université. Le processus de Bologne a mis sous pression les étudiants allemands - jusqu’alors les plus lents du monde. Ils disent disposer de très peu de temps pour vivre et apprécient d’autant plus un environnement favorable à leurs études. L’hébergement qui contribue pour 65 % au budget des Crous est lui aussi relooké aux goûts architecturaux du jour, avec tous les attributs écologiques très prisés des étudiants.

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