Malgré un taux d'emploi des diplômés 2020 en baisse, le modèle des grandes écoles fait preuve de résilience

Etienne Gless Publié le
Malgré un taux d'emploi des diplômés 2020 en baisse, le modèle des grandes écoles fait preuve de résilience
Le taux d'emploi des jeunes diplômés des grandes écoles est en baisse de 9 points. // ©  DEEPOL by plainpicture
Crise sanitaire oblige, l'accès à l'emploi des nombreux diplômés 2020 des grandes écoles membres de la CGE a été chahuté. Mais la qualité de l'emploi et les salaires ne se sont quasiment pas dégradés. Signe de la robustesse du modèle des grandes écoles qui envisagent l'avenir à court terme avec optimisme et s'activent à la relance.

"L'impact de la crise a été moindre qu'on aurait pu le craindre, on a su prendre les devants pour en atténuer les effets", se réjouit Anne-Lucie Wack, présidente sortante de la Conférence des grandes écoles (CGE) et directrice générale de Montpellier SupAgro. "Le modèle tient bien. On n'est pas tombé à des taux d'emploi dramatiques", ajoute de son côté Alice Guilhon, présidente de la Conférence des directeurs d'écoles françaises de management et directrice générale de Skema business school.

C'est un petit "ouf !" de soulagement que poussent les directeurs et directrices de grandes écoles : les chiffres d'insertion des diplômés 2020 (93.000 réponses ont été exploitées cette année) sont "moins pires" que ne le laissait prévoir le tsunami provoqué par la crise du Covid-19. "Certes l'onde de choc se fera sentir sur plusieurs années mais elle pourrait être moindre que lors de la crise financière de 2009", estime Anne-Lucie Wack.

Un taux d'emploi à 6 mois en chute de 9 points

"L'employabilité et la qualité de l'emploi sont une force et un facteur d'attractivité de nos écoles", rappelle Nicolas Glady, directeur de Télécom Paris et président de la commission Aval de la Conférence des grandes écoles qui a supervisé l'enquête d'insertion réalisée par l'ENSAI. Pas de doute les grandes écoles se sont pris de plein fouet la crise sanitaire en 2020 : le contexte économique né de la crise du Covid-19 a fait chuter de 9 points le taux d'emploi à moins de six mois de leurs diplômés 2020, passé brutalement sur un an de 88,1% à 79,1%.

Six diplômés sur dix confient avoir connu des difficultés pour trouver leur premier emploi. "La difficulté à décrocher un stage - éprouvée par 16,6% des élèves selon l'enquête d'insertion - a été le grand sujet au cœur de la crise, rappelle Anne-Lucie Wack. Il nous fallait coûte que coûte maintenir les stages qui sont au centre du cursus des grandes écoles". Retardés, décalés de mars à septembre effectués 100% à distance ou réalisés en mode hybride... l'essentiel était de les maintenir.

Reste que 57,4% des diplômés ont dans l'ensemble été recrutés avant même l'obtention de leur diplôme. 77,7% l'ont même été en moins de deux mois et 91,3% en moins de quatre mois. "Le diplôme de grande école a continué de jouer son rôle protecteur même en période de crise exceptionnelle", relève Nicolas Glady.

Des salaires stables mais l'écart femmes/hommes se creuse

Les diplômés 2020 de grandes écoles ont dû faire des concessions pour trouver ce premier emploi en pleine tempête : "La part de CDI recule de 4,5 points à 77,1%, mais elle reste élevée", remarque Nicolas Glady. De même, le statut cadre est en recul de 5 points, mais s'établit tout de même à 82%.

Il a aussi fallu rogner (un peu) sur le salaire annuel d'embauche hors primes des jeunes diplômés de grandes écoles : il diminue pour la première fois depuis des années (-0,7% sur un an), mais s'établit encore, en France, en moyenne, à 35.461 euros. Le salaire moyen des diplômés d'école de commerce s'élève encore à 36.209 euros. Côté ingénieurs, il est de 35.209 euros et 34.663 euros pour les diplômés d'autres spécialités. "C'est un signe supplémentaire de la robustesse du modèle de nos écoles", note Nicolas Glady.

Une ombre au tableau pourtant : les femmes sont une fois de plus les grandes perdantes côté salaire de cette année exceptionnelle. L'écart entre leur salaire annuel et celui des hommes en début de carrière s'aggrave encore et atteint 6,6% : les diplômées 2020 de grandes écoles gagnent en moyenne 2.241 euros de moins par an que les hommes.

Par ailleurs, l'étude montre encore qu'une part non négligeable de jeunes diplômés ont décidé de prolonger leurs d'études plutôt que de s'insérer dans un marché du travail dégradé : un choix fait par 6% des élèves d'écoles d'ingénieurs (contre 1% un an plus tôt) et 11% des élèves d'autres domaines (contre 3% un an plus tôt).


Diplômés par apprentissage : des résultats toujours meilleurs
Près de 20% des diplômés de grandes écoles l'ont été par la voie de l'apprentissage (18,9% pour la promotion 2020). Les chiffres d'insertion de ces profils s'avèrent meilleurs que l'ensemble des diplômés. Ainsi, moins de six mois après l'obtention de leur diplôme, le taux net d'emploi des apprentis diplômés atteint 81,7% contre 79,1% pour l'ensemble des diplômés de la promotion 2020.

La reprise des recrutements se profile

Mais l'avenir est prometteur pour les grandes écoles qui préfèrent se projeter dans l'après. Les recruteurs seraient nombreux à déclarer vouloir reprendre leur rythme d'embauche de jeunes talents d'avant la crise sanitaire. A l'image des métiers du numérique, de l'ingénierie, du conseil, de l'événementiel ou de la formation professionnelle regroupés dans Syntec numérique : "Notre secteur crée habituellement de l'ordre de 60.000 emplois nets par an. L'an dernier une partie des recrutements a été retardée, témoigne Laurent Giovachini, directeur général adjoint de Sopra Steria et président de la fédération Syntec. L'année 2021 se présente sous de biens meilleurs auspices. Des tensions sur le recrutement apparaissent d'ores et déjà dans certains domaines, notamment le numérique".

Passé les contraintes sanitaires, employeurs et grandes écoles sont entièrement tournés vers l'objectif de la relance le plus vite et le plus fort possible. "Les entreprises font la queue devant chez nous pour passer des accords et rencontrer les étudiants, se réjouit Laurent Champaney, directeur général de l'Ecole nationale supérieure d'Arts et Métiers et président nouvellement élu de la CGE. Nous avons retrouvé le dynamisme d'avant la crise voire même un dynamisme plus important : ainsi dans l'ingénierie, des entreprises sont déjà sous tension en termes d'emploi. Elles veulent rattraper leur retard dans la production, la maintenance et cherchent beaucoup d'apprentis".

Même dynamique côté écoles de management : "On note une hausse des entreprises qui veulent venir à des forums de recrutement, relève Alice Guilhon. Il y a de grands besoins en management pur que ce soit dans des secteurs comme la banque, le conseil qui repartent très fort ou d'autres plus touchés, mais qui vont probablement repartir bientôt. Il y a aussi une forte demande en apprentis. On sent que les entreprises viennent faire leur marché !" Les stigmates de la crise sont loin d'être effacés mais à l'épreuve de la crise le modèle grandes écoles a tenu. Ce qui ne tue pas rend plus fort...

Etienne Gless | Publié le