Bien qu’autonomes, les universités ne pourront emprunter qu’à partir de 2014

Sophie Blitman Publié le
Prévue par le projet de loi de finance, cette interdiction d’emprunter pour les universités pose des questions à l’heure où les établissements acquièrent les responsabilités et compétences élargies.

Rigueur budgétaire oblige, le projet de loi de programmation des finances publiques (PLF) pour les années 2011 à 2014 interdit aux Organismes divers d’administration centrale (ODAC) de "contracter auprès d'un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois, ni [d’]émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée". Une mesure qui doit maintenant être confirmée par un texte d’application donnant la liste des établissements concernés. ODAC parmi d’autres, les universités devraient tomber sous le coup de cette interdiction.

C’est ce qu’affirme en tout cas sans ambiguïté le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, refusant cependant d’en dire plus sur les conséquences pour les établissements. Comme si cette mesure de restriction budgétaire, venue de Bercy, échappait à la "ministre de l’autonomie"… De son côté, la CPU s’abstient pour l’instant de commenter le PLF : "tant que l’arrêté n’est pas paru, rien n’est certain", avance-t-on prudemment.

Il faut dire que le sujet est délicat car si l’autonomie ne se réduit pas à la question de l’emprunt, quelle marge de manœuvre, notamment sur le plan immobilier, reste-t-il à des établissements qui ne peuvent pas emprunter ?

Garde-fou ou véritable interdiction ?

Si elle existait de façon théorique avant le dernier PLF, cette possibilité d’emprunter n’a été, jusque là, quasiment pas utilisée par les universités, peu rompues à ce genre d’exercice. Exception notable, Paris 1 a contracté en 2009 un emprunt auprès de la Caisse des dépôts et du Crédit coopératif. D’un montant global de 27 millions d’euros sur 30 ans, l’établissement a ainsi pu acquérir des locaux qu’elle louait auparavant.


Approuvée par les tutelles, cette opération n’a cependant pas été évidente à mener, notamment parce qu’il a fallu "élaborer des documents inhabituels et… dangereusement prospectifs", raconte Georges Vayrou, agent comptable de Paris 1 et président de l’Association des agents comptables d’université (AACU) . Par exemple, un compte de résultats prévisionnel à 4 ou 5 ans. Cependant, souligne-t-il, "les banques n’ont pas pris beaucoup de risques en formulant leurs offres : derrière un établissement public, il y aurait toujours et forcément la garantie de l’Etat. Mais qui peut dire si l'Etat sera toujours derrière les universités dans 30 ans ?"

Autonomes mais potentiellement non solvables ?

Cette interdiction constitue un sujet sensible au moment où l’autonomie pourrait inciter les universités à recourir à l’emprunt. "Avec une dotation globale, avec des budgets multipliés par 3 ou 4, et l’éventualité de la dévolution du patrimoine, les universités vont avoir davantage de marge de manœuvre", explique Georges Vayrou.


Or, l’interdiction de recourir à tout emprunt sur plus de 12 mois – c’est-à-dire, en clair, tout emprunt d’envergure – est justifiée dans une note de la direction générale des finances publiques (DGFIP) par la volonté de "stopper la dispersion de l’endettement public". Outre cet argument d’une nécessaire rigueur liée aux critères de Maastricht, la note indique aussi qu’il s’agit de "réduire le risque que l’Etat soit appelé à financer des entités qui ont eu recours à l’emprunt et n’ont pas une capacité de remboursement propre suffisante" et de "mettre fin à un moyen de contournement de la norme de dépense élargie (recours à l’endettement plutôt qu’à des crédits budgétaires)". De là à y voir un manque de confiance dans la gestion budgétaire des universités, il n’y a qu’un pas.

Sophie Blitman | Publié le