Quelles améliorations pour les Crous qui "incarnent incontestablement la politique sociale de l'État à destination des étudiants" ? Un rapport de l'Igésr (Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche), publié en juillet, analyse la structuration et le fonctionnement du réseau des œuvres universitaires, le Centre national des œuvres universitaires (Cnous) et les centres régionaux (Crous).
En identifiant les forces et les faiblesses de ce modèle, les inspecteurs généraux* proposent des pistes d'évolution, tout en prudence. "Il est évident qu'un 'grand soir' consistant à confier à un opérateur unique l'ensemble de la vie étudiante n'est pas envisageable (et ne constitue sans doute pas la solution)", avertissent-ils.
Les services proposés par les Crous imparfaits
Incarnation de la politique sociale à destination des étudiants, les Crous proposent un socle de services identifié par ses bénéficiaires. En premier lieu, avec la mise en place d'un guichet unique via Parcoursup, qui permet une démarche simplifiée pour les demandes de bourses. On compte près de 1.185.922 dossiers saisis en 2022 par les centres, qui gèrent aussi les demandes pour les étudiants scolarisés dans les établissements relevant des ministères de la Culture et de l'Agriculture.
Les Crous proposent également une offre d'hébergement, en priorité aux étudiants boursiers. Mais, alors que la crise du logement touche les jeunes, l'offre financièrement accessible à destination des étudiants reste insuffisante dans un certain nombre de villes, même si "la responsabilité́ ne peut être imputée aux Crous pour la totalité́ des étudiants".
Avec près de 1.000 restaurants et cafétérias, les Crous proposent aussi une offre de restauration importante. Chaque année, ce sont 35 millions de repas délivrés aux étudiants, au tarif d'un euro pour les boursiers et précaires. Mais la multiplication d'épiceries solidaires et l'augmentation d'étudiants bénéficiaires des distributions alimentaires montrent "l'installation d'une précarité étudiante, attestant une forme d'insuffisance de l'offre de restauration à caractère social".
Créer des chefs de file par domaine de la vie étudiante
L'organisation d'opérateurs divers qui se juxtaposent et fonctionnent en silo est préjudiciable à l'étudiant, estime la mission. Pour sortir de ce "brouillard" des responsabilités multiples, les inspecteurs proposent de constituer des lots de la vie étudiante : santé, vie de campus, bourses, logement…
Chacun de ces domaines aurait son chef de file. Ainsi, les Crous demeureraient chefs de file pour la restauration, la gestion des bourses et l'attribution des logements. En revanche, l'État et les structures communales seraient chargés de piloter la programmation du logement étudiant.
Concernant l'accompagnement social, il s'agit d'une responsabilité partagée entre les établissements et les Crous, considèrent les inspecteurs. Ils préconisent d'"imposer aux établissements universitaires et aux Crous la mise en place progressive d'un guichet à gestion unique pour les aides sociales d'urgence".
Enfin, il reviendrait à l'université de chapeauter ces divers lots ; le rapport recommande donc de "reconnaître le rôle de coordination en matière d'expérience étudiante des établissements d'enseignement supérieur".
Un modèle économique qui n'est "pas soutenable à terme"
Pour mieux correspondre à la notion d'expérience étudiante et aux attentes des jeunes, l'Igésr préconise une nouvelle organisation, notamment dans la mise en œuvre d'un contrat d'objectifs et de performance entre le Cnous et le MESR (ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche).
Les inspecteurs proposent de restructurer le réseau en transformant les Crous en "établissements-composantes" du Cnous. Ce modèle s'inspire des établissements publics expérimentaux déjà mis en place au sein des CAF (Caisse d'allocations familiales).
Il faut également revoir le modèle économique du réseau qui revient à "compenser, par les bénéfices engrangés sur une activité visant prioritairement les étudiants les plus défavorisés, le déficit d'une activité visant tous les étudiants, y compris les plus favorisés".
Pour l'Igésr, la fragilité de ce modèle "témoigne des limites même de l'engagement de l'État dans la vie étudiante". "Une partie de la politique sociale ambitieuse engagée ces dernières années par le gouvernement en direction des étudiants, n'ayant pas fait l'objet d'une dotation spécifique, a donc été financée par les Crous, et joue un rôle dans la baisse de leurs fonds de roulement et la fragilisation de leur situation financière", écrivent les inspecteurs qui soulignent que "cet état de fait n'est pas soutenable à terme".
Des recommandations compatibles avec la création d'une allocation étudiante
L'Igésr juge ses préconisations "parfaitement compatibles avec la mise en place éventuelle, dans le cadre d'une politique de 'solidarité à la source', d'une allocation étudiante" .
Celle-ci serait composée d'un socle "pour tous" et d'un "complément sur critères sociaux". Une annonce qui relance le débat politique sur le sujet, alors que des présidents d'université ont signé une tribune appelant à la mise en place d'une allocation d'études.
* Les auteurs du rapport sont Guillaume Bordry, Olivier Engel, Annick Girardin, Dominique Kervadec et Philippe Raimbault.