Les enseignants dans l'incertitude face à la nouvelle plateforme Mon master

Valentin Moinard Publié le
Les enseignants dans l'incertitude face à la nouvelle plateforme Mon master
capture d'écran mon master // ©  Capture d'écran - Mon master
La plateforme Mon master ouvre sa phase d'inscription aux étudiants de licence ce mercredi 22 mars. Si cet outil simplifie les candidatures en master, elle interroge certains enseignants qui craignent une hausse des candidatures sans outil d'aide à la décision.

Lancée le 1er février, la plateforme Mon master ouvre la phase d'inscription aux étudiants à partir du 22 mars. Une petite révolution pour les étudiants qui n'auront pas besoin d’écumer les différents sites de chaque université : les informations et inscriptions sont centralisées sur Mon master, la dernière plateforme de l’enseignement supérieur.

Ce nouveau dispositif se veut un "facilitateur, une aide à la meilleure rencontre entre l’offre et la demande en master", selon les termes de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, lors d’une conférence de presse en septembre 2022. Mais des interrogations demeurent pour les enseignants qui craignent notamment un afflux de candidatures.

La simplification prévue par Mon master "positive"

"L’utilisation est un peu floue pour nous, mais je vois ça de manière assez positive", confirme François Martin. Professeur de mathématiques à l’université Clermont-Auvergne, il estime qu’"un calendrier unique est un vrai plus".

Dans le détail, les étudiants ont jusqu’au 18 avril pour faire leurs choix et candidater. Les établissements examineront ensuite les candidatures du 24 avril au 16 juin, puis les réponses seront transmises une semaine plus tard, et les candidats pourront répondre.

"Avant les calendriers étaient variables pour chaque master, et c’était compliqué pour tout le monde, professeurs comme étudiants, détaille Julien Valiergue, enseignant à la faculté de droit de Bordeaux. Les universités qui commençaient leur recrutement tôt n’avaient pas les retours des étudiants qui préféraient attendre d’autres réponses, et celles qui s’y prenaient tard couraient le risque de passer à côté des étudiants ayant déjà fait leur choix." Tout comme le calendrier, la liste d’attente sera elle aussi unifiée entre les masters.

La crainte d’un "nombre de candidatures énorme" en master

Mais cette plateforme va simplifier les démarches pour les étudiants comme pour les universités, les enseignants craignent une hausse importante du nombre de candidats par master. En effet, Mon master proposera aux étudiants de postuler dans une limite de 15 mentions (groupes de master) différentes, avec peu de différences dans les dossiers demandés entre chaque formation.

On a peur de passer à côté de certains candidats vraiment intéressés par la formation, au profit d’autres étudiants s’étant inscrit chez nous en dernier recours. (J. Valiergue, Université de Bordeaux)

Les étudiants pourront donc s’inscrire facilement et systématiquement à un maximum de mentions pour couvrir leurs arrières en cas de réponses défavorables. Et c’est ce qui inquiète les enseignants. "On craint que le nombre de candidature par master soit énorme. Nous allons avoir une plus grosse charge de travail, et on a peur de passer à côté de certains candidats vraiment intéressés par la formation, au profit d’autres étudiants s’étant inscrits chez nous en dernier recours", explique Julien Valiergue.

Une préoccupation que partage son confrère François Martin. "Pour faire le bon choix à chaque fois, nous tenons à bien lire les dossiers. Mais cela nous donne un surcroît de travail important pour établir un classement et une liste d’attente. Cette dernière est très importante : il risque d’y avoir énormément de désistements à présent, car certains étudiants seront pris à beaucoup de masters différents en s’inscrivant partout."

D’autant que si les enseignants auront facilement accès aux notes, CV ou lettres de motivation des élèves, aucun algorithme n’est pour l’instant prévu sur Mon master pour les aider à faire un premier tri. Ils garderont ainsi la main sur la sélection, mais au prix d’un long et fastidieux travail.

Une prise en main nécessaire de la plateforme pour les enseignants

Candidater sur Mon master rappellera ainsi des (bons ou mauvais) souvenirs pour les étudiants, puisque la nouvelle plateforme est construite sur le modèle de Parcoursup. Sur le site, les étudiants peuvent chercher les masters en fonction de la mention, de la ville, de l’établissement, ou encore de la licence.

Les étudiants sont habitués à ce système, il faudra peut-être un peu de temps pour que les enseignants prennent le coup. (F. Martin, université Clermont-Auvergne)

"Les étudiants sont habitués à ce système, il faudra peut-être un peu de temps pour que les enseignants prennent le coup", estime François Martin. Parmi les adaptations à venir, Julien Valiergue a d’ores et déjà prévu d’allonger les listes d’attente des deux formations dont il est responsable à Bordeaux, en droit des affaires et en droit privé. Objectif : éviter des chaises vides dans les classes à la rentrée 2023 à cause de trop nombreux désistements.

"Finalement, d’un point de vue du responsable de parcours je ne suis pas sûr que ça nous facilite beaucoup la tâche, explique le professeur. Néanmoins le système est maintenant plus clair pour tout le monde et devrait s’accélérer par rapport aux années précédentes. Je ne suis pas plus optimiste qu’avant sur le bon déroulement du processus, mais pas moins non plus !"

Valentin Moinard | Publié le