Manuel Tunon de Lara (futur président de l'Université de Bordeaux) : « Le projet de fusion des universités bordelaises doit préserver les spécificités de chacun »

Propos recueillis par Mathieu Oui Publié le
Manuel Tunon de Lara (futur président de l'Université de Bordeaux) : « Le projet de fusion des universités bordelaises doit préserver les spécificités de chacun »
Manuel Tunon de Lara // © 
À l’occasion du Salon de l’Etudiant de Bordeaux , EducPros donne la parole aux acteurs de l’enseignement supérieur bordelais. Premier volet avec le président de l’université Victor-Segalen-Bordeaux 2, Manuel Tunon de Lara , qui prendra la tête du PRES Université de Bordeaux à partir du 11 janvier 2011. Il revient sur le dispositif mis en place pour l’Opération campus et la fusion des universités programmée pour 2014. Des enjeux de taille.

L’État a apporté 475 millions d’euros à Bordeaux pour l’Opération campus. Quel est le dispositif mis en place par le PRES université de Bordeaux dans le cadre de cette opération ?
Nous avons créé un dispositif innovant qui permet de faire évoluer le partenariat public-privé (PPP) vers un partenariat public-public. D’une part, le conseil régional ne souhaitait pas s’inscrire dans le cadre d’un PPP et, d’autre part, l’université désirait également avoir une maîtrise de sa politique patrimoniale et du schéma directeur. Nous avons donc fondé une filiale où l’université est majoritaire pour recevoir le périmètre de l’Opération campus pour la rénovation et la maintenance des locaux sur vingt-cinq ans. En outre, le conseil régional voulait éviter que le chantier ne soit le monopole de grands groupes du BTP et souhaitait que des entreprises de plus petite taille de la région puissent contribuer. Le ministère a bien joué le jeu pour aplanir les difficultés réglementaires de ce dispositif qui implique les collectivités. Par exemple, il fallait une dérogation du Conseil d’État pour obtenir la participation du conseil régional.

Faire évoluer le partenariat public-privé (PPP) vers un partenariat public-public

De nouvelles constructions sortent-elles déjà de terre ?
L’opération, qui s’élève à plus d’un milliard d’euros, dont 475 millions de l’État, porte presque exclusivement sur la rénovation. Quelques constructions sont envisagées quand la rénovation n’est pas possible et que l’on doit détruire pour reconstruire, ce qui est le cas d’un bâtiment de médecine universitaire qui s’écroulait. Nous avons au total 30 opérations réparties en trois tranches : une tranche sciences et technologies, une seconde biologie-santé et une troisième sciences humaines et sociales. Le campus est constitué pour l’essentiel des bâtiments des années 60 et 70 qui ont mal vieilli et qui ne sont plus aux normes de sécurité. La première tranche sciences et technologies devrait commencer en 2011. Les deux autres tranches vont suivre, en décalé.

Qu’en est-il de la réorganisation du PRES ?
Les conseils d’administration de la plupart des établissements membres se sont déclarés favorables à l’évolution vers un établissement unique doté d’une seule personnalité juridique. L’échéance pour la fusion est fixée au 1er janvier 2014. Seule l’université Bordeaux 3 ne s’est pas déclarée en faveur de la fusion, et souhaite officiellement que le débat soit porté en interne par la prochaine présidence qui doit changer en 2012. Le PRES attend bien entendu de Bordeaux 3 qu’elle entre dans ce processus. Nous avons d’ailleurs rédigé une charte en préambule de ce projet commun afin de réaffirmer le principe de protection et de développement de chaque groupe de disciplines dans le projet d’établissement unique. Pour sortir de la crise que connaissent les SHS, il faut arrêter de raisonner en séparant les disciplines et proposer des projets forts. Nous voulons donc associer Bordeaux 3 en tant qu’observateur dès le départ. D’une façon générale, ce projet de fusion des universités bordelaises doit préserver les spécificités de chacun. Pour prendre un autre exemple, il n’est pas question de noyer la marque et le réseau de Sciences po Bordeaux au milieu d’une grosse machine de 70.000 étudiants.

Actuellement, dans le cadre du PRES, un établissement peut prendre une décision qui va à l’encontre de l’orientation collective


Quels seront les avantages d’un établissement unique ?
Ils touchent notamment aux limites du PRES que nous avons pu mesurer ces dernières années. Prenons l’exemple d’une politique sportive commune à l’ensemble du territoire bordelais. Un établissement peut décider de faire payer la pratique sportive, un autre de la rendre gratuite. Tant qu’il existe un télescopage possible entre les entités juridiques de chaque institution, il n’y a pas de gouvernance possible. Actuellement, dans le cadre du PRES, un établissement peut prendre une décision qui va à l’encontre de l’orientation collective.

Et du point de vue des étudiants, en quoi la fusion les concerne-t-elle ?
Si notre ambition est de devenir une université internationale, nos formations doivent être très multidisciplinaires. Laisser les étudiants s’engouffrer dans des  tuyaux disciplinaires revient à les pénaliser. Il y a encore trop souvent une méconnaissance de ce que fait l’université voisine. À l’université Victor-Segalen que je préside, on essaie de raisonner afin que les premières années de médecine aient davantage de débouchés en cas d’échec au concours. On s’est aperçu qu’une grande partie de ceux qui échouent se réorientent vers le droit. Il faut donc qu’on se rapproche de la fac de droit pour leur faciliter cette réorientation.

En matière d’orientation, le PRES porte un projet de portail sur l’offre en licence. Quel est son objectif ?
Il s’agit d’avoir une offre globale de formations avec des critères communs d’admission et des dispositifs transversaux. Ce portail devrait être opérationnel dans les trois ans, d’ici à la fusion. Ce système doit pouvoir répondre au mieux à la population étudiante : soutenir et accompagner ceux qui ont des difficultés, mais aussi pouvoir attirer les meilleurs et les aider à aller plus vite dans leur cursus.




La fiche d'identité du PRES université de Bordeaux

• 61 000 étudiants dont 7500 étrangers
• 3100 enseignants chercheurs et chercheurs,  2600 personnels techniques et administratifs
• 3000 doctorants
•110 unités de recherches dont 70 mixtes

Les membres du PRES : université Bordeaux 1 sciences et technologies, université Victor-Segalen-Bordeaux 2, université Michel-de-Montaigne-Bordeaux 3, université Montesquieu-Bordeaux 4, Institut polytechnique de Bordeaux, École nationale d’ingénieurs des travaux agricoles de Bordeaux (ENITAB), Sciences po Bordeaux.

Les membres associés : CHU de Bordeaux, Institut Bergonié, CROUS de Bordeaux Aquitaine, École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux, ESTIA (École supérieure des technologies industrielles avancées), université de Pau et des Pays de l'Adour, École nationale supérieure des arts et métiers de Bordeaux.   

• Un institut rattaché : Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV Bordeaux-Aquitaine), rattaché depuis le 9 avril 2009.

• Décret de création du PRES au JO du 21 mars 2007.

• Statut : EPCS (établissement public de coopération scientifique).

• Président : Manuel Tunon de Lara.

• Dotation dans le cadre du Plan campus : 475 millions d’euros.

• Site : www.univ-bordeaux.fr .

Notre série sur le « tour de France » des PRES s'arrête pour sa troisième étape en Aquitaine, avec l'université de Bordeaux.

Retrouvez les deux précédentes étapes à :
L'université de Paris-Est
L'université de Lyon

Propos recueillis par Mathieu Oui | Publié le